Le REER au décès
Au décès, beaucoup d’éléments relatifs au REER doivent être considérés. En voici un aperçu.
Qui héritera du REER?
À la question : À qui iront les REER au décès?, la réponse spontanée est fréquemment : Au conjoint. S’il est vrai que le transfert du REER au conjoint, en cas de décès, s’avère souvent une option très efficace, elle n’est pas la seule et pas nécessairement toujours la meilleure, et ne constitue jamais une obligation!
Au moment du décès, le REER du défunt ainsi que ses autres biens vont aux héritiers[1]. Il s’agit parfois des bénéficiaires désignés[2] ou des légataires nommés au testament. Des considérations fiscales devraient normalement entrer en ligne de compte au moment d’identifier un bénéficiaire ou un légataire. En effet, au décès, il y a disposition présumée des biens (incluant les REER), et le défunt pourrait se trouver imposé sur ses REER. Différentes options de transfert ou de roulement permettent de réduire ou de reporter l’imposition.
Les options de transfert
Le transfert du REER du défunt au conjoint s’effectue sans incidence fiscale, peu importe qu’il s’agisse de conjoints mariés ou vivant en union de fait. N’étant assujettie à aucun plafond, cette option s’offre même si le conjoint survivant ne détient pas de droits de cotisation au titre des REER (communément appelés « marge REER »). L’imposition surviendra quand le conjoint survivant effectuera des retraits de ses REER.
Le REER peut être versé à l’enfant (ou au petit-enfant) mineur, à la charge financière du défunt. Dans ce cas-là, cet enfant (ou petit-enfant) pourrait recevoir le solde du REER sous forme de rente à durée fixe dont les versements doivent commencer au plus tard un an après l’acquisition de ladite rente et se poursuivre généralement jusqu’à ses 18 ans. C’est l’enfant (ou le petit-enfant) qui paiera de l’impôt sur ces revenus, et ce, fort probablement à un taux d’imposition relativement faible.
Le REER peut être versé à l’enfant (ou au petit-enfant) souffrant d’un handicap physique ou intellectuel. Dans ce cas-là, le REER du défunt est transféré au REER de l’enfant, peu importe son âge et la « marge REER » dont il dispose. L’enfant paiera de l’impôt uniquement au retrait des sommes. C’est la seule option où le REER passe d’une génération à l’autre tout en conservant sa qualité de REER. Toutefois, ce roulement présente un inconvénient : le revenu que l’enfant tirera de ces sommes pourrait avoir un impact sur son admissibilité à des prestations sociales découlant de sa condition.
Dans le cas d’un enfant souffrant d’un handicap physique ou intellectuel, il est aussi possible de transférer le REER du défunt vers le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) de l’enfant (ou du petit-enfant) à charge, sans impact fiscal immédiat. L’enfant ne sera imposé qu’au retrait des sommes. On remarquera toutefois qu’un tel transfert est plafonné à 200 000 $ (moins toutes les cotisations antérieures effectuées au REEI de l’enfant) et ne donne pas droit aux généreuses subventions associées au REEI (comme subventions canadiennes à l’épargne-invalidité). Ce transfert n’a aucune incidence sur l’admissibilité de l’enfant à des prestations sociales découlant de sa condition.
Finalement, depuis 2013, il est possible d’utiliser le produit du REER au moment du décès pour financer l’acquisition d’une rente au profit d’une fiducie de prestations à vie (FPV). Le conjoint ou l’enfant recevraient ensuite des revenus de cette fiducie. Aucun plafond ne s’applique à cette option, mais elle est permise uniquement si le bénéficiaire était l’époux ou le conjoint de fait du défunt et avait une déficience intellectuelle; ou était l’enfant (ou le petit-enfant) à charge du défunt, en raison de sa déficience intellectuelle.
Forcément plus complexe et possiblement coûteuse, cette stratégie n’est pas disponible en cas d’une déficience strictement physique, la présence d’un handicap intellectuel étant nécessaire.
Enfin, il est à noter que si aucune des options précitées n’est utilisée, le défunt sera présumé avoir effectué, au décès, un retrait total de ses REER, un montant qui sera donc entièrement imposé entre ses mains.
Imposer le défunt?
Les options présentées ci-dessus permettent de diminuer ou de reporter l’impôt sur le REER. Il existe toutefois deux situations où il pourrait être avantageux de choisir d’imposer le REER, du moins en partie, entre les mains du défunt. Premièrement, si le décès survient très tôt dans l’année ou si le défunt a touché peu de revenus imposables durant l’année du décès, il serait possible de bénéficier d’un taux d’imposition marginal relativement faible sur la totalité ou une partie des REER. Deuxièmement, si le défunt possède des pertes en capital reportées d’années antérieures, il pourrait aussi être pertinent d’imposer celui-ci sur une portion des REER. En effet, normalement, des pertes en capital reportées peuvent effacer seulement des gains en capital. Toutefois, au décès, ces pertes peuvent être appliquées à d’autres revenus, notamment à des revenus provenant du REER. Une telle stratégie équivaudrait à effectuer des retraits du REER sans aucun impôt.
Cotisation après le décès
Après le décès, aucune cotisation au REER du défunt n’est permise. Toutefois, si le défunt détenait une « marge REER », il est possible de verser des cotisations au REER du conjoint survivant durant l’année du décès ou dans les 60 jours suivant la fin de cette année (comme pour les cotisations traditionnelles). Strictement réservée au conjoint survivant, cette cotisation post-mortem constitue la seule utilisation possible des droits de cotisation inutilisés du défunt.
Si le défunt participait au Régime d’accession à la propriété (RAP)
En général, si un participant au RAP décède, on doit inclure, aux fins fiscales, le solde du RAP du défunt dans son revenu imposable pour l’année du décès. Ce montant est égal au solde du RAP au moment du décès, moins toutes les cotisations versées à ses REER avant le décès, désignées comme remboursement dans le cadre du RAP pour l’année du décès.
Par exemple, un particulier décède en 2018. Son solde du RAP s’élève à 13 000 $ au moment du décès. Le représentant légal du défunt doit inclure 13 000 $ comme revenu dans la déclaration du défunt pour 2018.
Si, au moment de son décès, le participant avait un époux ou un conjoint de fait résidant au Canada, ce conjoint survivant pourrait décider, de concert avec le représentant légal du défunt, de continuer à effectuer les remboursements dans le cadre du RAP à la place du défunt. La règle d’inclusion du revenu précitée ne s’appliquerait donc pas au défunt. Le solde du RAP du défunt est alors considéré comme un montant retiré dans le cadre du RAP par le conjoint survivant et devra être remboursé par ce dernier à son propre REER.
Si, avant le décès, le conjoint survivant participait lui aussi au programme du RAP, sa décision de continuer à rembourser le solde du RAP du défunt n’entraînerait aucune conséquence fiscale, même si son nouveau solde devait dépasser 25 000 $.
Pour faire le choix de rembourser le solde du défunt, son conjoint et son représentant légal devront joindre une lettre signée à la déclaration de revenus du défunt. Cette lettre devra indiquer que le conjoint survivant a choisi de continuer de verser les remboursements dans le cadre du RAP, et que la règle d’inclusion du revenu ne doit pas s’appliquer au défunt. Finalement, si le conjoint survivant fait ce choix et que le défunt n’avait pas encore effectué de remboursement pour l’année du décès, aucun remboursement n’est requis pour le défunt pour cette année-là. Une règle semblable s’applique au régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP).
En conclusion
Avant et après le décès, une optimisation de l’usage du REER est possible… il suffit de connaître les règles!
[1] On notera que dans le cas d’une succession déficitaire, les REER pourraient être utilisés pour éponger les dettes de la succession.
[2] Possible uniquement lorsque le REER prend la forme d’un contrat de rente, comme un fonds distinct.