Le Fonds des générations : la précaution a bien meilleur coût
En 2006, le Québec était la province canadienne la plus endettée. La dette publique brute totale mesurée en pourcentage du produit intérieur brut (ratio dette totale/PIB) s’élevait à près de 43 %, alors que la moyenne canadienne était de 25 %.
Comme près des trois quarts (75 %) de cette dette avaient servi à payer l’épicerie, c’est-à-dire les dépenses courantes, le Québec plaçait sur les épaules des générations futures le lourd fardeau de rembourser cette « mauvaise dette » pour laquelle elles n’allaient retirer aucun bénéfice.
De plus, comme le niveau de la dette s’aggravait de façon inquiétante, les dépenses en frais d’intérêt (le service de la dette) accaparaient une part importante du budget de l’État, tout en plombant la cote de crédit du gouvernement.
C’est donc pour mettre un terme à la spirale de l’endettement et pour résoudre un problème d’équité intergénérationnelle que le Fonds des générations a été créé en vertu de Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations.
Financement du Fonds
Comme il était exclu de recourir à des augmentations d’impôts ou de taxes pour financer le Fonds, sept sources de revenus sans effet négatif ont été identifiées, soit :
- les redevances hydrauliques versées par Hydro-Québec et par les producteurs privés d’hydroélectricité;
- une partie des bénéfices d’Hydro-Québec résultant de la vente d’électricité à l’extérieur du Québec et provenant de ses nouvelles capacités de production;
- les redevances sur l’eau captée;
- la vente d’actifs;
- les dons, legs et autres contributions reçus par le ministère des Finances;
- les biens non réclamés du Revenu Québec;
- les revenus provenant du placement des sommes constituant le Fonds.
Ces versements dédiés au Fonds ont été modifiés au cours des années de sorte qu’ils émanent aujourd’hui de huit sources, soit :
- les redevances hydrauliques d’Hydro-Québec et des producteurs privés;
- les revenus d’Hydro-Québec liés à l’indexation du prix du bloc patrimonial[1];
- une contribution additionnelle de 215 millions de dollars d’Hydro-Québec;
- les revenus miniers;
- un montant de 500 millions de dollars de la taxe spécifique sur les boissons alcooliques;
- les biens non réclamés du Revenu Québec;
- les dons, legs et autres contributions reçus par le ministère des Finances;
- les revenus de placement du Fonds.
Trois sources identifiées dans la loi nécessitent cependant l’adoption d’un décret ministériel pour fixer la partie des sommes auxquelles elles donnent lieu et qui doivent être affectées au Fonds :
- une partie des bénéfices d’Hydro-Québec résultant de la vente d’électricité à l’extérieur du Québec et provenant de ses nouvelles capacités de production;
- les redevances sur l’eau captée;
- la vente d’actifs, de droits ou de titres du gouvernement.
Aucun décret n’ayant été adopté à ce jour, ces sources ne génèrent aucun versement à l’heure actuelle.
Les sommes consacrées au Fonds sont déposées à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et gérées conformément à une politique de placement déterminée par le ministre des Finances, de concert avec la Caisse.
Objectifs du Fonds
Afin de ramener, en 2026, son endettement au niveau de la moyenne des provinces canadiennes, le gouvernement a inscrit dans la loi deux grandes cibles de réduction pour 2025-2026.
La première concerne la dette brute qui devra représenter 45 % du PIB au 31 mars 2026. Cette dette se calcule en additionnant la dette consolidée (celle émise sur les marchés financiers) et les passifs nets au titre des régimes de retraite et des avantages sociaux futurs des employés des secteurs public et parapublic, et en soustrayant le solde du Fonds de cette somme.
La seconde porte sur la dette représentant les déficits cumulés qui devra équivaloir à 17 % du PIB au 31 mars 2026. Cette dette correspond à la somme de tous les déficits gouvernementaux à laquelle s’ajoute la réserve de stabilisation, c’est-à-dire l’argent que le gouvernement met de côté pour assurer le maintien de l’équilibre budgétaire advenant que ses états financiers affichent un déficit.
En pratique, cette dette est la différence entre les passifs du gouvernement du Québec et l’ensemble de ses actifs, financiers et non financiers. Elle se calcule en soustrayant de la dette brute les actifs financiers (nets des autres éléments de passif) ainsi que les actifs non financiers, puis en additionnant la réserve de stabilisation et la somme obtenue.
Résultats du Fonds
Au 31 mars 2017, la dette brute correspondait à 51,9 % du PIB, et celle représentant les déficits cumulés, à 29,9 % du PIB.
Dans une étude qu’elle a rendue publique en novembre 2017, la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a noté que le gouvernement est en bonne voie d’atteindre ses objectifs à l’échéance qu’il s’est fixée, voire plus tôt pour ce qui est de la dette brute.
Sur la base des hypothèses retenues par les auteurs de l’étude, les projections font état d’un ratio de la dette brute au PIB de 41,8 % pour 2016 et d’un ratio de la dette représentant les déficits cumulés de 15,8 % pour la même année. Selon eux, le Fonds devrait totaliser un peu plus de 26 milliards de dollars en 2022 et 47 milliards de dollars en 2026, comparativement à un peu plus de 10 milliards de dollars aujourd’hui.
Dans la mise à jour de novembre 2017 du Plan économique du Québec, le ministre des Finances a estimé que les revenus découlant du placement des sommes constituant le Fonds des générations seraient de :
- 529 millions de dollars en 2017-2018;
- 706 millions de dollars en 2018-2019;
- 917 millions de dollars en 2019-2020;
- 1,2 milliard de dollars en 2020-2021;
- 1,5 milliard de dollars en 2021-2022.
Ces revenus de placement contribuent à faire fructifier le Fonds et à accélérer la réduction de la dette.
La prudence est l’intelligence du courage
Si la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke est d’avis que « le gouvernement a fait le bon choix en créant le Fonds des générations », elle précise toutefois que « compte tenu des sommes de plus en plus importantes accumulées dans le Fonds, des questionnements, des critiques et des remises en question reviennent régulièrement hanter le pouvoir politique ».
Lucidement, les auteurs de l’étude signalent également que l’embellie de la situation financière du gouvernement « risque de susciter de forts débats pour l’utilisation des surplus qui s’annoncent, d’autant plus que la situation économique s’améliore. Dans un tel contexte, les sommes accumulées dans le Fonds feront l’objet de convoitise ».
Aussi, expriment-ils l’opinion que « le gouvernement devrait continuer de laisser les sommes s’accumuler de la même façon qu’au cours des dernières années ». À leurs yeux, « la meilleure option demeure toujours de poursuivre les opérations sans aucun décaissement avant 2025-2026 », car tous les scénarios étudiés concluent à une atteinte plus ardue des objectifs de réduction de la dette advenant une crise financière ou une récession.
En juin dernier, Standard & Poor’s a haussé de A+ à AA- la cote de crédit du Québec qui est depuis lors meilleure que celle de l’Ontario, une première en plus d’un demi-siècle, soit depuis que des données sont disponibles (1966).
En dépit de ce progrès notable, le Québec demeure toutefois la province la plus endettée du Canada. Céder aux chants des sirènes électoralistes serait une erreur grave et coûteuse.
En d’autres mots, il faut que tout un chacun, sans exception, entende et respecte le message lancé en octobre dernier par l’Institut du Québec dans son étude intitulée Réalité des finances publiques du Québec et du Canada : le Fonds des générations est une stratégie payante et elle ne fait que commencer à l’être; ce n’est certes pas au moment où l’on commence à en voir les bénéfices qu’il faut dévier du plan de réduction de notre dette publique.
[1] Le bloc patrimonial d’électricité désigne l’énergie produite à partir du parc d’équipements en service en 1998, soit un volume maximal annuel de référence de 165 TWh (térawatts-heures) pour le marché québécois, et pour lequel un tarif patrimonial plus bas est appliqué. Les centrales « patrimoniales » d’Hydro-Québec comprennent les centrales du Complexe La Grande, de la rivière Manicouagan, de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent (Source : Thésaurus de l’activité gouvernementale – Portail Québec – Services Québec).