Survol des marchés financiers | Fiera Capital – Septembre 2022
Contexte économique
Le rythme de croissance de l’économie mondiale a encore ralenti au troisième trimestre de 2022. Aux États-Unis, le PIB s’est contracté pour un deuxième trimestre consécutif. On observe toutefois des signes de vigueur économique : les entreprises peinent à trouver des travailleurs, les consommateurs demeurent actifs et leurs dépenses ont peu diminué. À l’opposé, certains indicateurs du secteur des services indiquent un ralentissement des intentions d’embauche et d’achats. Les nouvelles demandes d’assurance-emploi ont également repris à la hausse.
Bien que le PIB ait affiché deux trimestres consécutifs de décroissance, peut-on dire que les États-Unis sont en récession ? Plusieurs économistes et politiciens ont débattu de cette question durant le trimestre. Certains indicateurs du marché de l’emploi, comme le faible taux de chômage et la vigueur du secteur manufacturier, ne pointent pas encore vers la récession. Chez nos voisins du sud, c’est le National Bureau of Economic Research qui, en tenant compte de l’évolution du PIB et d’autres variables économiques, détermine si officiellement l’économie est en récession.À la fin de septembre, on attend toujours le verdict.
Au Canada, des signes de ralentissement sont observables dans le secteur immobilier. La hausse des taux d’intérêt a provoqué une forte baisse des ventes de maisons. La surenchère qui prévalait dans plusieurs régions s’est atténuée. Après avoir atteint un sommet de 8,1 % en juin, le taux annuel d’inflation publié le 20 septembre s’établissait à 7 %. Les consommateurs canadiens anticipent que l’inflation restera élevée pour encore longtemps. Cette situation inquiète la Banque du Canada. En effet, si les Canadiens croient que l’inflation restera élevée, ils continueront de consommer pour éviter de payer plus cher plus tard. Ils exigeront aussi de fortes hausses salariales à long terme. Ils contribueront ainsi à maintenir les hausses de prix. C’est pourquoi la Banque du Canada, comme la Réserve fédérale, tient à abaisser les anticipations des consommateurs à propos de l’inflation.
De juillet jusqu’à la mi-août, les marchés financiers ont connu une certaine embellie. Les craintes de récession ont poussé le prix du pétrole à la baisse. Cela a donné un peu d’oxygène aux consommateurs. Les investisseurs ont estimé que le taux d’inflation avait peut-être atteint le sommet et qu’en conséquence, les hausses de taux pourraient être moins sévères au cours des prochains mois. À cet égard, lors de son allocution au Sommet annuel de Jackson Hole, le président de la Réserve fédérale américaine s’est assuré de lancer un message clair aux investisseurs. Il a réitéré l’importance de conserver une politique monétaire « musclée » et « rigoureuse » afin de ramener le taux d’inflation à 2 %. Depuis, les marchés boursiers ont repris leur baisse et les taux obligataires ont grimpé en anticipation des hausses des taux directeurs à venir au cours de l’automne.
La Banque centrale européenne (BCE) a dû également agir avec force pour combattre l’inflation. En effet, les taux directeurs ont été relevés de 0,75 % durant le trimestre et d’autres hausses sont à prévoir au cours des prochains mois. La BCE estime que le taux d’inflation moyen sera de 8,1 % pour l’année 2022, de 5,5 % en 2023 avant de retomber à 2,3 % en moyenne pour l’année 2024. L’économie européenne est fragilisée par les conséquences du conflit en Ukraine sur les prix des ressources énergétiques. Les hausses de taux des prochains mois risquent donc de pousser l’économie européenne en récession.
La Chine vit une situation différente des autres grandes économies. Au troisième trimestre, la politique « zéro COVID » du gouvernement chinois a encore une fois causé la suspension de l’activité économique dans plusieurs grandes villes. Ces fermetures ont continué de nuire à la fiabilité des chaînes d’approvisionnement des produits destinés aux marchés occidentaux. Au cours des derniers mois, l’économie chinoise s’est contractée. Cela a incité les autorités chinoises à assouplir les conditions monétaires. Ainsi, contrairement à la tendance mondiale, les taux directeurs chinois ont été abaissés. Notons que la Chine est moins touchée par la hausse de l’inflation. Par conséquent, les autorités disposent d’une certaine latitude pour abaisser les taux et stimuler la croissance.
Au cours de l’été, les craintes de récession ont entraîné les prix des ressources naturelles à la baisse. Le prix du pétrole a chuté d’environ 20 % depuis le 30 juin. Par ailleurs, au cours des six derniers mois, la baisse du prix de l’or est surtout attribuable à la hausse du dollar américain sur le marché des changes. La hausse des taux d’intérêt américains et l’utilisation du dollar américain comme valeur refuge expliquent la force de cette devise.
Politique monétaire et titres à revenu fixe
La persistance de l’inflation a incité l’ensemble des banques centrales à poursuivre le resserrement des politiques monétaires. L’ampleur des hausses a varié d’un pays à l’autre, mais la volonté commune consiste à ramener le taux d’inflation autour de 2 % dans les meilleurs délais. Pour ce faire, les banques centrales sont prêtes à hausser les taux de façon sévère, quitte à causer une récession.
Lors de son allocution à la conférence annuelle de Jackson Hole, le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a soutenu que si les interventions de la Fed avaient été plus soutenues à la fin des années 70, la longue récession du début des années 80 aurait pu être évitée. Ainsi, il mettait la table pour le maintien des hausses de taux pour les mois à venir.
C’est donc dans ce contexte qu’au cours du troisième trimestre, le taux directeur américain a été relevé à deux reprises pour un total de 1,5 %. Au Canada, les deux hausses de taux directeur ont totalisé 1,75 %.
En Europe, la BCE a suivi la même tendance, en augmentant ses taux d’un total de 1,25 %.
En conséquence, les taux obligataires ont repris leur hausse malgré une légère baisse en juillet. Les taux des obligations de plus courte échéance ont grimpé davantage puisqu’ils sont plus étroitement corrélés avec les taux directeurs. Cependant, les taux de long terme sont demeurés inférieurs aux taux de court terme. En effet, les investisseurs croient que les fortes hausses de taux directeurs risquent de provoquer un ralentissement prolongé de la croissance économique.
Notons qu’en août, la banque centrale chinoise a décrété une baisse des taux directeurs. Le taux d’inflation y est actuellement de 2,5 %, ce qui donne une certaine latitude aux autorités chinoises d’abaisser les taux pour stimuler la croissance.
Marchés boursiers
Durant la première moitié de 2022, les marchés boursiers mondiaux ont connu une baisse quasi continue des cours. Cette baisse a été particulièrement importante en juin, alors que les craintes de récession sont devenues plus importantes. Les investisseurs ont alors diminué leur exposition aux actions pour recentrer leurs portefeuilles vers les valeurs refuges, telles que les obligations gouvernementales.
Au troisième trimestre, l’ensemble des marchés boursiers a toutefois connu une période de rebond. Il semblait alors que l’inflation avait peut-être atteint un sommet. La baisse du prix du pétrole a contribué à persuader les investisseurs de la justesse de leur prévision.
Les déclarations des autorités monétaires ont toutefois ramené les investisseurs à l’ordre. Les hausses de taux allaient se poursuivre et on maintiendrait leur niveau élevé jusqu’à ce que la bête inflationniste soit domptée.
À partir de la mi-août, les marchés boursiers ont donc perdu le terrain qu’ils avaient gagné durant la première moitié du trimestre. Dans l’ensemble, les marchés n’ont rien gagné ni perdu durant ces trois mois.
Plusieurs des marchés boursiers émergents, comme l’Inde et le Brésil, ont connu un trimestre positif. Toutefois, la Chine, dont l’activité économique a été perturbée par la fermeture de plusieurs villes due à la COVID-19, a accusé un recul boursier trimestriel important.
À l’horizon
À travers le monde, l’inflation est nourrie par la vigueur de la reprise à la suite de la COVID-19, la persistance des problèmes de chaînes d’approvisionnement et le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le combat contre l’inflation n’est pas simple puisque les pressions inflationnistes actuelles découlent en partie de facteurs indépendants de la volonté des banques centrales.
Il est donc possible que, malgré les importantes hausses de taux décrétées depuis le début de 2022 par les banques centrales, l’inflation demeure élevée pour plusieurs mois. En conséquence, comme le mentionnait le président de la Réserve fédérale américaine, les taux pourraient être haussés davantage que prévu et demeurer élevés.
Dans un contexte où l’inflation résisterait aux remèdes appliqués par la Fed, les hausses de taux pourraient se poursuivre malgré un ralentissement de la croissance économique. Surviendrait alors une période de ralentissement prolongé. Les autorités pourraient hausser les taux d’intérêt jusqu’à ce qu’on observe des preuves tangibles de baisse de l’inflation. Un tel scénario pourrait causer une récession sévère dans plusieurs pays.
Même si ce scénario se concrétise, nous croyons que la sévérité de la récession sera moins importante au Canada. En effet, notre économie bénéficie davantage des hausses de prix des ressources naturelles. L’inflation au Canada devrait aussi être moins élevée, ce qui influencera l’ampleur des hausses du taux directeur de la Banque du Canada. Le dollar canadien pourrait faiblir contre la devise américaine. En effet, si le scénario de récession sévère se matérialise, le dollar américain sera avantagé par son statut de valeur refuge.
Les marchés financiers font donc face à une période de turbulence. C’est pourquoi nous favorisons une stratégie prudente. Dans la mesure du possible, nous avons augmenté la liquidité des portefeuilles. Nous maintenons une sous-exposition aux obligations et aux actions. Nous demeurons toutefois surexposés au marché boursier canadien puisque les ressources naturelles peuvent bénéficier du contexte de forte inflation.