Survol des marchés financiers | Fiera Capital – Mars 2024
Contexte économique
Au cours des derniers mois, les taux d’intérêt élevés ont continué de ralentir l’activité économique mondiale. Plusieurs pays industrialisés comme l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et le Japon ont connu des baisses de leur PIB réel.
On constate également que la guerre entre Israël et le Hamas a eu des effets collatéraux, notamment sur le trafic maritime de la mer Rouge. Depuis quelques mois, les attaques de rebelles yéménites sur les navires commerciaux ont causé des délais de livraison et une forte hausse des prix du transport maritime. Cela n’aide en rien les efforts pour abaisser le taux d’inflation.
Aux États-Unis, après une année 2023 étonnamment vigoureuse, on s’attendait à un certain ralentissement de l’activité économique. Force est de constater que depuis le début de 2024, la création d’emplois continue de surpasser les prévisions. Par ailleurs, les indicateurs d’inflation semblent résister et tardent à baisser davantage. Par exemple, le taux d’inflation mesuré par l’indice des prix à la consommation affichait 3,2 % en février. Il est encore supérieur à la fourchette cible de 1 % à 3 % fixé par la Réserve fédérale. Malgré tout, la plupart des analystes sont optimistes et prévoient toujours une baisse du taux directeur en juin, suivie de deux baisses supplémentaires d’ici la fin de 2024.
Du côté canadien, la croissance économique est un peu plus faible. Au cours des derniers mois, les ménages canadiens ont toutefois démontré une certaine résilience. En effet, les ventes au détail, en particulier les ventes d’automobiles, ont affiché une croissance intéressante. Il est important de noter qu’au cours des douze derniers mois, la population canadienne a connu une croissance exceptionnelle permettant de soutenir la progression du PIB. Toutefois, la croissance du PIB réel et de la consommation par habitant a diminué. Notons qu’au Québec, les grèves dans les secteurs de l’éducation et de la santé ont affecté l’activité économique à la fin de 2023 et au début de 2024. L’économie du Québec traverse donc actuellement une période de légère contraction, voire de récession technique.
L’économie européenne stagne. La zone euro est déjà en récession technique, c’est-à-dire que les deux derniers trimestres de 2023 ont affiché des baisses du PIB réel. Les indicateurs économiques publiés durant le premier trimestre montrent peu de changement. Une telle situation milite en faveur d’une baisse du taux directeur dès le mois de juin.
En Chine, l’économie semble se raffermir après un début d’année timide. En février, la production industrielle a enregistré une hausse de 7 % par rapport à 2023. Les ventes des détaillants sont pour leur part en hausse de 5,5 %. Cela est de bon augure pour l’économie chinoise. Pour 2024, les dirigeants ont établi la
cible de croissance du PIB à 5 %. Cette cible est particulièrement ambitieuse dans un contexte de faible croissance de la demande de la part des pays occidentaux pour les produits chinois. Rappelons qu’en 2023, le PIB réel chinois s’est accru de 5,2 %.
Notons enfin que l’escalade d’attaques contre les navires en mer Rouge a aussi provoqué une hausse du prix du pétrole. Les pays exportateurs ont également contribué à cette hausse en prolongeant les coupes de production. Le prix du pétrole brut (WTI) se négociait à environ 71 $ US en début d’année. Il a touché 83 $ US à la mi-mars, ce qui représente une hausse de près de 17 %.
Politique monétaire et titres à revenu fixe
Au premier trimestre, les banques centrales nord-américaines ont maintenu leur taux directeur inchangé. De part et d’autre de la frontière, les autorités monétaires estiment qu’il est encore trop tôt pour abaisser le taux de base.
La Banque du Canada affirmait, début mars, qu’il y a trop de composantes de l’indice des prix à la consommation dont la croissance est supérieure à 3 %. Selon elle, les progrès en matière d’inflation sont inégaux et des pressions inflationnistes demeurent présentes. Le maintien de taux d’intérêt élevés a modéré la demande : la croissance économique a ralenti et le marché du travail s’est assoupli. La Banque mentionne toutefois qu’elle souhaite « voir d’autres signes que la croissance des salaires se modère » avant de baisser son taux directeur.
C’est sans surprise que la Fed a décidé de maintenir son taux directeur lors de ses deux rencontres du premier trimestre. En effet, la croissance économique demeure forte et la création d’emplois dépasse les attentes. En conséquence, la Fed n’a pas de pression pour abaisser son taux, et peut attendre que les indicateurs d’inflation soient revenus à l’intérieur de la fourchette cible, soit entre 1 % et 3 %. Le président de la Fed a clairement annoncé que le taux ne monterait plus et que le prochain mouvement sera une baisse. En date du 20 mars 2024, les dirigeants de la Fed prévoient trois baisses de taux directeur d’ici la fin de 2024, une tendance qui devrait se poursuivre en 2025.
Au cours du premier trimestre, les mouvements du marché obligataire ont évolué en fonction des prévisions relatives au début de la baisse du taux directeur. En fin de trimestre, la majorité des investisseurs prévoyaient au moins trois baisses aux États-Unis et quatre au Canada, d’ici la fin de 2024. En janvier et février, la ténacité de l’inflation a refroidi les ardeurs des investisseurs obligataires. Il est devenu évident que le taux directeur ne serait pas abaissé en mars. La première baisse sera sans doute en juin.
Les taux obligataires ont augmenté durant les trois premiers mois de 2024, et ce, tant au Canada qu’aux États-Unis. À titre d’exemple, le taux des obligations gouvernementales américaines et canadiennes d’échéance de 10 ans a grimpé d’environ 35 points centésimaux. Cette hausse des taux explique le moins bon rendement des obligations, à comparer au trimestre précédent. Notons par ailleurs que la perspective d’un atterrissage en douceur de l’économie a permis une diminution des écarts de taux des obligations de sociétés.
Marchés boursiers
Durant le premier trimestre de 2024, le marché boursier américain a continué d’être aspiré par la poussée des entreprises de technologie, particulièrement celles liées à l’intelligence artificielle. Le groupe d’entreprises technologiques qu’on a surnommé les « Magnificent 7 », ou les « Sept magnifiques », ont permis aux indices américains de poursuivre sur leur lancée. La progression de près de 10 % des indices américains a donc éclipsé la hausse trimestrielle de moins de 6 % du marché boursier canadien.
Outre la hausse des titres technologiques, la perspective de baisse de taux directeurs aux États-Unis et au Canada a également soutenu l’optimisme des investisseurs.
Notons que les actions canadiennes de petite capitalisation ont livré un rendement semblable à celui des actions de grande capitalisation. Cette bonne performance est surtout attribuable à la hausse des titres du secteur de l’énergie et à leur place prépondérante dans l’indice canadien. Aux États-Unis, l’indice des actions de petite capitalisation a affiché un rendement très inférieur à celui des grandes sociétés.
L’étoile du premier trimestre est sans contredit le marché boursier japonais : celui-ci a grimpé de plus de 20 % en trois mois. Après une très longue période de léthargie de plus de 20 ans, le marché japonais s’est réveillé en 2023. L’enthousiasme des investisseurs est notamment attribuable au fait que le Japon est enfin libéré des pressions déflationnistes qui freinaient sa croissance. Par ailleurs, au premier trimestre, le marché européen a grimpé de plus de 9 %, soutenu lui aussi par la perspective de baisse du taux directeur et une reprise éventuelle de la demande mondiale.
L’indice MSCI des actions de marchés émergents a connu de fortes fluctuations durant le trimestre. En effet le marché chinois a été particulièrement volatil. L’amélioration des perspectives économiques a toutefois permis à l’indice de terminer le trimestre en hausse.
À l’horizon
Les principales banques centrales continuent de parler d’une même voix. Après avoir combattu ensemble l’inflation excessive qui a suivi la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine, elles annoncent maintenant la fin des hausses de taux. La prochaine étape, disent-elles, sera un mouvement à la baisse. Il faudra toutefois attendre que les pressions inflationnistes se soient résorbées de façon durable. Dans ce contexte, il est possible que les baisses de taux ne soient pas coordonnées. Elles se matérialiseront en fonction de l’évolution de l’inflation et de la situation économique de chaque pays.
Depuis que les taux d’intérêt sont élevés, l’économie mondiale s’est montrée particulièrement résiliente. Malgré les politiques très restrictives des banques centrales, aucun pays développé ne s’est enfoncé dans une récession profonde. Dans les faits, on a plutôt observé une stagnation de l’économie dans la majorité des pays industrialisés.
En Amérique du Nord, le phénomène de rareté de la main-d’œuvre était tel que les hausses de taux ont à peine fait augmenter le taux de chômage. De fait, le ralentissement causé par la hausse des taux a permis d’éponger le nombre de postes vacants que les employeurs peinaient à combler.
Au cours des prochains mois, on pourra constater que les banques centrales ont réussi à réaliser un atterrissage en douceur de l’économie. L’inflation reviendra suffisamment proche des cibles pour que la baisse des taux directeurs débute enfin. On passera d’une politique d’attente à une période de réduction rapide.
L’économie canadienne a davantage souffert de la période de taux élevés. C’est pourquoi la Banque du Canada pourrait abaisser son taux directeur plus rapidement que la Réserve fédérale américaine. En conséquence, le dollar canadien pourrait être temporairement affecté. Il devrait remonter lorsque le rythme de croissance économique s’accélérera.
La réalisation de cet atterrissage en douceur permettra le début d’un nouveau cycle économique. Au cours des 12 à 18 prochains mois, les marchés boursiers devraient donc connaître une période faste. Les rendements boursiers pourraient largement dépasser ceux des obligations.
En début de cycle économique, les actions des pays émergents et le marché boursier canadien sont normalement privilégiés. À cet égard, dans les portefeuilles équilibrés où la politique nous le permet, nous avons diminué la liquidité et alloué des sommes supplémentaires aux actions américaines et celles des pays émergents.