Donald Trump, avec son style caractéristique, s’apprête à retrouver la Maison-Blanche, et l’économie mondiale pourrait connaître de nouvelles fluctuations importantes. Fidèle à sa politique axée sur le principe de « l’Amérique d’abord », le 47e président des États-Unis prévoit de redéfinir certains accords commerciaux, de réexaminer les conventions multilatérales et de repositionner les relations avec ses partenaires économiques. Aujourd’hui, les experts s’interrogent sur l’impact que ce second mandat pourrait avoir sur le protectionnisme américain. Depuis l’ère Clinton, une tendance au protectionnisme s’observe. Plutôt pragmatique chez les Démocrates, plus affirmée chez les Républicains, une intensification de la dynamique protectionniste pourrait entraîner des répercussions significatives pour le Canada, principal partenaire économique des États-Unis.
Les quatre piliers de la « Trumponomique »
La « Trumponomique » désigne le programme économique, les principes et les politiques mis en avant par l’ancien président Donald Trump. Son premier mandat s’est caractérisé par des politiques économiques axées sur le protectionnisme et la promotion des intérêts nationaux. L’objectif affiché était de stimuler l’économie américaine. Pour son second mandat, les priorités semblent inchangées, avec quatre piliers principaux : les tarifs douaniers, la réduction des impôts, la déréglementation et la promotion de l’indépendance énergétique. Toutefois, l’ampleur des mesures à venir reste une inconnue. Avec le contrôle du Sénat et de la Chambre des représentants, la marge de manœuvre de Donald Trump est renforcée. Certains observateurs se demandent si les récents changements au sein de l’administration modifieront la dynamique des contre-pouvoirs observée lors de son premier mandat.
Ainsi, les cent premiers jours devraient apporter l’imposition de tarifs douaniers importants visant la protection et le regain de vitalité du secteur manufacturier américain. Un droit de douane universel de 10 % sur toutes les importations américaines et de 60 % pour les biens en provenance de Chine, est prévu. Ce changement devrait perturber le commerce mondial en rehaussant l’ensemble des coûts de production le long de la chaîne d’approvisionnement. Il est possible que le Canada parvienne à négocier une exemption des tarifs douaniers américains, mais le ralentissement de l’économie mondiale et les pressions positives sur les prix pèseront sur la demande pour les produits canadiens. Nos exportateurs en ressentiront les effets, et cela, sans compter la renégociation de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) prévue pour 2026.
Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada, absorbant environ 75 % des exportations canadiennes. C’est pourquoi le commerce extérieur représente une épée de Damoclès pour le Canada. Une reprise du protectionnisme américain pourrait engendrer des défis significatifs, notamment pour les secteurs de l’aluminium, de l’acier, du bois d’œuvre, de l’énergie et de l’agriculture. Ces industries ont déjà été affectées par des politiques commerciales restrictives par le passé et pourraient être à nouveau concernées. Les négociateurs canadiens auront un rôle clé à jouer dans ce contexte, tandis qu’une incertitude persistante pourrait influencer les décisions des entreprises ayant des activités aux États-Unis.
Le plan républicain prévoit également la réduction des impôts des entreprises et des particuliers. La démarche vise à rendre permanents les changements de la réforme fiscale du Tax Cuts and Jobs Act de la première administration. Le président élu a même évoqué l’idée de réduire davantage les taux marginaux d’imposition. Ces réductions, quelle qu’en soit la cible, augmenteront la consommation et l’investissement en sol américain, et soutiendront aussi bien la croissance américaine que la croissance canadienne par le biais de nos exportations. Toutefois, en cas de baisse marquée de l’impôt sur les sociétés américaines, le Canada pourrait peiner à convaincre les entreprises étrangères d’investir en sol canadien et d’y étendre leurs activités. Celles-ci pourraient préférer rehausser leur capacité productive aux États-Unis.
Partisan du marché libre, le 47e président des États-Unis mise sur la réduction des entraves réglementaires pour stimuler la croissance. Un mot d’ordre : simplifier. Simplifier les règles du jeu pour le secteur manufacturier, assouplir les contrôles pour le secteur bancaire, libérer le secteur des technologies, comme la 5G, la biotechnologie et les crypto-monnaies de leur carcan réglementaire.
Au cœur de cette stratégie de déréglementation se trouve le nationalisme énergétique. Le plan prévoit le relâchement des limites sur les émissions de GES, permettant aux entreprises pétrolières, gazières et charbonnières de réduire leurs coûts opérationnels. Il prévoit aussi d’assurer l’indépendance énergétique des États-Unis, par l’accroissement des explorations et exploitations, affaiblissant les engagements climatiques, tout en renforçant la position américaine sur les marchés mondiaux. Avec le récent développement du pétrole de schiste, les États-Unis sont redevenus premier producteur mondial, malgré les efforts des Démocrates pour faciliter la transition vers les énergies renouvelables (graphique).
Graphique : Production américaine de pétrole brute
Source: U.S. Energy Information Administration
Cette position pourrait encourager les investissements sur les projets comme le pipeline Keystone XL, et favoriser l’essor de l’industrie canadienne. Toutefois, l’augmentation marquée de la production pétrolière américaine peut faire baisser le prix mondial de la ressource. Dans le contexte d’une économie planétaire déjà au ralenti, le Canada pourra compter sur l’oléoduc Trans Mountain pour diversifier la liste de ses clients. En effet, ce projet d’oléoduc, longtemps retardé, a commencé ses activités en mai dernier en Alberta, et presque triplé la capacité d’exportation du pétrole canadien, apportant un meilleur accès aux marchés mondiaux et une certaine stabilisation des prix du brut canadien.
Impacts économiques pour le Canada
Dans l’ensemble, la « Trumponomique » devrait avoir des effets mitigés sur l’économie canadienne. Le stimulus fiscal américain, induit par les baisses d’impôt, devrait générer de l’activité des deux côtés de la frontière, mais la mise en place de tarifs nuira à la compétitivité des entreprises canadiennes, constituant un frein à sa croissance. Alors que les politiques expansionnistes de l’administration américaine pourraient, à court terme, réduire le chômage aux États-Unis et stimuler les exportations canadiennes, elles demeurent inflationnistes et la Réserve fédérale reste vigilante : les taux d’intérêt américains seront plus élevés. Si la Banque du Canada poursuit sa politique d’assouplissement monétaire, l’écart de taux d’intérêt entre les deux pays se creusera. Ce différentiel, combiné aux tensions commerciales et à l’incertitude économique, pourrait déstabiliser le dollar canadien et accroître la volatilité sur les marchés de change. À ce titre, le dollar canadien a déjà perdu 1,6 % de sa valeur depuis l’élection. En revanche, une monnaie affaiblie rendra les exportations canadiennes plus compétitives, mais augmentera également le coût des importations au détriment des consommateurs.
Pour réduire sa dépendance envers les États-Unis, le Canada pourrait continuer à diversifier ses exportations vers les marchés asiatiques et européens. Compte tenu des évolutions des priorités climatiques aux États-Unis sous l’administration Trump, le Canada a l’opportunité de renforcer ses initiatives écologiques pour attirer des investisseurs étrangers axés sur le développement durable.
Malgré les défis potentiels, la collaboration dans des secteurs stratégiques tels que la sécurité nationale et les technologies émergentes demeure essentielle. Ces prochaines années, le Canada devra faire preuve de résilience et d’adaptabilité face aux évolutions des relations bilatérales.
David Dupuis, économiste et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke
Vous exercez la médecine par l’entremise de votre société par actions (SPA) et vous songez à cesser votre pratique et prendre votre retraite bientôt ? Voici vos principales obligations gouvernementales et administratives en ce qui concerne votre SPA.
Qu’advient-il de votre société par actions à compter de votre retraite ?
Lorsque vous exercez la médecine via votre SPA, vous agissez à titre d’employé de celle-ci, que vous receviez un salaire ou non pour vos services d’omnipraticien. Votre SPA exploite, par votre entremise, une entreprise de prestation de services médicaux.
Avant votre retraite, votre société exploite généralement deux entreprises distinctes :
- une entreprise médicale
- une entreprise de placements (titres financiers et/ou biens immeubles), dont la source de fonds provient des profits tirés de l’entreprise médicale
Le Collège des médecins du Québec est clair à cet égard : la réglementation n’interdit généralement pas à votre société médicale d’investir ses surplus de liquidités dans des placements.
Lorsque vous prenez votre retraite et que vous cessez définitivement d’exercer la profession médicale, il y a cessation de l’exploitation de l’entreprise médicale pour votre société. L’entreprise de placements peut, quant à elle, demeurer active. Dans le langage commun, votre société se qualifie dorénavant en tant que société de gestion de placements.
Plusieurs omnipraticiens se demandent s’il faut alors procéder immédiatement à la liquidation/dissolution de la société. Il n’y a aucune obligation à cet égard et une telle décision vous revient. Toutefois, si votre société a accumulé des placements ou détient une police d’assurance vie, il faut savoir que sa liquidation déclenche généralement des incidences fiscales majeures, surtout si les sommes accumulées sont importantes. Dans ce cas, conserver sa SPA pourrait être pertinent afin qu’elle puisse vous verser des fonds tout au long de votre retraite.
Si vous décidez de maintenir l’existence de votre société après votre départ à la retraite, voici le résumé de diverses obligations gouvernementales et administratives à considérer.
Collège des médecins du Québec
Prendre votre retraite et cesser définitivement l’exercice de médecine vous amènent à informer le Collège par une Déclaration modificative afin de mettre à jour les renseignements présentés dans la Déclaration afin d’être autorisé à exercer la profession médicale en société, produits auparavant par votre SPA. Puisque vous démissionnez du tableau de l’ordre, le Collège retirera à votre société l’autorisation d’être une société médicale. Cette déclaration modificative doit être transmise au Collège dans les 30 jours suivant votre démission.
Dans le cas où votre société attendrait de recevoir des sommes dues provenant de la pratique médicale, vous pourrez demander au Collège d’être inscrit comme « membre inactif » au tableau de l’ordre. Votre société sera toujours autorisée à exercer la médecine.
Ensuite, dès que votre société n’est plus autorisée à exercer la médecine, elle n’est plus soumise aux restrictions quant à l’identité de ses actionnaires et de ses administrateurs ni quant aux mentions obligatoires à indiquer dans ses statuts constitutifs, comme prévu par l’article 1 du Règlement sur l’exercice de la profession médicale en société.
Législation régissant votre SPA
Votre société peut avoir été constituée en vertu de la loi québécoise ou fédérale. Elle devra déposer auprès des autorités compétentes des statuts de modification pour remplacer sa dénomination sociale afin d’y retirer toute mention indiquant qu’il s’agit d’une société médicale (par exemple, Docteur(e), Dr(e), médecin, M.D., services médicaux, etc.).
Ces statuts de modification devront également prévoir le retrait des mentions obligatoires exigées par l’article 1 du Règlement sur l’exercice de la profession médicale en société.
Registre des entreprises du Québec
Puisque votre société exploite son entreprise au Québec, elle devra produire une Déclaration de mise à jour courante auprès du Registraire des entreprises du Québec, que sa loi constitutive soit québécoise ou fédérale.
Cette déclaration devra indiquer la nouvelle dénomination sociale de la société et également prévoir la modification de la description de son activité économique et du code d’activités économiques (CAE). Toute référence à une activité médicale devra être supprimée. Généralement, les activités de la société seront dorénavant rattachées uniquement à son entreprise de placements.
La Déclaration de mise à jour courante doit être produite dans les 30 jours du changement de la dénomination sociale et de la cessation de l’exploitation de l’entreprise médicale.
Si votre société a été constituée en vertu de la loi fédérale, vous devrez aussi en informer Industrie Canada.
Agence du revenu du Canada et Revenu Québec
Vous devez aviser les autorités fiscales du changement de raison sociale de votre société par actions via « Mon dossier d’entreprise » au fédéral et « Mon dossier » pour les entreprises au Québec.
Lors de la préparation des prochaines déclarations annuelles de revenus T2 (fédéral) et CO-17 (Québec), votre comptable pourra y indiquer la nouvelle dénomination sociale. Il pourra aussi modifier le secteur d’activité de la société : remplacer les activités médicales par les activités de placements.
Les notes aux états financiers de la société devront aussi être modifiées afin d’y indiquer le changement des activités principales de la société.
Impôts sur le revenu de votre société
Pour votre SPA, votre retraite définitive entraînera la fin de l’exploitation de son entreprise médicale. Aux fins comptables et fiscales, il n’y aura plus de revenus provenant d’une entreprise exploitée activement. Dorénavant, seuls des revenus passifs de placement (intérêts, dividendes, revenus de placement étrangers, gains en capital et parfois des revenus locatifs) seront encore présents. Cela pourrait entraîner des conséquences à l’égard de certains biens amortissables qui étaient utilisés dans l’entreprise médicale.
Décaissement de votre société à la retraite
Il est généralement recommandé d’obtenir une planification financière pour le décaissement de vos actifs financiers à la retraite, ce qui comprend le décaissement de dividendes provenant de votre société.
Si votre conjoint(e) est également actionnaire de votre société, des dividendes pourront aussi lui être versés dans le but de réduire les impôts sur le revenu pour le couple. Sous réserve de certaines exceptions, le fractionnement des dividendes entre conjoints ne pourra être effectué qu’à compter du 1er janvier de l’année des 65 ans du médecin. Si votre conjoint(e) n’est pas déjà actionnaire, il sera généralement trop tard.
Si les actions de votre société sont détenues par une fiducie familiale, vous pourriez envisager de liquider celle-ci et répartir ensuite les actions entre les deux conjoints. Cette décision nécessite toutefois l’obtention de conseils spécialisés en matière fiscale, juridique et financière.
Obligations professionnelles
Voici une liste d’autres obligations d’ordre professionnel dont vous devez tenir compte lorsque vous envisagez de cesser d’exercer votre profession médicale, et ce, que vous ayez une société médicale ou non :
- informer vos patients
- aviser le Collège et la RAMQ
- prendre les mesures nécessaires concernant les dossiers médicaux de vos patients
- aviser votre assureur en responsabilité professionnelle (ACPM ou assureur privé) et vérifier si vos protections vous couvrent à votre retraite à l’égard de toute faute professionnelle survenue avant la retraite
- informer la FMOQ
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les sites Internet du Collège, de la RAMQ et de la FMOQ.
Obligations contractuelles
Il est également recommandé de revoir certains contrats que vous (ou votre société) avez signés dans le cadre de votre pratique médicale afin de bien identifier les conséquences de la retraite : contrat d’association conclu avec d’autres omnipraticiens, bail commercial, contrat de prestation de services avec une clinique médicale et entente GMF.
Cet article présente des informations générales, il est donc recommandé d’obtenir des conseils adaptés à votre situation particulière auprès de professionnels expérimentés.
Ronald Miglierina, planificateur financier, notaire et fiscaliste
L’arrivée d’un enfant est un moment marquant dans la vie de tout parent. Cela implique souvent une pause dans la pratique professionnelle pour se consacrer pleinement à son nouveau-né. Pour les omnipraticiennes, la perte de revenu liée à un congé de maternité peut également susciter des préoccupations. C’est pourquoi il est essentiel d’anticiper et d’évaluer l’impact financier de cette période sur vos projets. Pour mieux comprendre les prestations auxquelles vous pourriez avoir droit durant votre congé de maternité et les différentes options qui s’offrent à vous, examinons l’exemple de Chloé.
La situation de Chloé
Chloé, 29 ans, est omnipraticienne rémunérée à l’acte dans un GMF depuis un an. Elle a choisi de reporter son incorporation jusqu’à son retour de congé de maternité. Sa part des dépenses mensuelles de la maisonnée, incluant l’hypothèque, s’élève à 6 500 $. Avec Julien, son conjoint de fait, elle prévoit accueillir un enfant en 2025 et s’interroge sur le financement de son congé de maternité. Pour s’assurer que la perte de revenu ne compromettra pas son désir de rester à la maison pendant les 12 mois suivant la naissance, elle décide de consulter sa planificatrice financière.
Sa planificatrice l’informe qu’en tant qu’omnipraticienne, elle aura droit à deux sources de prestations de maternité :
1. Le programme d’allocation de congé de maternité (RAMQ)
Étant membre d’une association régionale affiliée à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Chloé est admissible à une indemnité de maternité, car elle a pratiqué la médecine dans le cadre du régime d’assurance maladie du Québec pendant au moins 10 semaines. L’indemnité est calculée en fonction de ses revenus des 12 derniers mois, divisés par 44 semaines. En 2024, la prestation maximale s’élève à 1 809 $ par semaine, versée hebdomadairement pour une durée maximale de 12 semaines.
Si Chloé doit payer des frais de cabinet, elle peut également demander une compensation spécifique de 802 $ par semaine pour couvrir ces frais pendant la même période.
2. Les prestations du RQAP
Chloé aura également droit aux prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), comprenant des prestations de maternité et des prestations parentales partageables entre parents. Elle pourra choisir entre le « régime de base », qui offre des prestations plus modestes sur une période prolongée, ou le « régime particulier », avec des prestations plus élevées sur une durée plus courte (tableau 1). Notons que le montant des prestations du RQAP est calculé en fonction du revenu maximal assurable, lequel est plafonné à 94 000 $ en 2024.
Tableau 1 – Prestations du RQAP
Types de prestations |
Régime de base |
Régime particulier |
Maternité |
18 semaines à 70 % du revenu maximal admissible. |
15 semaines à 75 % du revenu maximal admissible. |
Parentales partageables entre les parents |
7 premières semaines à 70 % du revenu maximal admissible;
25 semaines suivantes à 55 % du revenu maximal admissible. |
25 semaines à 75 % du revenu maximal admissible. |
Source (extrait) : Régime québécois d’assurance parentale (https://www.rqap.gouv.qc.ca/fr/a-propos-du-regime/tableaux-des-prestations)
Revenus lors du congé de maternité
Aux fins d’exemple, supposons que l’enfant de Chloé naît le 1er janvier 2025. L’omnipraticienne recevra alors un total de 65 533 $ pour l’année fiscale 2025 dans l’ordre suivant (tableau 2).
Nous notons, qu’en optant pour le régime de base, le couple pourrait être éligible à 4 semaines partageables supplémentaires pour un montant hebdomadaire de 994 $ si le conjoint de Chloé se voit attribuer au moins 8 semaines de congé parental partageable.
Tableau 2 – Prestations versées à Chloé
Type de prestations |
Nombre maximal de semaines |
Remplacement de revenu (plafonné à 94 000 $ en 2024) |
Montant hebdomadaire brut |
Allocation de congé de maternité (RAMQ) |
12 |
s.o. |
1 809 $ |
Maternité ou exclusives à la personne pour grossesse ou accouchement (RQAP) |
8 |
70 % |
1 265 $ |
Parentales partageables entre les parents (RQAP) |
7 |
70 % |
1 265 $ |
Parentales partageables entre les parents (RQAP) |
25 |
55 % |
994 $ |
Total |
52 |
|
65 533 $ |
Planification financière
Lors de l’analyse de sa situation, Chloé a estimé un coût de vie mensuel de 6 500 $, soit un besoin annuel de 78 000 $ après impôts. Cependant, sa planificatrice financière lui signale qu’elle ne recevra que 65 533 $ avant impôts en prestations de maternité sur 52 semaines. En tenant compte des impôts à payer sur ce montant, estimés à 16 784 $, Chloé fait face à un manque à gagner de 29 251 $.
Pour combler cet écart, sa planificatrice évaluera les épargnes disponibles, notamment ses REER, CELI et comptes non enregistrés. Ensemble, elles pourront déterminer l’ordre optimal de décaissement pour minimiser les impôts et maintenir le niveau de vie de Chloé pendant cette période de baisse de revenus. Il est donc essentiel pour elle de s’assurer de mettre de côté suffisamment de fonds pour couvrir ses dépenses durant les 52 semaines de son congé.
Conclusion
Les omnipraticiennes disposent de plusieurs options en matière de prestations et d’allocations pendant leur congé de maternité, leur offrant une continuité de revenu. Chaque situation est unique et mérite une planification attentive, tant au niveau du budget que de la coordination des différentes prestations. Une planification d’épargne en amont peut également s’avérer bénéfique pour faire face aux imprévus ou prolonger le congé si nécessaire.
Consulter un planificateur financier vous permettra de mettre en place une solution adaptée à vos besoins spécifiques, vous garantissant la tranquillité d’esprit nécessaire pour profiter pleinement de cette période précieuse de votre vie.
David Lamy, planificateur financier
Jonathan Michaelsen, planificateur financier et fiscaliste
Mise en situation
Annie* (57 ans) est omnipraticienne à Montréal. Elle est mariée avec Guy* sans contrat de mariage en société d’acquêts. Ils ont deux enfants : Béatrice* et Simon*.
En 2008, Annie s’est incorporée pour des motifs fiscaux afin de profiter de l’imposition avantageuse de ses revenus de profession et du versement de dividendes aux membres de la famille. Pour le versement de dividendes, Annie a constitué, sur le conseil de son comptable, une fiducie familiale discrétionnaire afin de détenir les actions participantes et non votantes de sa société.
Entre 2008 et 2013, la société d’Annie a versé, par l’entremise de la fiducie, des dividendes annuels d’environ 25 000 $ à chacun de ses deux enfants, majeurs et aux études post-secondaires à ce moment. Puisque leurs revenus étaient modestes, Béatrice et Simon n’avaient presque pas payé d’impôt sur ces dividendes annuels.
Depuis 2014, la société d’Annie ne verse plus de dividendes à ses enfants puisqu’ils occupent chacun un emploi bien rémunéré. Par ailleurs, depuis 2018, les dividendes versés par une société médicale aux membres de la famille sont imposés au taux maximal applicable aux dividendes (48,7 % en 2024).
La rémunération annuelle d’Annie est composée d’un salaire d’environ 175 000 $ et de dividendes. Ces derniers doivent passer par la fiducie familiale avant d’être versés à Annie. Ainsi, la fiducie doit produire annuellement des déclarations de revenus et des feuillets fiscaux, ce qui impliquent des frais d’honoraires comptables d’environ 1 500 $ à 2 000 $ par année (plus les taxes de vente de 14,975 %).
Question d’Annie : est-ce pertinent de conserver la fiducie familiale ?
Annie a mentionné à son comptable qu’elle trouvait sa structure corporative lourde, complexe et coûteuse. Puisque sa société ne verse plus de dividendes en faveur de ses deux enfants, elle se questionne sur la possibilité de dissoudre sa fiducie familiale.
Selon son comptable, le maintien de la fiducie permet d’éviter les impôts payables au décès des deux époux, sur la valeur nette de sa société, ce qui représente une économie d’impôt substantielle. Puisque les actions participantes ont présentement une valeur marchande nette d’environ 2 500 000 $, les impôts qui seraient autrement payables au décès des deux époux, si la fiducie n’existait pas, seraient d’environ 666 000 $ pour une imposition à titre de gain en capital en 2024, dont le taux maximum est de 26,66 % (1/2 x 53,31 %). Depuis le 25 juin 2024 : l’imposition maximale pourrait atteindre, dans ce cas, 866 000 $ ((250 000 $ x 1/2 x 53,31 %) + (2 250 000 $ x 2/3 x 53,31 %)).
En revanche, la fiducie devra impérativement être dissoute, et ce, pour des raisons fiscales, avant son 21e anniversaire (en 2029). Sinon, un impôt sur gain en capital serait alors payable par la fiducie à l’égard des actions.
Annie devrait-elle conserver sa fiducie ?
Le comptable d’Annie n’a pas tort concernant l’évitement des impôts au décès lorsque la fiducie est conservée (on vise ici le cas du décès des deux époux avant 2029, soit avant le 21e anniversaire de la fiducie). Cependant, sa réponse est incomplète.
Au décès des deux époux, ce sont Béatrice et Simon qui hériteront des actions participantes, par l’entremise de la fiducie familiale. Pour des raisons fiscales, il sera généralement recommandé que la fiducie transfère les actions à Béatrice et Simon par roulement fiscal, à la suite du décès de leurs parents.
Ces derniers ne voudront peut-être pas maintenir l’existence de la société, voulant plutôt la liquider immédiatement afin d’encaisser les fonds qu’elle détient. Dans ce scénario, la valeur nette de la société sera immédiatement imposable entre les mains de Béatrice et de Simon, à titre de dividende au taux pouvant aller jusqu’à 48,7 %.
Les deux enfants pourraient aussi maintenir l’existence de la société, afin de retirer des dividendes sur plusieurs années, dans le but de réduire et différer leur imposition personnelle. Dans un tel cas, ils devront nécessairement s’entendre sur la gestion annuelle de la société, ce qui n’est pas toujours évident au fil des ans.
Si Annie décide de liquider sa fiducie, il y aura évidemment des impôts à payer au décès des deux époux, mais à titre de gain en capital. Cette forme d’imposition demeure généralement plus avantageuse pour les héritiers que le versement d’un dividende. Pour bénéficier de ce type d’imposition, le liquidateur successoral devra cependant effectuer une réorganisation fiscale complexe et coûteuse, sur une période minimale de 24 mois. La succession aura aussi l’option de procéder simplement à la liquidation immédiate de la société, afin d’être imposée sur des dividendes, dont le taux d’imposition atteint rapidement 48,7 %.
Il faut donc conclure que la question des impôts au décès doit être méticuleusement analysée et discutée avec Annie, afin qu’elle puisse prendre une décision éclairée quant au maintien de sa fiducie familiale.
Principaux facteurs à prendre en considération :
- les impôts au décès des deux époux;
- le déclenchement automatique d’un gain en capital au 21e anniversaire de la fiducie;
- l’impact pour Annie de la liquidation de la fiducie dans l’éventualité d’un divorce;
- la coordination entre les testaments des époux et l’acte de fiducie (si cette dernière est maintenue), puisque les actions votantes seront détenues par la succession et les actions participantes seront détenues par la fiducie;
- la coordination entre les mandats de protection des époux et l’acte de fiducie (si cette dernière est maintenue);
- la production des déclarations de revenus et des feuillets fiscaux à chaque année si la fiducie est maintenue ;
- le versement de dividendes qui doivent obligatoirement transités par la fiducie;
- le coût des honoraires professionnels additionnels, car le maintien d’une fiducie nécessite des conseils fiscaux et juridiques.
Certains omnipraticiens optent plutôt pour le décaissement rapide de leur société, surtout si l’épargne accumulée n’est pas trop importante, afin que la société n’existe plus au décès. Avec cette option, la fiducie ne sera plus utile.
Qu’arrive-t-il si Annie décide de liquider sa fiducie ?
Voici les principales étapes de la liquidation :
- Un document devra être signé par les fiduciaires afin de liquider et dissoudre la fiducie.
- Les actions participantes devront être transférées à Annie.
- Si Annie désire qu’à compter de ses 65 ans, des dividendes puissent être versés à Guy, la fiducie pourrait remettre à Guy des actions donnant droit à des dividendes discrétionnaires.
- Il faudra s’assurer que ces transferts d’actions par la fiducie seront effectués par roulement fiscal.
- Les fiduciaires devront obtenir l’autorisation des autorités fiscales avant de distribuer les actions aux époux.
- Le Collège des médecins du Québec devra être informé du changement d’actionnaires.
Conclusion
Bien qu’on observe que de nombreux omnipraticiens optent pour la liquidation de leur fiducie familiale, la décision de dissoudre ou non votre fiducie familiale ne doit pas être prise à la légère et nécessite de judicieux conseils spécialisés et personnalisés.
*Noms fictifs.
Ronald Miglierina, notaire, M.Fisc, LL.B., D.D.N., B.A.A. (finance), Pl.Fin., TEP
Panificateur financier, notaire, fiscaliste et Directeur de Solutions et Planification financière
Nombreux sont les grands-parents médecins qui aspirent à stimuler les ambitions académiques de leurs petits-enfants en leur ouvrant un régime enregistré d’épargne-études (REEE). C’est le cas de Réjean, qui a souscrit un REEE pour Noah, le fils de sa fille Martine. Cependant, Réjean a négligé d’inclure ce REEE dans sa planification successorale et se demande aujourd’hui quelle est la solution optimale pour faire respecter ses souhaits à son décès.
Stéphane Langlois, représentant-conseil adjoint, gestionnaire de portefeuille au sein de la gestion privée Fonds FMOQ, oriente les médecins comme Réjean vers les solutions adaptées à leur situation particulière. Voici ses conseils.
Un scénario à proscrire : l’absence de disposition testamentaire
Pour bien comprendre la suite, il convient de rappeler brièvement les modalités du REEE : le REEE demeure la propriété du souscripteur, c’est-à-dire de la personne qui est à l’origine de l’ouverture du régime. Au décès du souscripteur, le REEE devient un actif de sa succession, relevant des dispositions de son testament. Ainsi, Stéphane Langlois rencontre fréquemment des clients détenant des REEE qui constituent de ce fait une part de leur succession.
« Décéder sans testament représente le scénario le plus fâcheux. Le REEE se trouve alors intégré à la cagnotte de la succession. L’absence de planification peut entraîner des conséquences indésirables, notamment le désenregistrement du REEE, le remboursement des subventions et un impôt supplémentaire de 20 % sur le rendement. Les aspirations du défunt, de contribuer aux études de ses petits-enfants, risquent de ne pas être honorées », explique Stéphane Langlois. En effet, la valeur du REEE revient aux bénéficiaires de la succession, qui peuvent avoir des intérêts différents des souhaits de Réjean.
« Dans de telles circonstances, c’est le liquidateur qui prend les décisions », spécifie Stéphane Langlois. Ainsi, le liquidateur du testament de Réjean pourrait choisir d’attribuer le REEE à Martine dans sa part de l’héritage, et celle-ci le gérera au nom de son enfant. Une situation qui est idéale dans ce cas. « Cependant, en cas de désaccords, le liquidateur pourrait opter pour une répartition équitable de la valeur du REEE entre tous les héritiers ». Lorsque l’on met fin au REEE de cette façon, toutes les cotisations reviennent à la succession du souscripteur, mais toutes les subventions (qui devaient servir pour les études de Noah) sont remboursées au gouvernement.
Léguer le REEE au décès du souscripteur
« La plupart du temps, les individus respectent les volontés du défunt », souligne Stéphane Langlois, « mais l’inclusion d’une clause à cet égard offre une sécurité supplémentaire ». Réjean pourrait désigner Noah comme souscripteur remplaçant. « Les subventions demeurent réservées au bénéficiaire (le petit-enfant), mais Noah deviendrait alors propriétaire des contributions de son grand-père ». Noah étant encore mineur, Réjean devrait également désigner un administrateur des fonds, comme Martine par exemple.
Si Noah était majeur, et que Réjean s’inquiétait de sa capacité à gérer judicieusement ses finances, il pourrait choisir de nommer sa mère, Martine, en tant que nouvelle souscriptrice, car léguer le REEE aux parents des petits-enfants visés par ce régime représente une excellente solution. Les cotisations à ce moment-là sont transférées à Martine.
Aussi, sans prévoir spécifiquement le legs à titre particulier du REEE à Martine, le testament de Réjean pourrait prévoir que le liquidateur aura l’obligation d’attribuer et d’inclure le REEE dans le lot successoral de Martine, par exemple, si elle a droit à 50 % de la succession.
Transférer le REEE à un nouveau souscripteur avant le décès
Réjean n’aspire guère à continuer de s’occuper du REEE de son vivant, car ce type de régime implique une gestion importante comme la signature de formulaires, l’obtention de preuves d’études et la gestion optimale de l’actif et de son décaissement dans un délai relativement court. Pourtant, Réjean peut, dès maintenant, transférer les placements du REEE à un autre REEE dont Martine est la souscriptrice et Noah le bénéficiaire.
« Transférer le REEE à Martine, la fille de Réjean, de son vivant, permettrait à cette dernière de prendre en charge dès maintenant les complexités du régime », explique Stéphane Langlois. Martine assumerait officiellement le rôle de souscriptrice, à la place de Réjean. Étant fort probablement déjà impliquée dans la gestion financière de son fils, elle serait mieux à même de planifier les décaissements du régime.
Stéphane Langlois identifie également un autre avantage pour le grand-parent : « Si le petit-enfant n’entreprend pas d’études postsecondaires, l’impact fiscal sera probablement moindre pour Martine que pour Réjean. Par exemple, si Martine possède des droits de cotisation REER inutilisés, elle pourrait alors transférer les revenus du REEE vers ses REER. » Elle devra cependant rembourser les subventions versées.
Entre les mains de Réjean, ce scénario se traduirait aussi par le remboursement des subventions, mais également par une imposition avec pénalité qui peut monter jusqu’à 73,3 % sur les rendements du REEE, en tenant compte du taux marginal d’imposition du souscripteur et de la taxe additionnelle de 20 %.
Finalement, la planification successorale impliquant un REEE requiert toute votre attention afin de garantir la pérennité de vos intentions. L’inclusion d’une clause spécifique dans votre testament est un pas dans la bonne direction. Pour vous assurer d’analyser tous les scénarios possibles avant de prendre une décision, communiquez avec nous.
Stéphane Langlois, MBA, FSCI, CIM
Représentant-conseil adjoint, Gestionnaire de portefeuille – Gestion privée
La valeur du dollar canadien sur le marché de change nous paraît souvent bien mystérieuse. Seulement au cours des 25 dernières années, le huard a atteint un creux historique de 0,62 $ contre le billet vert le 18 janvier 2002 et un sommet de 1,09 $ le 7 novembre 2007. Un écart stratosphérique pour qui a déjà échangé des devises. Le vol du huard peut nous paraître bien erratique, mais il existe néanmoins quelques clés pour nous permettre de le comprendre et de l’anticiper.
C’est l’offre et la demande
Depuis l’effondrement du régime étalon de change-or en 1971, la plupart des grandes devises sont devenues « flottantes » ou « flexibles ». C’est-à-dire que leur valeur est déterminée au jour le jour, voire en temps réel, sur le marché de change mondial en fonction des aléas de leurs offre et demande respectives.
Tout d’abord, il s’agit d’importateurs et exportateurs. Sans surprise, lorsqu’il y a engouement à l’échelle internationale pour un bien ou un service produit par le Canada, le huard prend son envol.
Première clé : le prix des matières premières
C’est connu, le Canada est un grand producteur et exportateur de matières premières et de pétrole. Ainsi, lorsque la demande pour les produits de base augmente, parce que l’activité économique mondiale accélère, le prix de l’énergie et des matériaux de base croît et le dollar canadien tend à s’apprécier. Une première clé pour anticiper les fluctuations du dollar consiste donc à surveiller et à anticiper le prix des produits énergétiques. Par exemple, le graphique ci-dessous montre l’évolution conjointe du dollar canadien et de l’indice des prix des produits de base (IPPB) énergétique (graphique). Comme on peut le constater, l’évolution de la valeur du dollar canadien vis-à-vis au dollar américain n’est pas étrangère aux soubresauts du prix de l’énergie.
GRAPHIQUE
Évolution du prix des produits énergétiques et de la valeur du dollar canadien
Deuxième clé : la parité des pouvoirs d’achat
Plus largement, une devise vaut donc ce qu’elle achète. La parité des pouvoirs d’achat (PPA), c’est-à-dire l’idée selon laquelle la valeur d’un panier de biens et services devrait être la même d’un pays à l’autre, est une façon d’évaluer le degré de sous- ou de surévaluation des devises.
En cas d’écart important, le taux de change devrait théoriquement s’ajuster pour maintenir la parité. La théorie nous dicte que si l’inflation américaine demeure supérieure à celle au Canada, le dollar canadien devrait s’apprécier pour maintenir la parité des pouvoirs d’achat à long terme entre le huard et le billet vert. L’inverse devrait se vérifier lorsque l’inflation est plus importante au Canada. La prudence est de mise, toutefois. La parité des pouvoirs d’achat est un outil qui nous aide à apprécier les grandes tendances sur la devise ; il est cependant peu utile comme outil de synchronisation du marché.
Troisième clé : l’écart de taux d’intérêt
Dans un troisième temps, les cambistes et les gestionnaires de portefeuille ont aussi une influence non négligeable sur les taux de change. Nous n’échangeons pas que des biens et services après tout, les actifs ont aussi un rôle à jouer. À court terme une devise vaut ce qu’elle « rapporte » et en ce sens, la dynamique de taux d’intérêt de part et d’autre de la frontière peut également influencer le vol de l’oiseau. Pour prévoir les courants de migration, une attention particulière peut être portée sur les politiques monétaires des banques centrales.
Sans entrer dans les détails, il faut comprendre que les cambistes, les gestionnaires de portefeuilles et de fonds de pension sont constamment à la recherche des meilleurs placements pour faire fructifier nos avoirs. Les taux d’intérêt plus élevés attirent donc les capitaux comme des aimants. Il en découle que si on anticipe que la Réserve fédérale américaine maintiendra ses taux d’intérêt plus haut et plus longtemps que la Banque du Canada, ce qui est le cas actuellement, le dollar américain aura tendance à s’apprécier vis-à-vis du dollar canadien. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que ce dernier a perdu près de 2 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis le début de 2024. Garder un œil sur les banques centrales et leur politique monétaire devient donc impératif pour qui veut comprendre les mouvements de devises.
Quatrième clé : l’effet grégaire et la prophétie autoréalisatrice
Finalement, une des raisons fondamentales qui expliquent les difficultés à prévoir le mouvement des devises vient du fait qu’elles sont soumises aux aléas de la psychologie des foules. Ainsi, tout ce qui est perçu comme positif pour l’économie canadienne a le pouvoir de se traduire par une appréciation du huard. Inversement, tout ce qui semble nuire à l’économie peut engendrer une dépréciation. Plus le sentiment est fort parmi les cambistes, plus les effets seront probants sur la valeur d’une devise.
À titre d’exemple, le dollar canadien s’est fortement déprécié au tournant de la crise financière même si l’épicentre de la crise se situait aux États-Unis. Avec la grande incertitude du moment, les investisseurs ont préféré le dollar américain comme valeur refuge puisque l’économie américaine est perçue comme étant plus stable et diversifiée. Cependant, au fur et à mesure, il est devenu évident que l’économie canadienne était en meilleure posture que l’économie américaine. Le huard a donc repris son ascension à compter de mars 2009 pour retrouver la parité avec le billet vert en décembre 2010.
La vitalité économique permet d’entretenir la confiance envers une devise, et le huard n’y échappe pas. Que cette vitalité soit réelle ou perçue n’y change rien. Ainsi, si les cambistes anticipent une embellie pour le dollar canadien, cette perception à le pouvoir d’être autoréalisatrice. Acheter un actif, comme le dollar canadien, lorsque l’on croit qu’il prendra de la valeur tombe sous le sens. Toutefois, ce comportement porte en lui l’énergie nécessaire à l’envol de l’oiseau. Une hausse de la demande pour le huard aujourd’hui, parce que l’on croit à l’appréciation future, aura pour effet de rehausser la valeur de la devise aujourd’hui. La psychologie des masses possède un important pouvoir explicatif sur la valeur des devises. Dommage qu’il soit si difficile d’anticiper les mouvements de foule !
David Dupuis,
économiste
Mise en situation
Marie-Claude*, omnipraticienne de 62 ans, possède un appartement et un chalet qu’elle utilise quelques semaines par an. Elle souhaite vendre le chalet et désire connaître ses options pour optimiser sa vente d’un point de vue fiscal.
Marie-Claude a acheté son chalet il y a 25 ans au prix de 150 000 $. Elle a dépensé 100 000 $ en rénovations depuis, pour lesquelles elle a conservé ses factures. Si la vente est réalisée au prix de 600 000 $, son gain en capital constitue 350 000 $ (gain en capital = prix de vente 600 000 $ – [prix d’achat 150 000 $ + rénovations 100 000 $]).
Quelles solutions s’offrent à Marie-Claude pour réduire les incidences fiscales d’un gain en capital important ?
Analyse et recommandations
Selon les règles en vigueur, du montant de gain en capital de 350 000 $, seuls 50 % sont déclarés comme gain en capital imposable. Toutefois, si les récentes propositions budgétaires sont adoptées et que la transaction a lieu après le 25 juin 2024, la première tranche de 250 000 $ bénéficiera d’un taux d’inclusion du gain en capital de 50 % alors que l’excédent sera majoré à 66,67 %. Dans sa déclaration de revenus, Marie-Claude devra donc ajouter à son revenu un gain en capital imposable de 175 000 $ (191 670 $ si la transaction a lieu après le 25 juin 2024), assujetti à l’impôt selon son taux d’imposition personnel marginal (53,3 %, ce qui représente environ 93 275 $ selon les règles avant le 25 juin et 102 160 $ après cette date, soit une différence de 8 885 $).
Marie-Claude devrait passer en revue tous les points ci-après avec son planificateur financier afin de trouver des pistes d’optimisation de sa fiscalité.
Utiliser l’exemption pour résidence principale
Cette option consiste à exonérer d’impôt le gain sur la résidence principale. Il n’est pas nécessaire que le bien soit utilisé en tant que résidence principale au sens strict du terme. Marie-Claude peut désigner son chalet comme résidence principale aux fins fiscales. Le calcul de cette exemption s’effectue comme suit :
Gain en capital x |
1 + nombre d’années de désignation de résidence principale |
|
nombre d’années où il a été propriétaire |
Cette résidence doit appartenir personnellement au contribuable (ici Marie-Claude) et être normalement habitée au cours de l’année par le contribuable, son conjoint, l’ancien conjoint (qui était marié ou de fait) ou l’enfant du contribuable. L’exonération n’est pas permise dans le cas d’une résidence louée qui n’a jamais été habitée par l’une de ces personnes.
Ce choix n’a pas à être fait avant la vente de l’une des résidences ; il est important de consulter un spécialiste afin de déterminer le meilleur choix dans les circonstances, dès que l’une des résidences est en processus de vente, car l’équation pour le calcul d’exemption pour résidence principale peut être différente suivant les choix faits.
Vérifier son solde de cotisations inutilisées au REER
Si ce solde existe au moment de la vente de la résidence secondaire, Marie-Claude aura tout intérêt à cotiser à ses REER pour réduire les conséquences fiscales de son gain en capital.
Vérifier les pertes en capital nettes déductibles reportées des années antérieures
Si Marie-Claude possède ce type de perte à la suite de la disposition d’autres biens (comme des actions ou fonds communs de placement non enregistrés) dans des années antérieures, elle peut les utiliser à l’encontre du gain en capital imposable créé par la vente de son chalet. Ces pertes en capital nettes sont reportables dans les trois années antérieures et indéfiniment pour le futur.
Augmenter, si possible, le prix de base rajusté de ses résidences
Au coût du bien, on ajoute généralement les dépenses engagées pour en faire l’acquisition, tels que les frais de notaire et les droits de mutation. Le gain en capital sera diminué d’autant, car il correspond à la différence entre le produit de disposition et le prix de base rajusté de l’immeuble.
Marie-Claude pourra aussi inclure les travaux d’amélioration capitalisés apportés au chalet. Ces derniers doivent correspondre à des dépenses de nature capitale, donc réalisées pour augmenter la valeur de l’immeuble, contrairement à des dépenses de nature courante. À titre d’exemple, les rénovations pour un agrandissement de la salle de bain sont des dépenses capitalisables, alors que la réfection du toit ou le remplacement des fenêtres sont généralement des dépenses de nature courante qui ne sont pas déductibles (sauf si l’immeuble est loué).
Utiliser la provision pour gains en capital
La Loi de l’impôt sur le revenu permettrait à Marie-Claude de reporter son gain en capital sur un maximum de 5 ans. Toutefois, le produit de la vente doit également être reporté sur le même nombre d’années choisies, permettant de diminuer la facture fiscale globale, puisqu’en principe, le taux d’imposition ne serait augmenté que partiellement durant ces années.
Cette alternative est souvent recommandée pour les membres d’une famille ou des proches dont on connaît l’historique financier, car elle paraît, certes, avantageuse d’un point de vue fiscal, mais le vendeur prend le risque financier de ne pas être payé en totalité, si la capacité financière de son acheteur diminue au fil des ans. Pour atténuer ces risques, Marie-Claude (qui agit à titre de vendeur) pourrait exiger une hypothèque immobilière sur la propriété vendue, afin de garantir le solde du prix de vente.
Isoler la valeur des biens meubles vendus avec la résidence secondaire
Pour les biens meubles garnissant la résidence et inclus dans la vente (par exemple les électroménagers), il est possible d’isoler leur valeur du produit de disposition de la résidence pour diminuer l’impôt sur le gain en capital. Cette option s’offre à Marie-Claude si elle décide de ne pas bénéficier de l’exemption de résidence principale pour son chalet.
Certains biens meubles, rattachés à son chalet sans en perdre leur individualité, sont considérés par la loi comme des immeubles tant qu’ils restent rattachés à l’immeuble (un spa, une piscine hors terre, un cabanon, etc.). Marie-Claude pourra capitaliser leur coût d’origine à celui de son chalet vendu, ce qui augmentera le prix de base rajusté du chalet et réduira le gain en capital imposable.
Choisir un autre moment pour vendre la résidence secondaire.
Si la vente de son chalet n’est pas nécessaire, Marie-Claude pourrait envisager de le conserver jusqu’à son décès, afin de reporter cet impôt sur le gain en capital. Au moment de son décès, il y aura une disposition présumée de la résidence secondaire déclenchant ainsi l’impôt sur le gain en capital.
Utiliser une police d’assurance vie
Marie-Claude détient une assurance vie d’un montant de 150 000 $. Le produit de cette protection pourrait être utilisé par sa succession, à son décès, pour acquitter les impôts sur le gain en capital déclenché par disposition présumée de son chalet à titre de résidence secondaire.
Cette option devrait être envisagée par Marie-Claude si, finalement, elle décide de ne pas vendre son chalet et souhaite s’assurer que son fils, son seul héritier, ne soit pas dans l’obligation de le vendre pour régler la facture fiscale. Cette protection devrait couvrir, en tout ou en majeure partie, l’impôt sur le gain en capital, permettant ainsi à son fils de conserver le chalet.
Mise en garde
Cet article ne traite pas de toutes les solutions possibles pour réduire l’incidence fiscale d’un gain en capital important ; il ne reflète qu’une situation parmi d’autres. Pour faire le tour complet de toutes les possibilités personnalisées à votre situation, nous vous invitons à communiquer avec un planificateur financier, fiscaliste ou autre professionnel.
*Noms fictifs.
Lors de son plus récent dépôt de budget, le ministre des Finances inscrivait 11 milliards de dollars de déficit. Certes, ce déficit frappe l’imaginaire par son ampleur « monétaire » et parce qu’il est également le plus grand déficit de l’histoire du Québec. Toutefois, s’il est mesuré à l’aune de la capacité de payer du gouvernement provincial, ce déficit n’est pas anormalement élevé.
En effet, si l’on ajuste la provision pour éventualités et les versements au fonds des générations, le « véritable » solde budgétaire provincial pour l’année fiscale 2023-2024 est estimé à 7,3 milliards de dollars, ce qui représente 1,2 % du PIB nominal prévu de 590 milliards de dollars. Ces chiffres sont loin de ceux affichés en 1980-1981, alors que le solde budgétaire de la province était de 3,5 milliards de dollars, soit 4,7 % d’un PIB de 75 milliards de dollars. Le rapport « solde/capacité de payer » pour l’année fiscale 2023-2024 est donc le plus élevé de ces 60 dernières années.
Il n’en demeure pas moins que des défis importants restent à relever. On peut penser notamment au chemin du retour à l’équilibre budgétaire. L’assainissement des finances publiques ne manquera pas de causer quelques maux de tête au ministre des Finances. Et c’est sans compter l’autre déficit : celui du maintien et la reconstitution des infrastructures publiques. Au cours de la prochaine décennie, ce n’est pas un déficit qu’il nous faudra régler, mais bien deux si nous voulons garder l’objectif de laisser à nos enfants des infrastructures de qualité.
Des infrastructures vétustes
C’est connu, les infrastructures publiques québécoises ont pour la plupart été construites dans les années 1960 et 1970, une période faste où l’économie du Québec entrait dans la modernité. Au cours des décennies qui ont suivi, les infrastructures publiques ont contribué à la prospérité et au bien-être des citoyens québécois. Cependant, plusieurs structures majeures approchent de leur fin de vie utile, qui varie, selon le Plan québécois des infrastructures (PQI), entre 25 et 75 ans. Nos écoles et notre réseau routier ont particulièrement besoin d’attention, de même que nos hôpitaux, notre réseau d’aqueduc et d’égout.
Un réinvestissement, amorcé au début des années 2000, a été accéléré au tournant de la crise financière pour soutenir le retour au plein-emploi, mais aussi parce qu’à l’évidence, les infrastructures du Québec étaient en bien piètre état. L’effondrement du viaduc de la Concorde nous a révélé brutalement la grande négligence du gouvernement dans ce dossier.
Depuis un peu plus de 10 ans, le PQI est mis à jour annuellement par le Conseil du trésor. Ce plan élabore des prévisions d’investissements pour la décennie à venir et évalue le déficit de maintien des actifs, c’est à dire ce qu’il faudrait investir pour remettre nos actifs à niveau. En clair, les travaux de maintien favorisent la pérennité de nos actifs collectifs.
Le gouvernement du Québec semble reconnaître que les besoins sont importants. Il a fortement bonifié le budget du PQI au cours de la dernière décennie, le faisant passer de 88 milliards de dollars en 2015 à 153 milliards de dollars lors de sa plus récente mouture, soit celle de 2024-2034. Malgré cet effort, le déficit de maintien d’actifs continue de progresser. Évalué à près de 37,1 milliards de dollars au printemps 2024, il était de 34,9 milliards de dollars au PQI de l’année dernière et de 30,6 milliards de dollars en 2022-2023 (graphique). Tout indique que ce chiffre pourrait continuer à se dégrader au cours des prochaines années. Une situation inquiétante, alors que les coûts de construction s’envolent et que la pénurie de main-d’œuvre bat son plein.
GRAPHIQUE
Évolution du déficit de maintien d’actifs
Source : Plan québécois des infrastructure
Attention, nid de poule ! Les hivers hésitants comme celui que nous venons de connaître n’aide en rien la qualité de nos routes. Sans surprise, c’est le réseau routier qui aura le plus besoin d’amour. Le PQI prévoit d’y investir 34,5 milliards de dollars sur la période 2024-2034. En bon second, les réseaux de l’éducation et de l’enseignement supérieur devraient pour leur part recevoir 31,2 milliards de dollars pour une cure de rajeunissement.
Une situation qui soulève bien des questions. Aurions-nous pu éviter la tempête parfaite et profiter des dernières décennies pour réduire le déficit de maintien d’actifs, alors que la main-d’œuvre était disponible, le coût des matériaux raisonnable et les taux d’intérêt fort avantageux ? Que s’est-il passé ?
Et si nous avions choisi la mauvaise cible ?
Le paradigme central veut qu’au cours des dernières décennies, le gouvernement du Québec ait mis en place un excellent système pour réduire le poids de sa dette dans l’économie. En effet, le proverbial ratio dette/PIB est en baisse quasi constante depuis 2014-2015, et ce, peu importe la mesure choisie. Au prorata de la capacité de payer, la dette du Québec est passée en dessous de celle de l’Ontario, et les études du Directeur parlementaire du budget à Ottawa affirmaient sans gêne que la situation d’endettement québécoise était parmi les plus soutenables au pays. Un succès d’estime donc, que seule la pandémie aura réussi à infléchir temporairement, avant que le dépôt du plus récent budget ne vienne renverser cette tendance.
Ce beau succès semble néanmoins avoir sa part d’ombre. Lorsque les projecteurs sont sur l’assainissement des finances publiques, comme l’exige la Loi sur l’équilibre budgétaire, les élus ont tendance à favoriser le court terme au détriment du long terme. La gestion des dépenses courantes et les coupures de ruban, soit l’ajout de nouveaux actifs, auront le haut du pavé sur le maintien des actifs existants et sont également beaucoup plus attirants auprès de l’électorat. Sur le long terme, toutefois, un regard dans l’ombre nous apprend qu’un déficit de maintien d’actifs apparaît et que la cible de réduction de dette cache un fait non équivoque : le déficit grossit !
Maintenant, la pénurie de main-d’œuvre sévit, particulièrement dans le secteur de la construction, et tout indique que les taux d’intérêt resteront élevés plus longtemps, affectant le coût des projets.
Un double déficit
Au Québec, des voix commencent à s’élever pour souligner le sérieux problème de sous-investissement dans nos actifs collectifs. Le déficit de maintien d’actifs, dépense incompressible si l’objectif est de maintenir la qualité de vie de nos concitoyens, devrait être considéré comme un passif au même titre que la dette financière. Dans l’état actuel des choses, il faut donc entrevoir le déficit de maintien d’actifs comme une autre forme de dette passée aux plus jeunes générations. Les pressions seront importantes. Au cours des prochaines années, ce n’est peut-être pas un déficit qu’il nous faudra attaquer de front, mais bien deux : celui des finances publiques et celui des infrastructures. Ils sont évidemment fortement interreliés et ont le pouvoir de soulever des enjeux d’équité intergénérationnelle. D’où l’importance de placer les deux déficits au centre d’une discussion unique et cohérente.
David Dupuis, économiste
Les taux d’inoccupation sont en chute libre au pays depuis bientôt une décennie si l’on fait abstraction des deux années de pandémie. Notre capacité à construire des logements locatifs semble bien en deçà de la demande pour ce type d’habitation, et aucune région n’échappe à ce phénomène. Pour l’ensemble du pays, en début de 2024, il n’en coûte pas moins de 1 359 $ par mois pour un loyer de deux chambres à coucher, selon le plus récent rapport de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). C’est une hausse annuelle de 8 %, soit une progression nettement plus rapide que l’inflation. Cette moyenne cache une réalité de plus en plus préoccupante : les hausses de loyers sont encore plus salées pour les « nouveaux » locataires. La roue qui assurait le bon fonctionnement du marché du logement locatif semble s’être brisée. Que s’est-il passé ?
La construction au neutre
Au Québec, l’année 2023 est une annus horribilis pour ce qui concerne la construction résidentielle. Sont sorties de terre moins de 30 000 unités de logement, toutes catégories confondues, alors que la capacité productive tourne généralement autour de 60 000 unités. La récente hausse des taux d’intérêt n’est certainement pas étrangère à ce fort ralentissement, mais la hausse des coûts de construction observée au cours de la période de reprise postpandémique aura aussi joué un rôle décisif. La hausse des coûts aura dépassé les 20 % annuellement (graphique 1), et bien que la fluidité des chaînes d’approvisionnement du secteur se soit normalisée depuis et que la pression soit retombée, le mal est fait. L’ardeur des entrepreneurs en construction est passablement refroidie, les coûts de construction demeurant élevés en regard des revenus.
GRAPHIQUE 1
Hausse des coûts de la construction de bâtiments résidentiels
Source : Statistique Canada
Les nouvelles ne sont pas particulièrement bonnes non plus du côté de la main-d’œuvre qualifiée. Le taux de postes vacants est particulièrement élevé dans le secteur de la construction, et ce, malgré le ralentissement de l’activité. Au bas mot, il y avait en fin d’année dernière plus de 65 000 postes à combler à l’échelle du pays, dont 10 000 au Québec seulement. De plus, le secteur ne bénéficie pas de l’apport de sang neuf fourni par l’immigration, qu’elle soit permanente ou temporaire. Les données démontrent que les migrants sont en effet sous représentés, alors qu’ils ne comptent que pour 9 % des travailleurs de l’industrie. Une bonne part du problème de pénurie de main-d’œuvre dont souffre la construction au Québec pourrait probablement s’alléger si on s’attelait à embaucher davantage, et surtout, à mieux intégrer les immigrants.
Une forte pression de la demande
Du côté de la demande de logement, les sources de pressions s’accentuent depuis quelques années déjà. D’abord, le marché du travail reste résilient malgré la pandémie et le ralentissement économique que nous vivons. Le chômage se maintient à des niveaux historiquement faibles et la croissance des salaires parvient, malgré tout, à soutenir le marché immobilier de propriété. Après un certain relâchement des prix à Montréal et Québec l’an dernier, l’indice du prix des logements en propriété reprend, depuis plusieurs mois, sa tendance à la hausse. Les acheteurs potentiels se replient alors sur le marché locatif, démontrant à nouveau hors de tout doute les liens unissant ces deux marchés. La forte demande pour le logement locatif s’explique donc en partie par la faible abordabilité des habitations pour les propriétaires-occupants. Le phénomène est particulièrement probant chez les 15 à 24 ans qui ont profité de l’effervescence économique pour se tailler une position enviable sur le marché du travail, sans pour autant être en mesure d’accéder à la propriété. Certains iront jusqu’à dire qu’un problème d’équité intergénérationnelle se dessine actuellement au pays.
D’ordinaire circonscrites aux grands centres urbains, les pressions sur le secteur du logement se sont généralisées durant la pandémie, avec l’exode de nombreux travailleurs qui ont quitté les grands centres ou la banlieue pour aller vivre aux quatre coins du Québec. À titre d’exemple, les taux d’inoccupation à Trois-Rivières et à Drummondville étaient respectivement de 0,4 % et 0,5 % en 2023, alors que ce taux à Montréal oscillait autour de la moyenne nationale, déjà très faible, de 1,5 %. Pour mettre les choses en perspective, il y a un logement libre à Trois-Rivières pour chaque tranche de 250 logements répertoriés. Un marché à l’équilibre est réputé avoir une habitation disponible pour chaque tranche de 30 logements. Nous sommes loin du compte.
Et l’immigration dans tout ça ?
Du côté de l’immigration, les deux dernières années sortent complètement du lot. Certes, l’immigration permanente est en progression, mais c’est plutôt la hausse des résidents non permanents qui explique la forte progression de la population canadienne au cours des 24 derniers mois (graphique 2). Cette hausse, combinée au fait que les nouveaux immigrants ont une forte propension à louer, et que la nouvelle règle entrée en vigueur le 1er janvier 2023 empêche les étrangers non canadiens d’acquérir un bien immobilier pendant une période de 2 ans, est un des facteurs qui contribuent à la progression de la demande de logement locatif.
GRAPHIQUE 2
Sources de l’accroissement de la population canadienne
*seuls les 3 premiers trimestres sont disponibles pour 2023
Source : Statistique Canada
Les experts sont clairs, l’abordabilité a grandement diminué au pays. Les loyers ont augmenté plus rapidement que le salaire moyen et les faibles taux d’inoccupation placent les ménages, particulièrement ceux à faible revenu, dans une situation difficile. Que faire ?
Conclusion
Le modèle économique est suffisamment limpide : lorsqu’il y a décalage entre l’offre et la demande et que les prix s’échappent vers le firmament, il faut trouver un moyen de rehausser l’offre… et de calmer les pressions de la demande. Finalement, contenir la demande sera difficile, voire impossible. Les besoins en main-d’œuvre de notre économie sont trop importants pour espérer atténuer la pression sur le marché du logement avec une mesure de réduction marquée de notre accueil immigrant.
David Dupuis, économiste
Avec la flambée des prix de l’immobilier, vous êtes nombreux à nous poser des questions d’ordre fiscal et juridique sur le don d’argent aux enfants. Analysons ce cas afin d’illustrer vos options et les précautions à prendre.
Mise en situation
Geneviève*, omnipraticienne de 54 ans, aimerait accorder une aide financière à sa fille Mélanie*, 30ans, pour l’achat de sa première maison. Mélanie est en union de fait avec Guillaume* depuis cinq ans. Le couple souhaite acheter une propriété au prix de 500 000 $. Chaque conjoint possède plus de 35 000 $ dans son REER et pourra donc retirer 35 000 $ (70 000 $ pour le couple) dans le cadre du RAP pour la mise de fonds (14 % du prix d’achat).
Geneviève souhaite consentir un don d’argent de 100 000 $ à Mélanie afin d’augmenter la mise de fonds totale à 34 % du prix d’achat. Elle se questionne toutefois sur les répercussions fiscales de ce don et surtout se demande si Mélanie sera en mesure de récupérer sa mise de fonds excédentaire de 100 000 $ advenant la vente de la maison.
Analyse
La donation de 100 000 $
La donation d’une somme d’argent de 100 000 $, à même les fonds personnels de Geneviève, ne déclenche aucune incidence fiscale tant pour Geneviève que pour sa fille. Ce don n’est donc pas imposable pour Mélanie.
Geneviève pourra simplement remettre le montant par chèque ou par transfert bancaire à sa fille. Le prêteur hypothécaire pourrait cependant exiger une preuve écrite qu’il s’agit bel et bien d’une donation.
L’achat de la maison
En prévision de la signature du contrat d’achat de la maison, Mélanie transférera 135 000 $ au notaire et Guillaume lui un montant de 35 000 $ pour une mise de fonds totale du couple de 170 000 $.
Si aucune précaution n’est prise d’avance, le contrat d’achat sera au nom des deux acheteurs, sans aucune autre précision. Par conséquent, chaque conjoint détiendra une part indivise de 50 % dans la maison. En ce qui concerne le prêt hypothécaire de 330 000 $, chacun des conjoints devra assumer la moitié de chaque versement périodique et de chaque remboursement anticipé de capital.
Les inquiétudes de Geneviève
Geneviève a parfaitement raison d’être inquiète. Sachant que la propriété sera inscrite aux deux noms (chacun 50 %), elle se demande comment sa fille pourra récupérer le montant excédentaire de 100 000 $ en cas de vente. Notons que la question d’apports inégaux pourra devenir problématique non seulement en cas de vente, mais également en cas de séparation ou de décès d’un des conjoints.
Posons l’hypothèse que Mélanie et Guillaume se séparent quelques mois après l’achat de leur maison et qu’ils décident de vendre leur nouvelle maison. Afin de simplifier le scénario, supposons que la maison est vendue 500 000 $, sans commission de vente et que le solde de l’emprunt hypothécaire demeure encore à 330 000 $. À la suite de la vente de la maison, le notaire encaissera la somme de 170 000 $ au noms des vendeurs.
Puisque le contrat d’achat de la maison est au nom de Mélanie et de Guillaume, le notaire n’aura d’autre choix que de remettre 50 % de la somme (85 000 $) à chacun. Malgré la mise de fonds de 135 000 $, Mélanie ne récupèrera que 85 000 $. C’est tout comme si elle avait fait une donation de 50 000 $ à son conjoint au moment de l’achat (la moitié du don de 100 000 $). À défaut de démontrer que Mélanie a consenti un prêt ou une avance de 50 000 $ à Guillaume, elle sera généralement considérée lui avoir fait une donation.
Du point de vue de Geneviève, c’est comme si elle avait fait un don de 50 000 $ directement à Guillaume !
Comment protéger Mélanie… et donc Geneviève ?
Avant d’effectuer le don de 100 000 $ à sa fille, Geneviève pourrait exiger que Mélanie et Guillaume concluent une convention selon laquelle, en cas de vente de la maison :
1. Geneviève pourra récupérer, en priorité, la somme de 100 000 $ sur le prix de vente et ensuite, les conjoints se partageront le reste (35 000 $ chacun selon notre exemple)
ou
2. qu’une fois le prix de vente partagé de façon égale entre les deux conjoints (85 000 $ à chacun, selon notre exemple), Guillaume devra remettre 50 000 $ à Geneviève.
Avec ces deux solutions, c’est comme si Mélanie avait consenti une avance de 50 000 $ à Guillaume, qui est remboursable à la vente de la maison. Il est même possible de prévoir un rendement sur cette somme en faveur de Mélanie, comme le taux d’augmentation de la valeur de la maison.
L’autre option consiste à prévoir des pourcentages différents dans le titre de propriété : 79 % pour Mélanie et 21 % pour Guillaume (au lieu de 50 % chacun). Par contre, les paiements hypothécaires devront être partagés dans le couple selon la même proportion.
Autres éléments à considérer
Consentement de conjoint marié
Puisque Geneviève est mariée sous le régime matrimonial de la société d’acquêts, le don de 100 000 $ à sa fille Mélanie pourrait exiger le consentement écrit de son époux.
Décès du donataire
Donner, c’est donner. Advenant le décès prématuré de Mélanie, Geneviève ne pourra normalement pas récupérer le montant de son don, à moins de mettre en place un mécanisme juridique fort complexe. Geneviève pourrait toutefois envisager un prêt d’argent aux deux conjoints, garanti par une hypothèque de 2e rang sur la maison.
Équité par rapport à d’autres enfants de la fratrie
Geneviève a aussi un fils de 14 ans. Pour des raisons d’équité, Geneviève pourrait prévoir dans son testament qu’advenant son décès, son fils aura droit à une somme additionnelle de 100 000 $, indexée ou non.
Mariage du donataire
Si Mélanie et Guillaume décident de se marier avant que Geneviève fasse le don, il serait préférable que Geneviève et Mélanie signent un acte de donation notarié. De plus, le contrat d’achat devrait indiquer que ce don est utilisé pour l’achat de la maison. Cette formalité sera très utile pour Mélanie en cas de divorce, lors de la liquidation du patrimoine familial.
Autre
Dans sa planification financière, le couple devrait également explorer l’option du CELIAPP pour augmenter sa mise de fonds. Le fait de combiner le REER et le CELIAPP permet de profiter au maximum des avantages fiscaux qu’offrent ces deux régimes.
Conclusion
Le don aux enfants peut avoir plusieurs répercussions fiscales, financières ou successorales. Notre équipe multidisciplinaire est à votre service pour vous accompagner dans ces projets. z
*Noms fictifs.