Combien d’épargne doit-on accumuler pour la retraite ?
De nos jours, un nombre croissant de particuliers devra compter majoritairement sur ses propres économies, qu’il s’agisse de REER, de CELI ou d’investissements non enregistrés, pour financer ses revenus de retraite. Dans un tel contexte, une question à laquelle devra répondre le particulier sera essentiellement : « Quel est mon chiffre magique », c’est-à-dire combien d’épargne doit-on accumuler pour la retraite? Vous remarquerez que toutes les données présentées ici le sont avant impôts. Il s’agit donc de revenus bruts et d’épargne REER.
Ingénierie inverse
L’exercice d’évaluer le niveau d’épargne-retraite nécessaire constitue en quelque sorte de l’ingénierie inverse (« reverse engineering »).
Il s’agira, dans un premier temps, d’établir le besoin de revenu visé. Imaginons, aux fins d’exemple, que le besoin de revenu est établi à 70 000 $ par année (avant impôts). L’étape suivante consistera à soustraire, de ce revenu visé, les revenus produits par des rentes viagères (Régime des rentes du Québec (RRQ), Pension de sécurité de la vieillesse (PSV), RREGOP, etc.). Imaginons le cas d’un homme de 65 ans qui a droit à des prestations annuelles de 10 000 $ du RRQ et de 6 000 $ de la PSV. Des revenus visés de 70 000 $, 16 000 $ seront pourvus par ces deux régimes. Les épargnes devraient donc produire des revenus annuels de 54 000 $.
Espérance de vie et durée raisonnable de décaissement
Toute projection de retraite illustrant le décaissement des épargnes devra considérer l’espérance de vie du particulier. Il est donc normal d’utiliser une table de mortalité. Historiquement, l’espérance de vie était utilisée comme cible pour l’épuisement du capital. Elle correspond à l’âge auquel 50 % des membres d’un groupe homogène (âge atteint, sexe) décèdent. Toutefois, le fait d’utiliser l’espérance de vie du particulier comme date cible d’épuisement des actifs demeure risqué en raison du fait que statistiquement, la moitié des gens dépasseront cette durée. Si la moitié des particuliers survivaient à leur capital, cela signifierait que la planification de retraite aurait 50 % des probabilités de ne pas tenir la route.
Pour pallier ce risque, l’Institut québécois de planification financière (IQPF) propose des normes d’hypothèses de projection. Le tableau I présente et compare, à différents âges pour les hommes (H) et pour les femmes (F), l’espérance de vie et la durée raisonnable de décaissement. Cette dernière durée correspond essentiellement à l’âge auquel 75 % des membres d’un groupe homogène (âge atteint, sexe) décèdent. Il semble donc plus prudent de planifier en utilisant la durée raisonnable de décaissement.
Tableau I : Normes d’hypothèses de projection
Âge atteint | Espérance de vie H/F | Durée raisonnable de décaissement* H/F |
50 ans | 84/89 ans | 90/94 ans |
55 ans | 84/89 ans | 90/94 ans |
60 ans | 84/89 ans | 91/95 ans |
65 ans | 85/89 ans | 92/95 ans |
70 ans | 86/90 ans | 92/95 ans |
Source : Institut québécois de planification financière
* Âge jusqu’auquel on devrait s’assurer de recevoir nos prestations
Inflation
On se demandera ensuite si l’on doit viser des revenus globaux stables ou indexés. La prudence dictera de viser un revenu global indexé en raison du fait qu’il est raisonnable de supposer que les besoins augmenteront au rythme de l’inflation. L’envers de la médaille est le coût, sous forme de capital supplémentaire nécessaire, pour viser des revenus indexés. Il peut s’agir d’un capital de 40 % supérieur à celui qui est nécessaire pour financer un revenu stable.
Épargne nécessaire
Il ne reste qu’à évaluer l’épargne requise. Le tableau II présente pour différentes combinaisons d’âge atteint et de sexe, l’épargne requise pour financer 10 000 $ de revenus annuels1. Donc, selon l’âge de retraite visé, on pourra multiplier les montants présentés ci-après par les tranches de revenu de 10 000 $ nécessaires.
Tableau II : Épargne requise pour financer 10 000 $ de revenus annuels
Hommes | Femmes | |||||
Épargne requise | Épargne requise | |||||
Âge atteint | Durée de décaissement | Revenus non indexés | Revenus indexés | Durée de décaissement | Revenus non indexés | Revenus indexés |
50 ans | 40 ans | 171 591 $ | 243 203 $ | 44 ans | 176 628 $ | 256 157 $ |
55 ans | 35 ans | 163 742 $ | 224 952 $ | 39 ans | 170 170 $ | 239 744 $ |
60 ans | 31 ans | 155 928 $ | 208 504 $ | 35 ans | 163 742 $ | 224 952 $ |
65 ans | 27 ans | 146 430 $ | 190 213 $ | 30 ans | 153 725 $ | 204 111 $ |
70 ans | 22 ans | 131 630 $ | 164 442 $ | 25 ans | 140 939 $ | 180 313 $ |
Source : Institut québécois de planification financière
Pour reprendre l’exemple utilisé en début de chronique, pour financer un revenu annuel stable de 54 000 $, pour un homme de 65 ans, un capital de 790 722 $2 sera nécessaire. Si des revenus indexés sont visés, un capital de 1 027 150 $3 sera nécessaire.
Prenons le même exemple, pour une femme, les besoins d’épargne seraient de 830 115 $ pour des revenus non indexés et de 1 102 199 $ pour des revenus indexés.
Conclusion
En conclusion, les sommes présentées dans cet article peuvent parfois sembler colossales. Si cela devait être le cas, un retour sur les objectifs de retraite (âge visé et niveau de revenus) peut être fait afin de retrouver un scénario atteignable. Aussi, certains éléments pourraient influer sur le résultat visé ou l’objectif à atteindre, par exemple des actifs immobiliers autres que la résidence principale, un fonds de pension, un compte de retraite immobilisé.
Dans toute situation, une rencontre avec un conseiller avisé accroîtra vos chances de profiter un jour d’une retraite en toute quiétude. N’hésitez donc pas à consulter.
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1 Les hypothèses utilisées sont les suivantes : rendement net sur les actifs : 5 %, inflation : 2, 25 %. Le capital est épuisé après la durée raisonnable de décaissement.
2 5,4 multiplié par 146 430 $.
3 5,4 multiplié par 190 213 $.