De médecin résident à médecin en pratique : aspects financiers – II
Ceci est la suite de l’article « De médecin résident à médecin en pratique : aspects financiers (partie 1) », paru dans le numéro de septembre et qui traitait des questions relatives au budget personnel, au remboursement des dettes et aux produits d’épargne (REER et CELI). Voici d’autres sujets essentiels sur lesquels vous devriez vous pencher au début de votre pratique médicale.
Acomptes provisionnels
Comprendre la notion des acomptes provisionnels est absolument essentiel avant de commencer votre pratique. Quand vous étiez médecin résident, vous étiez salarié et vos impôts étaient prélevés à la source, puisque c’était votre employeur qui était chargé des retenues fiscales. Une fois en exercice, vous devenez travailleur autonome et êtes donc personnellement responsable de vos déclarations de revenus professionnels et du versement des acomptes provisionnels. En d’autres mots, vous devez débourser progressivement des sommes que représentent les impôts que vous devez payer annuellement.
Au cours de la première année de pratique à titre de travailleur autonome, vous n’êtes pas tenu de verser des acomptes provisionnels parce que les deux paliers de gouvernement ne possèdent pas encore de données relatives à vos revenus. Mais attention : cela signifie aussi que vous serez obligé de faire un gros chèque à la fin de l’année afin d’acquitter votre facture fiscale. Il vous incombe donc de mettre de côté les sommes nécessaires et de ne pas oublier qu’à vos impôts sur le revenu s’ajouteront, entre autres, les cotisations à la Régie des rentes du Québec, au Fonds des services de santé ainsi qu’au Régime québécois d’assurance parentale.
Lors de la deuxième année de votre pratique, le fisc établira le montant de vos acomptes provisionnels exigibles chaque trimestre. Un piège à éviter : les premiers acomptes provisionnels ayant été calculés en fonction d’une année de travail souvent partielle, votre vraie charge fiscale sera nettement supérieure à la somme réclamée à titre d’acomptes. Vous devrez donc, encore une fois, prévoir un montant considérable à régler avant le 30 avril suivant.
À compter de la troisième année, vos acomptes provisionnels, payables au trimestre, se stabiliseront, à condition que vos revenus n’aient pas beaucoup varié. N’oubliez pas que même si vous versez vos acomptes provisionnels à temps, il se peut que vous ayez à payer un ajustement fiscal au 30 avril. Aussi, si vos revenus de pratique diminuent considérablement (en raison d’un congé de maternité, par exemple), vous pouvez cesser temporairement le versement de vos acomptes. Cette décision devrait cependant être prise à la suite d’une analyse détaillée de votre situation afin d’éviter le désagrément des intérêts et des pénalités.
Mise à part de l’argent
Cette stratégie financière vise à optimiser la situation fiscale personnelle d’un travailleur autonome « non incorporé ». Elle consiste à éliminer le plus rapidement possible toutes les dettes dont les intérêts ne sont pas déductibles et à les remplacer par des dettes dont les intérêts le sont totalement.
Dans un premier temps, on ouvre deux comptes bancaires : le premier pour recevoir tous les revenus de travail. Ces sommes sont consacrés à des paiements comme le remboursement de l’hypothèque de la résidence (dont les intérêts ne sont pas déductibles) ou les soldes des cartes de crédit, les acomptes provisionnels, les primes d’assurance, les droits de cotisation au REER inutilisés, etc.
Le second compte, assorti d’une marge de crédit, servira à payer les dépenses d’exploitation liées à votre pratique médicale, les intérêts de cette marge étant déductibles du revenu imposable.
Pour maximiser l’efficience de cette stratégie, il est préférable de l’élaborer avec l’aide d’un conseiller fiscal.
Exercice de la pratique médicale en société
Depuis 2007, les médecins peuvent exercer au sein d’une société par actions (SPA). En constituant une SPA, vous créez une personne morale distincte qui perçoit vos honoraires et qui est imposée à un taux nettement inférieur au vôtre (19 % par rapport à 35 % et plus en moyenne).
Cet écart de taux peut paraître suffisamment convaincant pour se lancer dans les démarches de constitution d’une SPA sans avoir effectué d’analyse détaillée. Toutefois, agir ainsi représenterait une grave erreur, car l’incorporation ne se révèle rentable que pour ceux qui possèdent un important surplus budgétaire leur permettant de tirer profit du report d’impôt ou encore qui ont la possibilité de fractionner leur revenu avec leurs proches (conjoint ou enfants majeurs) qui sont assujettis à un taux d’imposition inférieur à celui du médecin. En d’autres mots, si votre situation ne vous permet pas de profiter de l’une ou de l’autre des conditions précitées, vous ne tirerez aucun avantage de votre situation, en plus d’assumer divers frais liés à la constitution de la SPA (honoraires de professionnels de mise en place, charges sociales, droits d’immatriculation et autres).
Le report d’impôt permet de ne pas payer d’impôt sur le revenu immédiatement sur un montant épargné. Toutefois, pour maximiser cet avantage et réaliser des économies d’impôt appréciables, il faut impérativement qu’une partie des revenus de la SPA soit conservée par celle-ci. Évidemment, ces sommes seront imposées tôt ou tard au moment de leur retrait, sous forme de salaire ou de dividende, mais d’ici là, elles peuvent être investies.
L’efficience de la stratégie du report d’impôt est directement proportionnelle à la durée pendant laquelle les sommes sont laissées dans la SPA et, évidemment, à leur importance. En d’autres mots, si vous retirez la totalité des revenus gagnés dans une année, vous ne tirerez presque aucun gain.
Le fractionnement du revenu consiste à profiter de la progressivité des taux d’imposition en payant un salaire (obligation de services rendus à la société) ou un dividende (sans obligation) à votre conjoint ou à vos enfants majeurs dont le taux d’imposition est inférieur au vôtre. Votre famille disposera alors généralement d’un montant après impôts plus élevé.
Précisons également qu’il est faux de prétendre que la constitution d’une SPA permet de déduire davantage de dépenses. En effet, qu’il exerce sa profession au sein d’une SPA ou non, un professionnel peut déduire les mêmes dépenses. En ce qui concerne les dépenses non déductibles (ex. : prime d’assurance vie, frais d’adhésion à un club, etc.), elles sont moins lourdes à assumer pour la SPA que pour le médecin, à cause de l’écart des taux d’imposition des entreprises et des particuliers.
Chaque cas est différent et doit faire l’objet d’une analyse rigoureuse. Profitez de votre entrée en exercice pour effectuer une bonne planification financière avec l’aide d’un professionnel qui connaît la situation particulière des médecins et qui peut vous aider à prendre des décisions éclairées par rapport aux sujets abordés dans cet article.