Est-il nécessaire de faire un testament?
Conjoints de fait depuis 10 ans, Caroline et Guy ont deux enfants mineurs. Comme ils n’ont pas de testament, au décès de l’un d’eux, tous les biens de ce dernier seront transmis exclusivement aux deux enfants. Si les conjoints sont alors propriétaires d’une maison, la part du défunt sera transmise aux deux enfants qui en deviendront propriétaires avec le conjoint survivant. Si la valeur des biens légués à chaque enfant mineur est supérieure à 25 000 $, plusieurs règles de la tutelle aux biens du mineur devront obligatoirement être mises en application pour la protection des enfants, ce qui pourrait être évité avec un testament fiduciaire. La transmission de certains biens aux enfants pourra aussi se traduire par des impôts sur le revenu, une situation qui pourrait aussi être évitée si ces biens étaient plutôt transmis au conjoint survivant.
Au Québec, lorsqu’une personne meurt sans testament, le Code civil prévoit que les biens sont légués dans les proportions suivantes : un tiers au conjoint marié (ou uni civilement) et deux tiers aux enfants. S’il n’y a pas de conjoint légal, tous les biens sont transmis aux enfants. S’il n’y a pas d’enfant, les biens sont transmis comme suit : deux tiers au conjoint légal et un tiers à la parenté du défunt. S’il n’y pas de conjoint légal ni d’enfant, les biens sont alors transmis à la parenté du défunt. En l’absence de testament, le conjoint de fait ne peut jamais hériter, quelle que soit la durée de la relation et qu’il y ait des enfants ou non.
Le testament permet de s’assurer que des biens sont transmis conformément aux volontés du défunt. Il en existe trois formes. Les deux premières sont :
> le testament olographe, qui doit être écrit à la main, daté et signé;
> le testament devant témoins, qui peut être rédigé électroniquement, mais qui doit être daté, attesté par deux témoins, paraphé à chaque page et signé par le testateur (personne qui fait le testament) et les deux témoins.
À la suite du décès, ces deux testaments doivent être vérifiés par le tribunal ou par un notaire.
La troisième forme de testament est le testament notarié, qui est reçu par un notaire assisté d’un témoin. Ce testament est conservé de façon sécuritaire par le notaire (qui peut émettre des copies authentiques) et automatiquement inscrit au Registre des dispositions testamentaires de la Chambre des notaires du Québec. Il n’a pas à être vérifié et est plus difficile à contester.
Il faut savoir que la préparation d’un testament peut être également confiée à un avocat qui, le cas échéant, l’inscrit au Registre des testaments du Barreau du Québec.
Puisque ces trois types de testaments ont la même valeur juridique, c’est le plus récent qui a priorité, quelle qu’en soit la forme. Ceci signifie qu’un testament olographe peut modifier ou annuler un testament notarié fait antérieurement.
Il faut noter qu’un mineur ne peut pas faire de testament, sauf pour des biens de peu de valeur.
Bien que le testament vise le cas où tous les légataires sont vivants au moment du décès du testateur, il permet aussi de prévoir divers autres scénarios. Par exemple :
> si le légataire meurt avant ou le testateur ou en même temps que ce dernier, le legs peut être dévolu aux enfants de ce légataire ou à tout autre remplaçant;
> au décès d’un légataire ayant reçu son legs, les biens seront transmis à une autre personne (substitution testamentaire). La transmission des biens n’est ainsi pas assujettie au testament du légataire.
Un testament peut prévoir un legs en fiducie pour le bénéfice d’une ou de plusieurs personnes. La fiducie testamentaire permet ainsi que les biens légués soient gérés par un ou plusieurs fiduciaires au nom des bénéficiaires. Le testateur s’assure d’un contrôle sur les biens après son décès, comme dans les cas suivants :
> legs à un enfant mineur, pour éviter notamment les règles de la tutelle aux biens du mineur;
> legs au conjoint, mais sous réserve qu’à son décès les biens soient transmis aux enfants issus d’une union antérieure;
> legs à une personne handicapée mentalement;
> legs à une personne susceptible de dilapider les biens légués ou d’être insolvable;
> legs d’un bien qui doit demeurer dans la famille (comme un chalet).
Le testament fiduciaire prévoit les modalités de versement aux bénéficiaires quant aux revenus et au capital de la fiducie, selon leurs besoins et à des âges prédéterminés, de même que la nomination d’un remplaçant si le bénéficiaire décède avant le testateur ou après être devenu un bénéficiaire. La fiducie testamentaire permet aussi à ses bénéficiaires de profiter de certains avantages fiscaux en ce qui concerne les revenus de la fiducie.
Le testament offre l’avantage de pouvoir réduire les incidences fiscales applicables au défunt à l’égard de certains legs, comme dans le cas d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), d’un régime de retraite et de tout bien ayant accumulé une plus-value. En effet, certains legs à un conjoint légal (ou de fait) ou à un enfant permettent d’éviter les impôts sur le revenu qui seraient autrement payables au décès du testateur.
Le testament peut également prévoir ce qui suit :
> la nomination d’un liquidateur chargé de gérer la transmission des biens successoraux selon les volontés du testateur; le testament devrait spécifier que le liquidateur a le pouvoir d’effectuer diverses planifications et divers choix afin de réduire au minimum les incidences fiscales pour la succession et les héritiers;
> la désignation d’un tuteur pour les enfants mineurs, dans le cas du dernier parent à décéder;
> un legs à un organisme de bienfaisance;
> la prise en charge, par un légataire à titre particulier, de certaines dettes de la succession directement liées au bien légué (par exemple, tout impôt sur le revenu payable par la succession à l’égard de la transmission du bien et toute dette hypothécaire qui grève ce bien); à défaut, ce légataire héritera du bien libre de toute dette alors payable à même le bien transmis au légataire universel;
> dans le cas de conjoints mariés (ou unis civilement), l’assujettissement du legs au conjoint à une renonciation à ses droits dans le partage du patrimoine familial et du régime matrimonial;
> la nomination d’un nouveau titulaire d’un régime enregistré d’épargne-études (REEE) ou d’un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI);
> le legs du compte d’épargne libre d’impôt (CELI) au conjoint légal (ou de fait) afin de maintenir les avantages fiscaux sans toucher aux droits de cotisation.
Bien qu’il soit primordial de rédiger un testament, plusieurs éléments peuvent avoir une incidence sur la transmission des biens au décès :
> un contrat de mariage (ou d’union civile) qui comporte une clause testamentaire en faveur du conjoint légal, qu’elle soit révocable ou irrévocable;
> le partage du patrimoine familial et du régime matrimonial entre la succession et le conjoint légal;
> l’application possible à la succession des règles sur les pensions alimentaires et sur la prestation compensatoire;
> toute disposition légale désignant un bénéficiaire (conjoint légal ou de fait) au décès du détenteur d’un régime de retraite, d’un compte de retraite immobilisé (CRI), d’un REER immobilisé ou d’un fonds de revenu viager (FRV);
> le versement d’une prestation à la suite du décès d’un cotisant en vertu du Régime des rentes du Québec (RRQ);
> toute désignation de bénéficiaire au décès du détenteur d’une assurance vie ou d’un contrat de rente (payable à un bénéficiaire désigné ou à la succession), qu’elle soit révocable ou irrévocable;
> un contrat relatif à la détention conjointe d’un bien;
> une convention d’actionnaires relative à la détention d’actions d’une société par actions privée;
> une fiducie entre vifs;
> un testateur déjà bénéficiaire d’une fiducie testamentaire ou détenteur d’un bien grevé d’une substitution;
> le divorce, la séparation de corps et la dissolution de l’union civile qui ont généralement pour effet de rendre caducs tout legs fait au conjoint légal et toute désignation du conjoint légal dans une police d’assurance vie (ou un contrat de rente).
Il est à noter que la transmission de biens en cas de décès, par testament ou autrement, devrait être revue périodiquement ou advenant un changement important comme une modification de statut matrimonial, la naissance ou la majorité d’un enfant, le décès ou l’incapacité d’un légataire, un changement à la loi, etc.