/  19 mai 2002

Être victime de fraude, ça n’arrive pas qu’aux autres ! – II

Le 14 novembre 2001, dans le cadre de notre programme de conférences 2001-2002, M. Pierre Bolduc1, du groupe Enquête et Sécurité KPMG inc., a livré un exposé fort intéressant sur les fraudes et la prévention, en particulier sur les arnaques les plus fréquentes et sur les moyens les plus appropriés pour éviter de se laisser tromper.

Promotion frauduleuse d’un titre

Les fraudeurs achètent une grande quantité d’actions d’une petite société, peu connue et cotée en bourse. Ensuite, ils font une promotion massive de cette société, par voie de publicité, de communiqués ou de lettres financières frauduleuses.

Les investisseurs commencent alors à s’intéresser au titre de la société. Ils le recommandent et achètent des actions, ce qui pousse à la hausse la valeur de ces dernières. Plus la valeur monte, plus les investisseurs s’y intéressent et plus le titre monte. Puis vient le moment où les fraudeurs vendent en masse leur position. Résultat ? Le titre s’effondre et tous les autres investisseurs perdent. Il ne reste plus aux fraudeurs qu’à recommencer avec un autre titre.

Grâce à Internet, qui facilite la transmission de renseignements de toutes sortes et qui garantit l’anonymat des promoteurs, cette vieille technique a repris récemment du poil de la bête.

À cet égard, les recommandations suivantes s’imposent :

  1. toujours faire affaire avec des maisons ou des professionnels reconnus;
  2. se méfier de la publicité, des communiqués ou des lettres financières provenant d' » on ne sait où « ;
  3. vérifier la valeur des informations reçues;
  4. toujours demeurer conscient du caractère hautement spéculatif des titres de petites sociétés peu connues.

La fraude immobilière

Dans ce cas-ci, les arnaqueurs vendent une propriété, un terrain, un  » temps partagé  » (time sharing) ou tout autre type d’investissement immobilier, au pays ou à l’étranger. Bien entendu, l’offre est exceptionnelle et des plus attrayantes.

On exerce une pression intense sur les victimes pour qu’elles agissent très rapidement, prétextant que les quantités sont limitées, les prix à la hausse… et le notaire, disponible immédiatement! Outre cette pression indue du vendeur, le contrat est généralement ambigu et le délai de réaction très très court.

Si, par  » bonheur « , l’investisseur se retrouve avec une propriété immobilière qui existe vraiment, la valeur de cette dernière ne correspond nullement à l’importance de l’investissement.

Comment se protéger contre ce type de fraude?

  1. se méfier des photos et visiter les lieux;
  2. s’informer sur les revenus de location et sur la disponibilité des services promis;
  3. obtenir une évaluation d’un tiers expert indépendant;
  4. vérifier le zonage et les règlements relatifs à la construction, incluant les permis;
  5. vérifier la réputation et l’accréditation du courtier immobilier;
  6. ne jamais signer sous pression.

La vente d’œuvres d’art ou d’objets de valeur

Après avoir fait de nombreuses  » victimes  » parmi les médecins, cette fraude est réapparue récemment. Les toiles de peintres célèbres ont cependant fait place aux objets de valeur tels que les meubles anciens.

Les fraudeurs abordent leurs victimes en leur offrant d’acheter un objet dont le potentiel de revente est très intéressant. À prime abord, l’investissement pour acquérir un premier objet est raisonnable. Laissé en consignation aux fraudeurs, cet objet est vite revendu (fictivement), avec un gain intéressant qui n’est cependant jamais versé à l’investisseur. En effet, le vendeur convainc son client de réinvestir le tout dans l’achat d’un autre objet encore plus prometteur.

Après quelques achats et rachats fictifs très profitables qui ne servent qu’à gagner la confiance de leurs victimes, les fraudeurs proposent un objet qui nécessite cette fois un investissement additionnel important. Les personnes qui se laissent séduire sont alors les propriétaires  » théoriques  » d’un magnifique objet qui ne sera plus jamais revendu. La très grande majorité des victimes finissent par découvrir que tous ces magnifiques objets ont été vendus à plusieurs personnes à la fois et que leurs valeurs ne sont aucunement comparables à l’importance des sommes investies.

Pour éviter de se retrouver dans une situation aussi fâcheuse, il est impératif de :

  1. faire affaire avec des galeries respectables (il ne s’agit cependant pas d’une garantie absolue);
  2. faire évaluer l’objet par un tiers expert indépendant;
  3. se méfier des photos et vérifier le parcours de l’objet au cours des dernières années;
  4. ne jamais se fier aux catalogues des ventes à l’encan pour établir la valeur du bien.

En guise de conclusion

L’imagination des fraudeurs n’a pas de limites, comme en font foi la multitude de techniques de plus en plus perfectionnées qu’ils mettent au point. Les plus récentes consistent à substituer une carte de débit au guichet (les personnes âgées en sont les principales victimes), ou encore à annoncer, par télémarketing, un gain à la loterie qu’il est possible de toucher à la condition d’envoyer un montant d’argent pour couvrir les taxes, impôts, droits de transfert et frais de livraison… d’un gros lot qui s’avère fictif.

La liste des techniques frauduleuses que nous avons dressée dans ces deux articles est loin d’être exhaustive. Il en existe plusieurs variantes, parmi lesquelles il faut souligner le retrait du REER sans imposition, la vente de publicité qui ne sera jamais produite, le don à un organisme de charité bidon.

À la lumière de l’exposé de M. Bolduc, nous pouvons tirer les leçons suivantes :

Toujours faire affaire avec des institutions et des individus reconnus et dûment agréés par les instances appropriées ;

  • Se méfier des investissements qui comportent des promesses de rendement supérieur au marché ;
  • Toujours vérifier et concilier ses états de compte (banque, carte de crédit, etc.) ;
  • Détruire, avant de les jeter, les documents contenant des informations qui peuvent être utilisées par des fraudeurs et ne jamais fournir de renseignements financiers personnels ;
  • Craindre les contrats ambigus et fuir les investissements nébuleux ;
  • Ne pas hésiter à consulter un expert indépendant ;
  • Agir avec la plus grande prudence dans les transactions à distance, que ce soit par Internet ou téléphone; ne jamais s’engager si l’on n’a pas amorcé soi-même la transaction et, surtout, ne jamais payer d’avance un produit ou un service ;
  • Ne jamais signer de promesse d’achat ni de contrat sous la pression ;
  • Ne jamais adhérer à des systèmes nécessitant le recrutement d’autres personnes ;
  • Utiliser son gros bon sens (GBS) et se méfier en tout temps de ce réflexe très humain qu’est l’avidité.

Porter plainte, c’est capital !

Il est très important de porter plainte auprès des corps policiers lorsqu’on est victime d’une fraude. Contrairement à ce que croient la majorité des victimes, cette situation n’a rien de honteux.

Au cours de la seule année 1999, 18 430 fraudes ont été signalées au Québec et 90 568 au Canada. Or, il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg, puisqu’une grande proportion des victimes ne portent malheureusement jamais plainte.

Des sites Internet pour vous informer

Les sites Internet suivants fournissent de nombreuses informations pertinentes sur les fraudes économiques :

En espérant que ces conseils de prudence vous seront utiles, nous vous invitons à prendre contact avec nous pour en discuter plus longuement, le cas échéant. Nous sommes également très intéressés à connaître vos commentaires ou vos suggestions de sujets à traiter dans cette chronique N’hésitez donc pas à nous en faire part.

1 Avant de se joindre au groupe de juricomptabilité de la firme KPMG, Pierre Bolduc a été au service de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pendant 27 ans. Lorsqu’il a quitté la GRC, il était responsable de la section Renseignements et Analyses criminelles. Pendant 10 ans, il a participé à des enquêtes internationales sur le blanchiment de capitaux. Fort d’une solide expertise en ce domaine, il a formé des enquêteurs du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, de la Sûreté du Québec et la GRC.