/  19 juin 2001

Fiducie testamentaire : moins complexe qu’il n’y paraît

Concept encore peu connu au Québec, la fiducie testamentaire n’est pas une destinée uniquement aux personnes fortunées.

A priori complexe, cet outil devient beaucoup plus facilement compréhensible lorsqu’on explique son fonctionnement. C’est la raison pour laquelle nous allons tenter de répondre aux quatre questions que cette forme de fiducie soulève couramment, à savoir :

1. À qui s’adresse-t-elle?
2. Pourquoi l’utiliser?
3. Comment l’utiliser?
4. Que contient-elle?

Avant tout, il faut préciser que la mise en place d’une fiducie testamentaire suppose la présence d’au moins trois entités :

1. Le constituant
C’est le testateur, c’est-à-dire la personne qui détermine les biens transmis et qui prescrit les règles à suivre quant à leur gestion et à leur transmission.

2. Le ou les fiduciaires
C’est la personne ou la société choisie par le constituant pour administrer le patrimoine de la fiducie selon les volontés du défunt. Il peut s’agir du conjoint, d’un ami, d’un membre de la famille ou d’une société de fiducie.

3. Le ou les bénéficiaires
C’est l’héritier du testateur qui recevra les biens de la fiducie et à qui sera assignée une part du revenu ou du capital, ou aux deux à la fois. Il peut s’agir du conjoint, d’un enfant, d’un petit-enfant, etc.

En pratique, le fiduciaire (qui ne peut pas être le seul bénéficiaire) ouvrira un compte pour effectuer des transactions (achat, vente de placements, etc.) et la fiducie devra produire une déclaration fiscale annuelle (T3). En règle générale, cette déclaration est facile à remplir, et requiert des frais afférents s’élevent à quelques centaines de dollars.

Outre le fait que, contrairement à la fiducie entre vifs, la fiducie testamentaire est assujettie à un taux imposition progressif, elle permet une planification successorale fort intéressante.

1. À QUI LA FIDUCIE TESTAMENTAIRE S’ADRESSE-T-ELLE?

Toute personne peut décider de créer une fiducie dans son testament. En général, les motifs des raisons invoquées par un testateur sont :

un remariage (famille reconstituée) :
la transmission du patrimoine en fiducie offre la possibilité au testateur, advenant qu’il décède en premier, de léguer un bien au conjoint survivant pour garantir son bien-être, tout en s’assurant que ce dernier le transmettra, à son décès, aux personnes de son choix (par exemple, ses enfants issus d’une première union);

des héritiers mineurs ou inaptes :
la fiducie permet une administration des biens adaptée aux besoins des enfants, advenant le décès prématuré des parents. En effet, elle permet de pourvoir à leurs besoins essentiels tout en évitant les règles de la tutelle et de la curatelle et en empêchant qu’un enfant qui n’est pas en mesure de gérer adéquatement son héritage le dilapide, et ce, même s’il a plus de 18 ans;

des héritiers autonomes financièrement :
dans le cas où l’héritage est important et que les légataires ont déjà des revenus, il est possible de fractionner, entre la fiducie elle-même et les héritiers, l’imposition des revenus engendrés par les biens fiduciaires, et de réduire ainsi les montants d’impôts à payer.


2. POURQUOI UTILISER LA FIDUCIE TESTAMENTAIRE?


Puisqu’il s’agit d’une entité distincte de ses bénéficiaires, la fiducie offre des avantages, tant sur le plan légal que fiscal.

Sur le plan légal

La protection de l’actif successoral est sans aucun doute un élément primordial. En effet, en transmettant les éléments d’actif en fiducie, on s’assure que ces derniers seront à l’abri des créanciers (ces biens étant généralement insaisissables) advenant que l’héritier soit dans une situation financière difficile (insolvabilité ou faillite).Elle garantit que le legs sera remis ultimement aux personnes de son choix, tout en assurant le bien-être matériel d’une personne et en laissant le capital à quelqu’un d’autre.Exemple :
fournir un revenu au conjoint survivant sa vie durant, en lui laissant la possibilité d’utiliser le capital pour maintenir un niveau de vie acceptable. Au décès du conjoint survivant, le capital sera remis aux enfants.

La fiducie permet aussi au testateur de garder le contrôle, même après son décès, en dictant des règles contenues dans des clauses souples ou rigides (surtout dans le cas où l’héritier a de la difficulté à limiter ses dépenses). Ce faisant, on évite que des héritiers qui ne font pas preuve de maturité financière dilapident trop rapidement les biens de la succession.

La fiducie évite aussi les règles de la tutelle et de la curatelle si les bénéficiaires sont mineurs ou inaptes. La tâche du liquidateur cesse au moment de la distribution des biens successoraux aux héritiers.

En ce qui concerne l’héritier qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, la tâche d’administrer ses biens incombe à un tuteur nommé par le tribunal (le parent est automatiquement le tuteur de son enfant, sauf s’il est déchu de son autorité parentale), si rien n’a été stipulé à cet effet dans le testament.

Si aucune fiducie n’est prévue, le tuteur devra administrer les biens avec les pouvoirs que lui confère la loi jusqu’à ce que la personne atteigne 18 ans, soit l’âge auquel elle aura la pleine jouissance des biens qui lui sont dévolus et qu’elle pourra dépenser à sa guise.

La fiducie permet d’accorder des pouvoirs plus étendus sur les biens légués et laisse toute latitude au testateur pour déterminer de quelle façon ses biens seront remis au bénéficiaire.

Exemple :
les revenus sont versés aux bénéficiaires sur une base régulière, afin de couvrir les dépenses nécessaires à leur entretien et leur instruction, mais le capital est remis progressivement à des âges fixes (par exemple, un premier tiers à 25 ans, un second tiers à 30 ans, et le dernier tiers à 35 ans).

Sur le plan fiscal

L’économie d’impôts est un élément important à considérer, car la fiducie testamentaire est assujettie à des taux progressifs (comme les particuliers, sans crédits personnels, toutefois).Cela permet de fractionner le revenu découlant du patrimoine légué ainsi que le revenu fiscal des héritiers qui, dans certains cas, pourraient réaliser une économie annuelle d’impôts se situant entre 1 000 $ et 7 000 $ tout en conservant (ou en récupérant) certains crédits et versements gouvernementaux (par exemple, la pension de sécurité de la vieillesse.

De plus, la fiducie testamentaire peut prévoir une fin d’année financière différente de celle de l’année civile ainsi que certains choix fiscaux permettant d’autres économies potentielles.

Cela signifie une réduction des impôts sur les revenus de placement provenant de l’héritage, et ce, pendant plusieurs années, puisque les revenus pourront être imposés à la fiducie plutôt qu’à l’héritier, qui ne verra pas ses revenus fiscaux affectés par ceux provenant du patrimoine légué.


3. COMMENT UTILISER LA FIDUCIE TESTAMENTAIRE?


La mise en place d’une fiducie testamentaire n’est possible que si le testateur l’a stipulée au moment de rédiger ses dernières volontés, par une mention expresse à cet effet (par exemple, « Je lègue en fiducie en faveur de…. » ).

À cet égard, la rédaction d’un testament notarié, qui entraîne des frais plus élevés qu’un simple testament, permet d’atteindre l’objectif visé tout en engendrant des économies qui sont généralement intéressantes.

La fiducie est en vigueur dès le décès du testateur (constituant), au moment de l’exécution de la disposition testamentaire pertinente. Si elle peut être modifiée ou annulée par le testateur pendant qu’il est vivant, elle ne peut pas être créée après son décès si son testament ne prévoit rien à cet effet.


4. QUE CONTIENT LA FIDUCIE TESTAMENTAIRE?

Si le but visé par la mise en place de la fiducie testamentaire est purement fiscal, on optera pour des biens susceptibles d’engendrer des revenus : par exemple, des placements hors REER ou le produit d’assurance-vie, sous réserve que le bénéficiaire désigné soit un ayant-droit ou un héritier légal, etc.

Par contre, si l’objectif poursuivi est de protéger certains éléments d’actif, ceux-ci pourront être détenus en nature (immeuble, résidence, etc.). Il faut noter qu’il est impossible de transférer en fiducie le REER accumulé.


CONCLUSION

Il existe plusieurs types de fiducie : « fiducie exclusive au conjoint » , « fiducie d’étalement de régime » , « fiducie de capitalisation » , « fiducie d’éducation » , « fiducie familiale » ou « fiducie de fractionnement » . Elles, et chacune comporte ses propres règles.

Pour profiter d’une fiducie dans le cadre d’une planification testamentaire et atteindre du même coup des objectifs fiscaux et légaux, il est important de prendre d’abord conseil auprès de personnes compétentes en la matière. Dans certains cas, les règles sont complexes et nécessitent l’expertise de juristes et de fiscalistes. En effet, selon la situation financière des personnes, divers scénarios peuvent être envisagés en fonction des avantages et des inconvénients dans chaque situation.

Dans certains cas, la « substitution résiduelle » pourrait être envisagée en raison de sa flexibilité, parce qu’aucun cofiduciaire n’est requis et qu’elle permet de bénéficier d’avantages fiscaux, étant considérée comme une fiducie aux fins fiscales.

Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à faire appel à notre service de planification financière.