/  18 juillet 2017

Jusqu’à quand prévoir vos revenus de retraite ?

Bonne nouvelle : une situation financière aisée allonge l’espérance de vie. Sauf que ces années extra ne sont pas gratuites. Nos conseils pour ajouter du réalisme à votre scénario de retraite.

L’espérance de vie dépend d’une multitude de facteurs, déjà fort bien documentés : l’hérédité, l’alimentation, l’activité physique, la consommation d’alcool, l’usage du tabac… Un autre élément s’ajoute désormais à cette délicate équation. La richesse, ou du moins un revenu élevé, est au nombre des variables qui font augmenter, pour un individu, la possibilité d’atteindre un âge avancé.

L’influence d’un revenu élevé

Le tableau 1 présente, pour le Québec, l’espérance de vie à la naissance des particuliers, selon le niveau de revenus. Les cinq groupes sont constitués d’un nombre égal de particuliers.

Tableau 1 : Espérance de vie à la naissance, selon le niveau de revenus, au Québec
Espérance de vie à la naissance (ans)
Niveau de revenus Hommes Femmes
Tous 78,2 83,1
Premier groupe(revenus les plus faibles) 75,9 81,8
Deuxième groupe 77,8 83,0
Troisième groupe 78,7 83,3
Quatrième groupe 78,8 83,2
Cinquième groupe (revenus les plus élevés) 80,1 84,0
Différence entre le premier et le cinquième groupe 4,2 2,2
Source : Statistique Canada

Selon ce tableau, les femmes qui jouissent d’un revenu élevé ont une espérance de vie à la naissance plus longue de 2,2 années que celles qui ont le plus bas revenu. Chez les hommes, cet écart atteint 4,2 ans. Ce sont des données significatives qu’on ne devrait pas négliger dans la planification de la retraite, car on doit bien sûr pouvoir assurer son train de vie durant ces années supplémentaires.

Jusqu’à quand vivrez-vous ?

En planification de la retraite, on évite généralement d’utiliser l’espérance de vie comme cible d’épuisement des actifs et ceci, pour deux raisons fondamentales :

  • À mesure que l’on avance en âge, l’espérance de vie tend à s’améliorer. Le particulier qui a déjà atteint 60 ans a de bien meilleures chances d’atteindre 85 ans que le nouveau-né.
  • On a une chance sur deux de dépasser cette espérance de vie. C’est ce qu’on appelle le risque de survie. L’espérance de vie étant une moyenne, elle représente essentiellement, pour un groupe homogène (par exemple, 1 000 femmes du même âge), l’âge auquel la moitié des personnes de ce groupe auront quitté ce bas monde. Les autres survivront. Employer l’espérance de vie pour fixer l’âge-cible auquel le capital sera épuisé revient donc à suivre un plan financier qui n’a que 50 % des chances de se matérialiser.

Il est plus prudent de recourir à ce l’on appelle la « durée raisonnable de décaissement ». Cette durée, plus longue, est essentiellement basée sur l’âge que vous avez une chance sur quatre d’atteindre. Elle offre donc un scénario qui a 75 % des chances de se concrétiser.

Le tableau 2 présente l’âge-cible défini par l’espérance de vie et par la durée raisonnable de décaissement à différents âges atteints.

On peut tirer de ce tableau qu’une femme de 40 ans a une espérance de vie de 92 ans et qu’elle devrait planifier ses fonds de retraite jusqu’à 97 ans. De même, un homme de 60 ans a une espérance de vie de 89 ans et il devrait planifier sa retraite jusqu’à 94 ans.

Tableau 2 : Âge-cible selon l’espérance de vie et la durée raisonnable de décaissement, en fonction du sexe
Âge atteint Espérance de vie (ans) Durée raisonnable de décaissement (ans)
Homme Femme Homme Femme
40 ans 89 92 94 97
50 ans 89 91 94 96
60 ans 89 91 94 96
Source : Institut québécois de planification financière (IQPF)


Les impacts sur les revenus de retraite

Les chiffres cités ne sont pas simplement théoriques ; ils ont une incidence directe sur les moyens sont disposeront les futurs retraités. Afin d’illustrer ce propos, imaginons l’exemple suivant : un homme et une femme, âgés de 60 ans, détiennent chacun un capital REER de 750 000 $ qui assurera leurs revenus de retraite. Disons qu’ils visent un revenu indexé et utilisons les hypothèses suivantes : un rendement annuel net de 4,50 % et une inflation annuelle de 2,10 %. Le tableau 3 présente le revenu annuel qu’ils pourront tirer de leurs épargnes en supposant l’épuisement du capital à différents âges.

Tableau 3 : Revenu annuel tiré d’un capital accumulé de 750 000 $ à 60 ans, selon la cible d’épuisement des actifs
Si épuisement du capital en fonction de l’espérance de vie Si épuisement du capital en fonction de la durée raisonnable de décaissement Différence annuelle
Âge cible Revenu annuel Âge cible Revenu annuel
Homme de 60 ans  89 ans 35 962 $  94 ans 32 281 $ 3 681 $
(10,2 %)
Femme de 60 ans  91 ans 34 341 $  96 ans 31 107 $ 3 234 $
(9,4 %)

On constate que l’homme, s’il vise avoir épuisé son capital à l’âge déterminé par son espérance de vie (89 ans), sera en mesure de tirer de ses actifs un revenu annuel indexé – un pouvoir d’achat – de 35 962 $. S’il vise plutôt avoir épuisé son capital à l’âge déterminé par la durée raisonnable de décaissement (94 ans), il sera en mesure de maintenir un pouvoir d’achat de 32 281 $. Retarder sa mort éventuelle dans son scénario de retraite signifie allonger la période de décaissement, ce qui représente une baisse annuelle de 3 681 $, soit plus de 10 % de son pouvoir d’achat. Pour une femme de 60 ans, il s’agirait d’abaisser son pouvoir d’achat de 3 234 $ ou 9,4 %.

Évidemment, personne ne souhaite diminuer son train de vie à la retraite, mais la prudence a un prix. Notons que notre exemple présente exclusivement les revenus tirés des épargnes personnelles des individus (750 000 $). À cela devraient s’ajouter, notamment, les rentes gouvernementales.

Éviter le pire

Intuitivement, on imaginait une correlation entre la situation financière et l’espérance de vie. Les études montrent qu’elle existe bel et bien. À la lumière des données présentées, il pourrait s’avérer prudent, en particulier pour les hommes plus aisés, d’ajouter une année ou deux à la durée de décaissement établie statistiquement pour l’ensemble de la population. Le risque de laisser des actifs au décès est certainement moins grave que celui de survivre à son capital et de passer les dernières années de sa vie sans le sou.