L’art d’investir : Répartir ses billes judicieusement
« Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », dit le proverbe.
Voilà un conseil plein de bon sens. Intuitivement, il est facile de comprendre qu’en éparpillant nos billes par-ci, par-là, nous risquons moins d’être frappé par une hécatombe.
Pourtant, même si ce proverbe est sans cesse répété par les médias et les compagnies financières, des investisseurs se cassent encore la figure de façon magistrale avec leurs placements. Étonnant ? Pas du tout! Car la nature humaine fait en sorte qu’un individu sera généralement obnubilé par des rendements élevés, mais comprendra mal le risque qui y est associé.
À preuve, tout le système de la Loterie nationale repose sur cette réalité. Les billets de loterie se vendent comme des petits pains chauds parce que les gens sont envoûtés par le gros lot et oublient qu’ils risquent de perdre leur mise.
La seule façon d’éliminer le risque d’être ébloui par des rendements alléchants, et de nous retrouver par erreur à la mauvaise place au mauvais moment, est de bien diversifier le portefeuille. Autrement dit, il vaut mieux avoir à peu près raison en tout temps que d’avoir complètement tort à un moment donné. Les exemples d’étoiles filantes qui se sont subitement transformées en canards boiteux ne manquent pas.
L’expérience démontre également qu’il faut diversifier par classes d’actif, c’est-à-dire les titres boursiers, les obligations et les liquidités, et prendre le temps de déterminer convenablement le poids de ces dernières, tout en tenant compte de notre tolérance au risque et de notre horizon de placement. Gary Brinson, Randolph Hood et Gilbert Beebower, qui ont examiné le portefeuille de 91 grands fonds de pension au milieu des années 80, ont réalisé qu’un peu plus de 90 % de la variabilité du rendement découlait de la politique de répartition d’actif. Cette découverte a ouvert la voie à l’élaboration de stratégies, dont l’objectif est d’accroître le rendement potentiel tout en contrôlant le risque sur une période donnée.
Mais la plupart des gens ne comprennent pas très bien l’impact que cette diversification aura sur leur portefeuille et n’y portent pas vraiment attention lorsque vient le temps d’investir. Pourtant, c’est loin d’être sorcier. En combinant les différentes classes d’actif, on obtient des portefeuilles avec des caractéristiques très différentes.
Une forte pondération de titres boursiers (ex. : actions ordinaires et fiducies de revenu) accroît la performance du portefeuille. Par contre, elle a aussi pour conséquence d’augmenter le risque. Alors, comment choisir ?
Pour déterminer la pondération des actions, il faut comprendre que le risque lié au marché boursier tient au fait que celui-ci évolue selon des cycles réguliers, tout à fait imprévisibles, et produit même des rendements négatifs sur de courtes périodes de temps. Une façon d’atténuer ce risque est de prolonger notre horizon de placement. En effet, le risque d’encaisser une perte du capital, due à un déclin du marché, est beaucoup moins élevé sur une longue période, c’est-à-dire de 5 à 7 ans et plus.
À l’opposé, on remarque que l’ajout de produits plus sécuritaires, telles les obligations (ex. : obligations gouvernementales et obligations corporatives) et les liquidités (ex. : bons du Trésor et Obligations d’épargne du Canada) diminue le risque. Comme ces trois classes d’actif évoluent différemment selon les cycles économiques, leur combinaison a également l’avantage de permettre à ces dernières de se tempérer mutuellement. Autrement dit, lorsqu’une classe d’actif est en difficulté, les autres viennent à sa rescousse.
Préserver l’équilibre
Comme les grandes catégories d’actif ne fluctuent pas de la même façon, il est pratique courante de rééquilibrer périodiquement le portefeuille pour maintenir la répartition d’actif à peu près inchangée à travers le temps. Le rééquilibrage du portefeuille a l’avantage d’être l’un des rares moyens d’accroître le rendement sans encourir de risque supplémentaire.
Comment ça fonctionne ? C’est pourtant très simple. Il suffit de vendre les actifs en portefeuille qui ont été les plus rentables (habituellement les actions) pour acheter ceux qui ont produit les pires rendements.
Le fait que pratiquement tous les tests portant sur des stratégies de rééquilibrage produisent des rendements excédentaires peut sembler étonnant. Mais la seule explication est que les actifs au rendement très élevé ont tendance à s’apprécier au-delà de leur valeur réelle. L’investisseur qui rééquilibre ses actifs régulièrement vend donc les parts de fonds communs de placement les plus chères et achètent les parts bon marché. Lorsque ces parts bon marché retournent à leur valeur réelle (s’apprécient), elles permettent de rentabiliser l’opération de rééquilibrage.
Il est intéressant de constater que l’approche « portefeuille » ne s’appuie pas sur des stratégies financières de haute voltige que seuls quelques adeptes peuvent comprendre. Elle repose plutôt sur le gros bon sens. Ces principes sont pourtant la clé de voûte de toute stratégie de placement visant à minimiser le risque et à maximiser le rendement. Ils nous permettent d’investir judicieusement tout en dormant sur nos deux oreilles.