/  01 novembre 2018

Le CELI soufflera bientôt ses 10 bougies

En 2009, le gouvernement fédéral a adopté une série de mesures destinées à relancer le taux d’épargne des Canadiens, et à contrer les effets de la crise économique qui sévissait. L’ancien ministre des Finances du Canada a donc mis en place un ambitieux programme de réduction des taxes et des impôts dans le but d’établir un « avantage fiscal canadien ». Comme le principal objectif de Jim Flaherty était d’inciter les familles de la classe moyenne à se constituer un coussin d’urgence et un complément d’épargne pour la retraite, il a concrétisé une idée qui circulait depuis quelque temps déjà, à savoir la création d’une alternative au régime enregistré d’épargne-retraite (REER).

L’avènement du compte d’épargne libre d’impôt (CELI) s’est avéré aussi marquant que celui du REER, en 1957, dont il est en quelque sorte l’antithèse.

La cotisation

En ce qui concerne l’âge minimal pour cotiser, le REER ne prévoit aucune restriction, tandis que le CELI exige que le cotisant ait au moins 18 ans. Par contre, le CELI ne fixe pas d’âge maximal, alors que le REER établit une limite, soit l’année du 71e anniversaire de naissance.

Quant au droit de cotisation au CELI, il n’est aucunement lié aux revenus gagnés et est reportable indéfiniment. En pratique, il correspond à la portion inutilisée du montant maximal permis annuellement qui s’accumule depuis 2009; dans le cas du REER, il s’agit de la portion inutilisée du montant maximal déductible annuellement qui s’accumule depuis 1999.

La cotisation annuelle maximale au CELI a varié depuis sa création : elle a été de 5 000 $ de 2009 à 2012, de 5 500 $ en 2013 et 2014, de 10 000$ en 2015 et de 5 500 $ depuis 2016 (ce montant est révisé annuellement). En pratique, ceci signifie qu’un particulier qui avait au moins 18 ans en 2009 et qui n’a pas cotisé un seul dollar au CELI depuis lors, détient des droits de cotisation totalisant 57 500 $. Quant à la cotisation annuelle maximale au REER, elle représente un pourcentage (18 %) du revenu gagné l’année précédente, et ce, jusqu’à concurrence d’un montant préétabli (26 010 $ en 2017 et 26 230 $ en 2018).

Si une cotisation excédentaire au CELI est impossible, le REER la permet : le premier prévoit une pénalité de 1 % par mois dès le premier dollar cotisé en excédent, tandis que le second tolère un dépassement maximal de 2 000 $.

La cotisation au CELI du conjoint n’est pas non plus possible, quoiqu’il soit permis de lui donner ou de lui prêter une somme pour qu’il cotise à son propre CELI (à condition qu’il possède des droits de cotisation), et ce, sans assujettissement aux règles d’attribution aux fins de l’impôt. Dans le cas du REER, l’individu qui verse la cotisation peut la déduire dans le calcul de son revenu imposable.

Les cotisations après le décès dans un CELI ne sont pas permises, même si le défunt détenait encore des droits de cotisation; elles le sont cependant dans un REER, d’où la pertinence, dans une situation où le décès est prévisible, de faire cotiser un particulier avant, si jamais ces sommes pouvaient être effectivement transférées au CELI de son conjoint, à la suite du décès.

 

Les retraits

 

Les retraits du CELI sont sans effet sur les prestations des régimes de retraite publics. Ceux du REER doivent être ajoutés au revenu imposable et sont donc susceptibles de les diminuer.

À la différence du REER dont les montants retirés ne peuvent pas être cotisés, un retrait du CELI, incluant toute forme de rendement ou de perte, a pour effet de rétablir un droit de cotisation égal à ce retrait pour l’année civile suivante ou pour toute autre année subséquente. Autrement dit, il est possible de cotiser de nouveau l’équivalent du montant retiré.

 

L’imposition

À l’inverse du REER :

  1.  les cotisations au CELI ne sont pas déductibles du revenu imposable;
  2. les retraits du CELI ne sont pas imposables, pas plus que les rendements (intérêts, dividendes ou gains en capital) qu’ils génèrent, à l’exception des revenus considérés comme ayant été gagnés par de la spéculation sur séance (day trading). Les retraits du CELI ne sont pas considérés non plus dans le calcul des prestations de la pension de sécurité de la vieillesse (PSV) ou du supplément du revenu garanti (SRG).

Le décès

Au décès, le CELI du défunt (marié ou vivant en union de fait) n’est pas imposé et le conjoint survivant peut ajouter, dans son propre CELI, les sommes accumulées par son conjoint décédé, sans pour autant affecter ses droits de cotisation. Le REER du défunt, lui, est l’objet d’une imposition au décès, à moins qu’il ne soit transféré au conjoint, à un enfant mineur ou à un enfant handicapé à charge. Contrairement au REER, une seule option de transfert est disponible pour le CELI au décès : vers celui du conjoint. Le cas échéant, ce transfert assurerait que les revenus futurs du CELI demeurent à l’abri de l’impôt.

Les revenus gagnés dans le CELI après le décès du détenteur pourraient être imposables, alors que ceux accumulés avant demeurent exonérés d’impôt.

Le transfert

Selon la structure du CELI, le transfert vers celui du conjoint peut revêtir trois formes différentes :

  1. les contrats de rente (par exemple, les fonds distincts distribués par les assureurs);
  2. les arrangements en fiducie;
  3. les contrats-dépôts (auprès d’une banque).

Au décès, deux options permettent le transfert vers le CELI du conjoint :

  1. l’utilisation du concept de « titulaire remplaçant »;
  2. le transfert indirect.

La première (titulaire remplaçant) assure la continuation du CELI au nom du conjoint et correspond en pratique à un transfert direct. Au Québec, cette option n’est disponible qu’avec le contrat de rente. Pour les arrangements en fiducie et les contrats-dépôts, il faut utiliser le transfert indirect.

Dans ce cas, le conjoint survivant reçoit un montant provenant de l’arrangement qui a cessé d’être un CELI au moment du décès. Il doit cotiser le montant touché dans son propre CELI en le désignant « cotisation exclue » (formulaire RC240 de l’Agence du revenu du Canada) dans un délai maximum de 30 jours. Celui-ci commence à courir non pas au décès, mais au moment où le conjoint survivant effectue la cotisation. Toutes ces étapes doivent être complétées avant le 31 décembre de l’année suivant le décès.

Il est important de noter que le montant de la cotisation exclue ne peut pas excéder le moindre du paiement au survivant ou de la juste valeur marchande du CELI au moment décès.

Ce dernier élément implique que toute plus-value du compte entre le décès et le moment de la cotisation exclue sera imposable comme un revenu d’intérêt.

Exemple

Jean décède le 1er septembre 2018 et la valeur de son compte CELI s’élève à 75 000 $. France, sa conjointe, reçoit la somme après la liquidation de la succession, le 1er novembre 2019, alors que le CELI vaut 80 000 $. À titre de conjointe survivante, elle pourra verser 75 000 $ dans son propre CELI et disposera d’un délai de 30 jours pour déclarer ce montant « cotisation exclue » sans diminuer ses propres droits de cotisations au CELI. Le rendement de 5 000 $ (80 000 $ – 75 000 $) sera imposable.

On notera que les actifs du CELI d’un défunt pourraient être transférés sous les deux options au CELI du conjoint survivant (marié ou de fait) sans réduire les droits de cotisation existants de ce dernier. Enfin, comme indiqué précédemment, il n’est pas possible de cotiser au CELI après le décès.

Le divorce

Advenant la rupture du mariage ou de l’union de fait, il est possible de transférer une somme directement du CELI d’un conjoint à celui de l’autre sans modifier les droits de cotisation de l’un ou l’autre des conjoints. Toutefois, les actifs du CELI ne sont pas considérés dans le calcul du patrimoine familial.

Il faut noter cependant qu’en dépit de la possibilité de transférer le CELI d’un conjoint à l’autre, il peut s’avérer plus avantageux, pour la personne qui détient le CELI, de retirer les sommes et d’acquitter ensuite sa dette envers l’ex-conjoint. Ce faisant, le détenteur du CELI se constitue de nouveau une nouvelle marge pour l’année suivante.

La faillite

En cas de faillite, le CELI est saisissable, contrairement au REER qui, lui, est insaisissable, exception faite des cotisations qui y ont été versées moins de 12 mois avant la faillite.

En conclusion

Le CELI est un outil d’épargne privilégié par un nombre sans cesse croissant de particuliers parce qu’il constitue un complément de choix au REER pour la retraite. Dans certains cas, il peut même s’avérer plus avantageux si l’on s’assure de bien comprendre ses particularités pour pouvoir en tirer le maximum de bénéfices.