/  18 mars 2006

Les 10 gaffes du boursicoteur

Parmi les nombreux articles de nature économique et financière, certains s’avèrent particulièrement intéressants. Dans le texte qui suit, vous pourrez constater que même quelques années après sa publication, l’article de Madame Stéphanie Grammond, publié dans La Presse du 31 mars 2002, n’en demeure pas moins intéressant et tout aussi pertinent.


Il faut apprendre de ses erreurs, mais quand on peut apprendre des erreurs des autres, c’est encore mieux ! Et à la Bourse, ça coûte moins cher. Quels sont les pires bévues de l’investisseur individuel qui se lance sur les parquets boursiers ? Nous en avons dressé la liste à partir des commentaires de professionnels de la finance et des témoignages de visiteurs du site de Cyberpresse, qui nous ont raconté leurs bévues.

Gaffe 1. Il met tous ses œufs dans le même panier

QUI NE CONNAÎT PAS le fameux dicton : « Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier » ? Pourtant, la gaffe la plus classique et la plus fréquente du boursicoteur reste la sur-concentration, et pas seulement dans le temps de Pâques !

Les conseillers en placement ont beau faire de la diversification une véritable rengaine, la leçon n’est pas assimilée, comme l’illustre l’histoire de cet investisseur « dégonflé ».

« Après une entrée intéressante sur les marchés boursiers (bonnes acquisitions et aussi très bons profits), j’ai tenté le grand coup en unissant une bonne partie de mes avoirs dans un titre unique et soi-disant prometteur. C’est ainsi que mes espoirs et ma carrière de boursicoteur en ont pris pour leur rhume avec 360networks », raconte l’homme qui a payé le titre 34,40 $. La société de Colombie-Britannique qui voulait mettre sur pied un réseau de fibre optique, est présentement sous la protection de la loi sur la faillite. Son action ne vaut plus que 13 cents.

D’autre part, il ne faut pas croire qu’en détenant un grand nombre de titres, on diversifie automatiquement son portefeuille. « C’est incroyable ! Je vois très souvent des portefeuilles de 100 000 $ où il y a 70 000 $ en titres de technologie. Et la personne se demande si elle devrait acheter du Nortel ou du CGI », dit Vincent Delisle, stratège chez Valeurs mobilières Desjardins.

Par ailleurs, « contrairement à ce que bien des investisseurs individuels pensent, il est encore plus important de diversifier son portefeuille dans les obligations que dans les actions », dit Jean-Paul Giacometti, vice-président de la Corporation de gestion de placements Claret.

Du côté des actions, si un titre s’écroule, il est très probable que les gains importants qu’une autre société dans votre portefeuille atténue les pertes. « Mais du côté des obligations corporatives (des titres de dettes émis par des sociétés), vous ne pouvez pas compter sur l’envolée des autres obligations en portefeuille pour compenser pour les pertes en cas de faillite d’une société dont vous détenez un titre à revenus fixes. « On ne peut jamais trop diversifier son portefeuille d’obligations corporatives », conclue donc M. Giacometti.

Gaffe 2. Il suit le troupeau et achète au sommet

TROP SOUVENT, l’investisseur accroche aux modes et suit le troupeau, alors que pour réussir, il faut savoir aller à contresens. Pour Éric F. Gosselin, président de la section planification financière à l’Ordre des administrateurs agréés du Québec, le comportement le plus typique du boursicoteur est le suivant : « Les investisseurs particuliers commencent à investir quand le marché a déjà remonté de 15 ou 20 %. Et quand le marché est au plancher, c’est à ce moment là qu’ils vendent. »

Le réflexe d’acheter au sommet vaut aussi pour des titres individuels, comme l’illustre la gaffe de Monsieur N., un autre visiteur de Cyberpresse, qui a acquis 100 actions de Netgraphe à 19,25 $. Porté par la foule d’investisseurs qui voulaient profiter du Klondike de l’Internet, le titre de cette petite société québécoise a atteint un sommet 19,80 $ en mars 2000. Mais deux mois plus tard, son prix était déjà retombé de moitié. Et aujourd’hui l’action vaut 27 cents… tout comme en 1999, avant la bulle.

Gaffe 3. Il tombe en amour avec ses titres gagnants

CERTAINS investisseurs s’entichent de leurs actions qui ont enregistré une belle performance. Ils tombent en amour avec les entreprises gagnantes. Mais l’amour rend aveugle. Quand les signaux de vente commencent à ressortir, l’investisseur amoureux n’y voit que du feu !

« Qui a su vendre à temps Nortel Networks, Groupe CGI ou Research in Motion ? » demande M. Gosselin. Cette dernière firme, spécialisée dans le matériel pour les communications sans fil, a vu son action s’emballer de 11 $ à 227 $ en un an… mais ensuite s’effondrer à 35 $ en quelques semaines.

Gaffe 4. Il s’acharne à conserver ses titres perdants

D’AUTRES investisseurs, qui refusent d’encaisser leurs pertes, s’acharnent à conserver des titres déprimés en espérant un jour récupérer leur mise…

« La pire gaffe que j’ai faite, a été de m’entêter à garder des actions qui ne finissent plus de descendre (exemple : Nortel Networks, Bombardier, BCE, Lorus, etc.) Je crois qu’il faudrait liquider au plus tôt toute action qui a perdu 1 $. Si j’avais fait cela je serais plus riche de plusieurs milliers de dollars », raconte un autre investisseur qui nous a écrit via Cyberpresse.

Cette réaction est certainement excessive, mais il est vrai qu’il faut éviter de sombrer avec un titre. Encore plus, il faut éviter de s’enterrer avec une action qui demeure perpétuellement à la baisse, en utilisant la technique de la moyenne à la baisse, recommande M. Giacometti. Cette technique consiste à augmenter sa position dans un titre qu’on possède déjà et dont la valeur a baissé. Au total, on peut ainsi réduire son coût d’achat moyen.

« On peut faire ça une fois ou deux, mais il faut s’arrêter. Sinon, ça devient comme la technique au casino, où on mise toujours sur la même couleur (rouge ou noire) en doublant sa mise à chaque fois qu’on perd ! » dit-il.

Gaffe 5. Il confond Bourse et casino

À PROPOS, bien des boursicoteurs confondent l’investissement et la spéculation. Au lieu de passer leur temps au casino, ils jouent à la Bourse. « La gestion de portefeuille, ça ne devrait pas être excitant », met en garde M. Delisle.

« Si vous voulez vous amuser, ouvrez un autre compte, à part, qui contiendra 5 à 10 % de votre portefeuille, pas plus. Quand vous aurez perdu votre mise, vous ne pourrez pas aller piger davantage dans votre compte principal », suggère M. Giacometti.

Gaffe 6. Il confond bonne société et bonne action

« LA MAJORITÉ de la population ne fait pas la différence entre une bonne compagnie et une bonne action », affirme M. Delisle. Une société peut avoir une « belle histoire » à raconter, une croissance extraordinaire, un produit extrêmement prometteur. Mais tout a un prix. « Je peux vous vanter une voiture totalement infaillible qui roule à 350 kilomètres à l’heure. Mais est-ce que vous allez l’acheter si son prix est de six millions de dollars ? » illustre M. Giacometti.

L’important en investissement est d’être capable de déterminer si la valeur de l’action est attrayante compte tenu des perspectives de la société.

« D’ailleurs lorsqu’on est trop proche d’une entreprise (si vous êtes employé ou si des membres de votre famille le sont), il est préférable de ne pas trop y investir », dit M. Delisle. Ce conseil vaut son pesant d’or quand on pense au cas d’Enron, où les employés ont tout perdu, leur emploi et leurs épargnes en vue de la retraite, qui étaient principalement investies en actions de leur employeur.

Gaffe 7. Ses connaissances financières sont déficientes

IL NE SUFFIT PAS d’avoir le goût de s’occuper de son portefeuille d’investissements. Encore faut-il avoir du temps à investir et des connaissances approfondies… ce qui est loin d’être toujours le cas, comme l’illustre cette anecdote.

« Je me souviendrai toujours d’un investisseur qui m’avait dit qu’il était déçu de son conseiller parce qu’il lui avait fait acheter du Bombardier. Selon lui, ça n’avait pas été un bon placement parce que « le titre restait toujours à l’intérieur d’une fourchette de 16 $ à 20 $ depuis plusieurs années », raconte le stratège. Or, il faut savoir que Bombardier a l’habitude de fractionner son action en deux dès qu’elle monte. Ceci retranche la moitié de la valeur de l’action, mais tous les investisseurs en ont deux fois plus.

Gaffe 8. Il écoute les tuyaux de son beau-frère

LE BOURSICOTEUR oublie souvent de faire ses devoirs. Il prend des décisions de placements de bribes d’information ou de rumeurs. Il écoute les tuyaux de son fameux beau-frère qui lui parle de ses actions qui ont doublé. Ou encore, il s’abreuve des manchettes des journaux qui relatent les escalades boursières des coqueluches de l’heure.

Le lendemain matin, le boursicoteur se rue pour acheter les titres en question… mais il est trop tard.

Quand on achète des actions d’une entreprise, il faut avoir la même attitude que si on achetait la compagnie au complet… à l’image de l’investisseur américain Warren Buffett.

Gaffe 9. Il se laisse submerger par une mer d’informations

LORSQU’IL TENTE de faire ses devoirs, l’investisseur particulier se laisse parfois prendre au piège de la surinformation. Il se laisse submerger par la mer d’information des journaux, de la télévision, des analystes financiers des maisons de courtage, et d’Internet. Il n’arrive pas à faire le tri parmi les différentes sources et il ne sait pas comment interpréter les avis de tous et chacun.

Gaffe 10. Il veut des coups de circuit

« C’EST UNE ÉPIDÉMIE chez les jeunes investisseurs », dit M. Giacometti. Ils visent des rendements trop élevés. Et leurs ambitions les brûlent. « Pour les jeunes, ce n’est pas tant le rendement qui va générer la plus grande partie de la croissance du capital. C’est plutôt l’habitude de mettre régulièrement des sous de côté », dit M. Giacometti.

Note : Article reproduit suite à une permission obtenue de La Presse, tous droits réservés.