Les conjoints au Québec : Comment s’y retrouver ? – II
Ceci est la suite de l’article paru dans le numéro de septembre et qui abordait la notion de conjoint en vertu du Code civil du Québec et des lois de l’impôt sur le revenu (partie 1). Cette deuxième partie traite du sujet selon la Loi sur le régime de rentes du Québec.
Le patrimoine familial et la société d’acquêts comprennent les gains inscrits, durant le mariage et l’union civile, au nom de chaque conjoint en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec, qui précise les modalités de partage. En cas de décès du cotisant, cette loi prévoit par ailleurs qu’une rente devient payable au conjoint survivant. Les règles sur le patrimoine familial et la société d’acquêts ne s’appliquent alors pas au RRQ. Le terme « conjoint » inclut ici les conjoints de même sexe.
Le partage de la rente du RRQ d’un cotisant est effectué en cas de divorce, de séparation de corps ou de dissolution de l’union civile (autrement que par décès). C’est donc uniquement les conjoints mariés ou unis civilement qui sont soumis à ce partage. Ces derniers peuvent également convenir ensemble que leurs gains acquis pendant leur vie commune, mais avant le mariage ou l’union civile seront aussi inclus dans le partage. Dans le cas du conjoint de fait (tel que défini ci-après) qui a cessé depuis au moins douze mois de vivre maritalement avec un cotisant (et si ce dernier n’est ni marié ni uni civilement avec personne, et si son conjoint de fait n’est ni marié ni uni civilement), la loi prévoit le partage du RRQ du cotisant dans la mesure où les conjoints de fait l’ont convenu par écrit. Tout versement de rente au conjoint dans le cadre du partage sera effectué directement par la Régie des rentes du Québec. Si les deux conjoints sont des cotisants, chacun aura droit au partage de la rente du RRQ de l’autre.
Pour ce qui est de la rente de conjoint survivant, la priorité est accordée au conjoint marié (et non séparé de corps) ou uni civilement avec le cotisant. Si le cotisant n’est ni marié ni uni civilement, ou s’il est marié mais séparé de corps, le conjoint de fait devient alors celui qui a droit à la rente de conjoint survivant. On définit le conjoint de fait comme celui qui vit maritalement avec le cotisant depuis au moins trois ans ou depuis au moins douze mois s’ils sont les parents d’un enfant né ou à naître. Tout versement de rente au conjoint survivant est effectué directement par la Régie. Précisons que le conjoint survivant a toujours priorité sur le RRQ en cas de décès du cotisant. Par conséquent, aucun legs testamentaire ne peut être invoqué à l’encontre de cette priorité. La loi, c’est la loi !
La Loi prévoit une règle de non-admissibilité à la rente de conjoint survivant lorsqu’un cotisant décède dans les douze mois suivant son mariage ou son union civile, sous réserve de l’état de santé du cotisant et de la durée de vie maritale avant le mariage ou l’union civile. Une autre règle prévoit qu’une personne ne peut recevoir plus d’une rente de conjoint survivant, sous réserve du droit de recevoir la plus élevée (par exemple, une personne mariée à un cotisant – et non séparée de corps – et qui est aussi le conjoint de fait d’un autre cotisant).
Il est à noter qu’au décès d’un cotisant ou au décès de son conjoint marié ou uni civilement (qu’il soit cotisant ou non), seule la Loi sur le RRQ s’applique, ce qui exclut les règles de partage du patrimoine familial et de la société d’acquêts qui s’appliquent au décès de l’un ou l’autre des conjoints. Par conséquent, seul le conjoint survivant d’un cotisant décédé a droit à une compensation financière calculée uniquement en fonction des gains inscrits au nom du cotisant décédé. Ainsi, dans le cas du décès d’un cotisant, la valeur de tout gain inscrit au nom du conjoint survivant (qui est donc aussi un cotisant) est totalement exclue dans la détermination de la valeur partageable des biens du patrimoine familial et de la société d’acquêts qui s’appliquent autrement au décès. Le même raisonnement s’applique lorsque c’est le conjoint du cotisant qui décède. La succession du conjoint décédé ne peut bénéficier d’aucune augmentation de ladite valeur partageable à l’égard des gains inscrits au nom du cotisant.
La demande de division de la rente de retraite RRQ entre conjoints
La Loi sur le régime de rentes du Québec prévoit par ailleurs que le versement de la rente de retraite peut être divisé entre les conjoints vivants. Voici les conditions d’admissibilité : 1. si les deux conjoints sont des cotisants du RRQ, ils doivent tous les deux recevoir leur rente de retraite ; le versement de la rente de chaque conjoint sera alors divisé au bénéfice de l’autre ; 2. si un seul est cotisant, ce dernier doit recevoir sa rente de retraite et son conjoint doit avoir au moins 60 ans.
La priorité est accordée en premier lieu au couple marié (et non séparé de corps) et au couple uni civilement. À défaut, la division peut ensuite être accordée au couple dont chaque conjoint n’est ni marié ni uni civilement à une autre personne et qui vit maritalement depuis au moins trois ans (ou depuis au moins douze mois s’ils sont les parents d’un enfant né ou à naître).
Dans le cas des conjoints mariés ou unis civilement, la demande de division peut être faite par un des conjoints. L’autre conjoint devra alors se soumettre à la division. Par conséquent, un conjoint marié qui est séparé de fait (et non de corps) pourrait forcer la division de la rente de retraite de son conjoint. Dans le cas des conjoints de fait, la demande de division doit être faite conjointement.
Puisque le montant de la rente à diviser est calculé en fonction de la période de vie commune des conjoints (conformément à la loi), il ne s’agira pas nécessairement de la moitié de la rente avant division. Si les conjoints mariés ou unis civilement veulent également inclure la période où ils étaient des conjoints de fait (avant le mariage ou l’union civile), ils devront produire une demande conjointe pour cette période.
La division de la rente de retraite cesse avec le divorce des conjoints, la dissolution de leur union civile, leur séparation de corps, le décès de l’un d’eux, une demande conjointe de renonciation et si les conjoints de fait ne vivent plus maritalement depuis au moins douze mois.
Nous aborderons un troisième volet de la notion de conjoint dans le prochain numéro.