Les conjoints au Québec : Comment s’y retrouver ? – III
Dans ce troisième et dernier volet d’une série d’articles sur la notion de conjoint selon différentes lois, nous traiterons du sujet sous l’angle de la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (Loi sur le RREGOP), de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (Loi sur les RCR) etdu Règlement sur l’exercice de la profession médicale en société.
Les lois sur le RREGOP et sur les RCR
Le régime de retraite des employés du gouvernement du Québec est régi par la Loi sur le RREGOP tandis qu’un grand nombre de régimes de retraite du secteur privé sont plutôt assujettis à la Loi sur les RCR. Ces deux lois prévoient des règles pour le partage entre conjoints en cas de séparation de corps, de divorce, de dissolution de l’union civile ou de décès d’un participant. La notion de conjoint inclut ici tout ceux de même sexe.
Dans un premier temps, le partage d’un régime de retraite, quel qui soit, est tout d’abord assujetti aux règles du patrimoine familial ou de la société d’acquêts, selon le cas, dans l’éventualité d’un divorce, d’une séparation de corps ou de la dissolution de l’union civile (autrement que par décès). Ce sont donc uniquement les conjoints mariés ou unis civilement qui y sont soumis. Tout versement de rente ou transfert au conjoint dans le cadre du partage s’effectue directement par le régime de retraite.
Dans le cas du RREGOP, la loi ne comporte aucun droit de partage pour les conjoints de fait. Cependant, vertu de la Loi sur les RCR, le conjoint de fait (tel que défini ci-après) qui cesse de vivre maritalement avec un participant peut bénéficier du partage du régime de retraite dans la mesure où les conjoints de fait l’ont convenu par écrit.
Dans un deuxième temps, les deux lois prévoient expressément que le conjoint survivant devient le nouveau bénéficiaire du régime de retraite dans le cas du décès d’un participant. Les règles sur le patrimoine familial et la société d’acquêts ne s’appliquent toutefois pas au régime de retraite. Le conjoint marié (et non séparé de corps) ou uni civilement avec le participant a toujours priorité sur toute autre personne.
Selon la Loi sur le RREGOP, si le participant n’est ni marié avec une autre personne ni uni civilement avec personne, et si le conjoint de fait n’est aussi ni marié ni uni civilement et si le conjoint de fait n’est aussi ni marié avec qui que ce soit ni uni civilement, ce dernier devient alors le nouveau bénéficiaire, soit celui qui a maritalement résidé avec le participant depuis au moins trois ans (et que le participant a publiquement représenté comme son conjoint) ou depuis au moins douze mois si un enfant est né ou est à naître de leur union.
Dans le cas des régimes complémentaires de retraite, si le participant n’est ni marié ni uni civilement, le conjoint de fait devient également le nouveau bénéficiaire, soit celui qui vit maritalement avec le participant depuis au moins trois ans ou depuis au moins douze mois si un enfant est né ou est à naître de l’union. Notons qu’en vertu de la Loi sur les RCR, le fait que le conjoint de fait du participant ait un autre conjoint (par le mariage ou l’union civile) n’a aucun effet sur ses droits du bénéficiaire. Toujours selon cette loi, la qualification du statut de conjoint aux fins de partage au décès du participant est déterminée au moment dudit décès, sauf si le versement de la rente de retraite au participant a commencé avant ce décès, auquel cas il peut s’agir du jour du premier versement de la rente de retraite ou du moment du décès (selon ce qui a été retenu par le régime de retraite) ou, à défaut, de la première éventualité. Tout versement de rente, tout paiement forfaitaire ou tout transfert au conjoint survivant s’effectue directement par le régime de pension.
Selon les lois sur le RREGOP et sur les RCR, le conjoint survivant a priorité en tout temps sur le régime de retraite en cas de décès du participant. Par conséquent, aucun legs testamentaire ni aucune désignation de bénéficiaire ne peuvent être invoqués à l’encontre de cette priorité. La loi, c’est la loi ! Aucune désignation de bénéficiaire en cas de décès ne peut être effectuée par le participant en vertu de la Loi sur le RREGOP, même en l’absence d’un conjoint. Le bénéficiaire est la succession du participant.
Lorsque c’est plutôt le conjoint du participant qui meurt, ces deux lois et les règles sur le patrimoine familial ne prévoient aucun versement ni aucun partage au bénéfice de la succession du conjoint décédé.
Le Règlement sur l’exercice de la profession médicale en société
Ce règlement, adopté par le Collège des médecins du Québec conformément au Code des professions, autorise les médecins à pratiquer par l’entremise d’une société par actions ou d’une société en nom collectif à responsabilité limitée. Pour être considéré comme actionnaire ou associé, il faut respecter plusieurs conditions. Il est notamment mentionné que le conjoint du médecin (et la parenté dudit conjoint) peut détenir des actions ou des parts sociales sans droit de vote. Pour ce règlement, la notion de conjoint est définie selon la Loi d’interprétation du Québec, qui inclut le conjoint de fait. Notons que le conjoint, qui cesse de l’être, ne peut plus être actionnaire ni associé.
Autres considérations
Les notions de conjoint et de conjoint de fait ont également leur importance dans le cadre de l’application de plusieurs autres lois, par exemple en ce qui a trait aux régimes de retraite régis par d’autres lois, d’exonération des droits sur les mutations immobilières, d’aide sociale, d’adoption, de logement d’habitation, d’aide financière aux étudiants, d’assurance emploi et d’indemnités en cas d’accident de travail et automobile. Ces notions sont aussi importantes dans plusieurs contrats d’assurance, notamment d’assurance collective (vie, médicaments, décès et mutilation).
Conclusion
Cette série de trois articles montre à quel point la notion de conjoint est d’application fort différente dans le cadre d’une multitude de lois fédérales et québécoises.
Par conséquent, la décision de se marier, de s’unir civilement, de vivre en union de fait ou tout simplement de vivre séparément l’un de l’autre a des conséquences considérables pour un couple. Il est donc fortement recommandé de vérifier ses droits et obligations avant de choisir l’un ou l’autre de ces modes de vie. Il peut également être très pénalisant de demeurer marié, uni civilement ou séparé de corps lorsque les conjoints vivent séparément de façon définitive et, surtout, s’il y a cohabitation avec un conjoint de fait. Par ailleurs, pour chacune de ces options, il est toujours conseillé de conclure un contrat de mariage, un contrat d’union civile ou une convention de vie commune, selon le cas, et de rédiger un testament.