/  18 juillet 2007

Nouveau record pour la liberté économique

Article de Monsieur Claude Picher paru le 12 septembre 2006 dans La Presse, section Affaires, sous-section La vie économique. Reproduction autorisée, Tous droits réservés.

Nouveau record pour la liberté économique

Partout sur la planète, la liberté économique a fait des progrès spectaculaires au cours des deux dernières décennies. En fait, depuis 1980, la liberté économique a progressé dans tous les pays du monde sauf quatre (Birmanie, Congo, Venezuela et Zimbabwe). On peut donc affirmer que jamais, dans l’histoire de l’humanité, le niveau de liberté économique n’a été aussi élevé.

C’est ce qu’indique le plus récent relevé annuel sur la question, publié simultanément la semaine dernière par 72 organismes de recherche économique dans le monde. Au Canada, c’est l’Institut Fraser qui est responsable de la publication 1.

La liberté économique correspond à la facilité, pour les particuliers et les entreprises, d’investir et de profiter de leurs rendements avec un minimum de contraintes.

Les auteurs du document mesurent le niveau de liberté économique de 130 pays, selon une grille comportant 38 critères: entraves bureaucratiques, intégrité du système judiciaire et impartialité des tribunaux, solidité du système financier, taux d’inflation, convertibilité des monnaies, tarifs douaniers et barrières non tarifaires, contraintes bureaucratiques, solidité des institutions financières, protection de la propriété intellectuelle, poids de l’État dans l’économie, entre autres.

Le tout est ensuite reporté sur une échelle de 1 à 10. Plus le score est élevé, plus le niveau de liberté économique l’est aussi.

Le classement publié la semaine dernière fournit les chiffres de 2004, dernière année pour laquelle toutes les données sont disponibles.

Le Canada, avec une huitième place, fait partie du peloton de tête. En soi, ce n’est pas une grande nouvelle. Année après année, le Canada se classe parmi les 10 pays où la liberté économique est la plus avancée. Ainsi, l’an dernier, il se classait au sixième rang, l’année d’avant, au septième, 20 ans plus tôt, au neuvième.

Plutôt que le rang au classement général, il faut surtout considérer le pointage, sur l’échelle de 1 à 10 dont nous venons de parler. Aucun pays ne parvient à afficher un score parfait de 10. La première place revient à Hong Kong (considéré pour les fins de l’étude comme une entité séparée de la Chine), avec une note de 8,7 points. Le Canada, avec huit points, s’en tire fort honorablement, d’autant plus qu’il n’obtenait que sept points il y a 20 ans. Si son rang au classement ne bouge pas beaucoup malgré l’amélioration de son score, c’est que le niveau de liberté économique augmente aussi ailleurs dans le monde. Ce que ces chiffres nous disent, c’est que le Canada est capable de s’adapter aux changements, et qu’il demeure un concurrent sérieux sur la scène internationale.

Outre Hong Kong et le Canada, les 10 pays offrant le plus de liberté économique sont Singapour, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, les États-Unis, l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Islande et le Luxembourg. À l’inverse, les pires pays sont le Rwanda, le Burundi, l’Algérie, la Guinée-Bissau, le Venezuela, les deux Congos, la Birmanie et le Zimbabwe.

L’étude ne fournit pas de chiffres pour les administrations subalternes, comme les États américains ou les provinces canadiennes, pour la bonne raison que de nombreux critères, comme les tarifs douaniers ou la politique monétaire, relèvent des administrations centrales. Comme le Québec est plus taxé et plus bureaucratisé que les autres provinces, on peut raisonnablement présumer que le niveau de liberté économique y est sensiblement inférieur à la moyenne canadienne.

Comme la notion de liberté économique suppose l’élimination des contraintes, on pourrait penser que plus son niveau est élevé, plus on s’approche du capitalisme sauvage.

Sur papier, l’idée se défend: la liberté économique absolue signifie l’élimination des administrations publiques. Dans la vraie vie, c’est une tout autre histoire, parce que les gouvernements, même s’ils interviennent moins dans l’économie, continuent de jouer leur rôle d’encadrement et de réglementation, de construire des infrastructures, d’administrer des programmes sociaux, de fournir des services de sécurité, de santé, d’éducation, entre autres. Évidemment, plus une société est prospère, plus elle peut s’offrir des services publics de qualité.

Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’oeil sur les principaux indicateurs de niveau de vie pour voir que celui-ci augmente avec le niveau de liberté économique.

Dans les pays où il existe le plus de contraintes économiques, 19,3 % des enfants âgés de 10 à 14 ans travaillent à l’extérieur, souvent dans des conditions misérables; dans les pays où la liberté économique est la plus avancée, cette proportion baisse à 0,3 %.

L’espérance de vie à la naissance est de 55 ans dans les pays où il y a peu de liberté économique, comparativement à 78 ans dans les pays où il y en a beaucoup. Le taux de mortalité infantile est de 72,4 décès pour 1000 naissances dans le premier cas, de 5,9 dans le deuxième.

La liberté économique ne signifie pas la liberté de polluer. Deux organismes reconnus, le Center for Environmental Law & Policy, rattaché à l’Université Yale, et le Center for International Earth Science Information Network, rattaché à l’Université Columbia, ont mis sur pied un indice de  » performance environnementale « , où chaque pays reçoit une note (sur un total possible de 100) mesurant l’efficacité de sa lutte contre la pollution. Plus la note est élevée, mieux c’est. Les pays offrant le plus de liberté économique récoltent 81 %; ceux où la liberté économique est la moins avancée ne font que 58 %.

De la même façon, le niveau de corruption, tel que mesuré par Transparence International, diminue en même temps que la liberté économique augmente.

On pourrait multiplier les exemples. Ainsi, sur le plan économique, il n’est pas exagéré de parler de fossé. Le revenu par habitant, dans les pays où il existe peu de contraintes économiques, se situe à 24 402 $US par année. Dans les pays où les contraintes sont les plus élevées, il atteint seulement 2998 $US. Ces deux montants sont exprimés en parité de pouvoir d’achat.

Entre 1990 et 2003, le revenu réel par habitant a augmenté en moyenne de 2,1 % par année dans les pays les plus libres, et il a régressé de 0,2 % par année dans les pays les plus contraignants. Enfin, le taux de chômage se situe à 5,9 % dans le premier groupe et à 12,7 % dans le deuxième.

Tous ces chiffres nous amènent assez loin du capitalisme sauvage !