Le nouveau régime d’union parentale – quelles conséquences pratiques ?

Le projet de loi 56 (appelé Loi sur l’union parentale) apporte un changement majeur dans le droit familial au Québec. Cette loi offre des protections adaptées aux parents non mariés, de même sexe ou de sexe opposé. L’union parentale vise uniquement les conjoints de fait dont un enfant commun naît ou est légalement adopté après le 29 juin 2025.

Pierre et Hélène*, un couple de médecins, souhaitent en savoir plus : leur fille Ève*, vivant en union libre, vient de leur annoncer sa grossesse. Ainsi, Pierre et Hélène consultent pour bien comprendre les enjeux légaux et financiers pour leur fille, car elle et son conjoint seront concernés par ce nouveau régime.

Pourquoi un régime d’union parental ?

L’objectif du régime d’union parentale est d’offrir une protection financière minimale pour les conjoints de fait. Il protégera les enfants de possibles inégalités financières entre les parents en union libre.

Son application est automatique et obligatoire dès la naissance
de l’enfant. Pour Ève qui accouchera au mois d’août 2025, c’est à partir de cette date qu’elle et son conjoint seront assujettis automatiquement au régime d’union parentale, sans avoir de démarche à faire.

Pour être conjoints en union parentale, il faut d’abord être conjoints de fait. Le statut de conjoints de fait est attribué aux couples qui font vie commune et se présentent publiquement comme tels. Les critères sont complexes, mais on peut noter que la cohabitation n’est pas obligatoire et qu’il n’y a aucune durée minimale. L’union parentale prend fin par la cessation
de la vie commune. Il n’y a aucun délai minimal à respecter ni démarche particulière à entamer pour y mettre fin.

Dès que deux personnes acquièrent le statut de conjoints en union parentale, il y a création d’un patrimoine parental. Celui-ci comporte quatre mesures :

  1. le patrimoine parental,
  2. la prestation compensatoire,
  3. la protection de la résidence familiale principale et du logement,
  4. la succession légale (sans testament).

Qu’arrive-t-il au patrimoine en cas de séparation ?

Hélène et Pierre s’inquiètent de ce qui pourrait advenir du patrimoine d’Ève après la naissance de l’enfant, la valeur du patrimoine parental étant partageable en cas de séparation ou de décès. Est-ce que ce régime permettrait au conjoint d’Ève de partir avec la moitié des économies ?

Tout dépend de la structure de son patrimoine. Les comptes
d’épargne d’Ève, notamment son régime enregistré d’épargne-retraite (REER), ne font pas partie du patrimoine d’union parentale ; ainsi, Ève les conservera entièrement.

Cependant, les biens visés par la constitution du patrimoine d’union parentale sont :

  • les résidences (principale et secondaires) de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage,
  • les meubles qui les garnissent et qui servent aux membres du ménage,
  • les véhicules automobiles utilisés pour leurs déplacements.

La valeur de ces biens sera partageable entre Ève et son conjoint, mais un calcul sera à réaliser. Par exemple, dans le cas d’une maison appartenant à Ève, il faudra tenir compte de plusieurs éléments, notamment le solde hypothécaire au début et à la dissolution de l’union parentale, les dons et héritages reçus en tout temps, et l’argent possédé avant cette union, s’ils ont servi à payer la maison pendant celle-ci (incluant des versements hypothécaires de capital).

À qui iront les dons des parents ?

Le jeune couple souhaite emménager dans une plus grande maison, et Pierre et Hélène comptent bien aider Ève financièrement. Ils se demandent toutefois si les dons qu’ils font régulièrement à leur fille pourraient revenir à son conjoint
en cas de séparation. Il demeure que les biens qui sont transmis à Ève par succession ou donation, avant et pendant la durée de l’union, ainsi que leur rendement, sont exclus du patrimoine d’union parentale. En revanche, cette exclusion est valable uniquement si Ève est la seule propriétaire de la maison.

Si la maison est détenue par les deux conjoints, l’exclusion s’appliquera seulement sur 50 % des dons faits à Ève. Cette situation est complexe, car il faut tenir compte du patrimoine parental et des règles civiles du droit de propriété.

Pour récupérer l’autre 50 % des dons et leur rendement lors de la vente de la maison, Ève devrait conclure une convention d’indivision entre conjoints. De plus, il est nécessaire de documenter les mouvements financiers liés aux dons, car sur plusieurs décennies, une succession de ventes, rachats et mélanges avec les fonds du conjoint peut compliquer la situation.

Il est à noter que d’autres éléments encore distinguent l’union parentale du mariage, qui ne sont pas développer ici.

Comment s’exclure du régime d’union parentale ?

L’inquiétude de Pierre et Hélène subsiste malgré les protections existantes pour les dons en argent qu’ils font à leur fille. Ils aimeraient qu’Ève envisage la possibilité de s’exclure de ce régime pour lui éviter, en cas de séparation, de verser à son conjoint la moitié de la valeur d’un chalet ou de tout autre bien.

Soulignons que, s’il n’est pas permis de s’exclure de l’union parentale, il est possible de se retirer de l’application du patrimoine d’union parentale. Dans ce cas, les trois autres mesures du régime continueront de s’appliquer (voir plus haut la liste des 4 mesures).

Ainsi, Ève et son conjoint pourront modifier, en cours d’union, la composition du patrimoine d’union parentale, notamment pour en retirer certains biens, comme un chalet. Toute modification devra être constatée par acte notarié en minute avec les deux signatures des conjoints de fait.

Pour s’exclure du patrimoine parental, Ève devra attendre un peu, car il n’est pas possible de le faire avant le début de l’union parentale.

Quels conseils donner à ses enfant ?

Pierre et Hélène sont maintenant mieux outillés pour aborder, avec leur fille, les enjeux financiers et légaux du régime d’union parentale.

Nous recommandons à tous les parents dans le même cas d’inciter leurs enfants à se doter d’une convention d’indivision et à dresser l’inventaire des biens de leur couple (avec des valeurs chiffrées), des dettes et des héritages ou dons reçus. Pour faciliter le suivi de l’argent, l’enfant devrait ouvrir de nouveaux comptes de placement personnels dès maintenant, pour permettre de déterminer les flux monétaires, avant et après le début de l’union parentale.

Commencer à parler des implications de l’union parentale avec votre conseiller et vos enfants vous permettra d’être plus serein quant à l’avenir. Notre équipe est disponible pour répondre à vos questions quant aux règles civiles du droit de propriété et celles du patrimoine parental. Prenez rendez-vous pour en savoir plus.

 


*Prénoms fictifs.

Magda Tavares, B.A.A., Pl. Fin., CIMMD
Représentante-conseil adjointe, Société gestion privée Fonds FMOQ

Ronald Miglierina, notaire, Pl.Fin., M. Fisc., LL.B., D.D.N., TEP
Directeur Solutions et Planification financière, fiscaliste et planificateur financier
Société gestion privée Fonds FMOQ