Quel est le rôle de la Banque du Canada ?
La Grande Dépression s’est échelonnée entre la crise boursière (le krach) américaine de 1929 et la Seconde Guerre mondiale. Lors des premières années de cette crise économique, qui s’est avérée la plus grande du XXe siècle, le gouvernement du Canada subissait des pressions d’autant plus fortes pour la combattre que personne n’était en mesure d’en prédire la fin. De plus, une méfiance généralisée envers le système bancaire, principalement en raison du coût élevé du crédit et de la difficulté d’y accéder, amplifiait la demande pour la création d’une banque centrale.
Le premier ministre de l’époque, Richard Bedforf Bennett, a donc mis sur pied, en 1933, une commission royale sur la banque et la monnaie au Canada. Présidée par Lord Macmillan, la commission a amorcé ses audiences publiques le 8 août et produit son rapport le 28 septembre. Bien que la proposition de créer une banque centrale n’ait été adoptée qu’avec une faible majorité des commissaires, le gouvernement a décidé d’aller de l’avant en dépit de l’opposition des banques canadiennes à la création d’une telle institution. La Loi sur la Banque du Canada a reçu la sanction royale le 3 juillet 1934, et la Banque, une société privée dont les actions étaient vendues au public, a amorcé ses activités le 11 mars 1935. Trois ans plus tard, la Banque du Canada est devenue une institution publique, en l’occurrence une société d’État appartenant au gouvernement.
Même si la loi constituante de la Banque a été l’objet de nombreuses modifications au fil des décennies, sa mission première n’a jamais changé. Elle consiste toujours à « réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation ». Et bien qu’elle relève du ministre des Finances du Canada et rende compte de ses actes au gouvernement du Canada, elle jouit d’une certaine indépendance face à ce dernier.
Son siège social est situé à Ottawa, et elle est dirigée par un conseil d’administration formé du gouverneur de la Banque, M. Stephen S. Poloz, de la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Wilkins, du sous-ministre des Finances (membre d’office sans droit de vote) et de onze autres administrateurs. Nommés pour un mandat de sept ans, le gouverneur et la première sous-gouverneure sont inamovibles et exercent leurs fonctions à temps plein.
Dans son rapport annuel 2013, la Banque rappelle que, dans le cadre de son mandat de favoriser la prospérité économique et financière du Canada, elle assume quatre grandes fonctions :
- la politique monétaire : contribuer à la bonne tenue de l’économie et à l’amélioration du niveau de vie des Canadiens en maintenant l’inflation à un taux bas, stable et prévisible. Depuis 1991, les mesures de politique monétaire prises pour atteindre cet objectif sont guidées par une cible de maîtrise de l’inflation clairement définie ;
- le système financier : favoriser la stabilité et l’efficience du système financier au Canada et dans le monde. À cette fin, assurer la surveillance générale des grands systèmes de paiement, de compensation et de règlement au pays, agir à titre de prêteur de dernier ressort, évaluer les risques entourant la stabilité financière et contribuer à l’élaboration de politiques relatives au système financier ;
- la monnaie : concevoir, produire et distribuer les billets de banque canadiens, remplacer les coupures usées, décourager la contrefaçon en créant des billets à la fine pointe de la technologie, en informant le public et en collaborant avec les organismes d’application de la loi ;
- la gestion financière : assurer des services de gestion financière efficaces et efficients pour le compte du gouvernement du Canada, de même que pour celui de la Banque et d’autres clients, offrir au gouvernement des services de gestion de la trésorerie ainsi que des services administratifs et des conseils à l’égard de la dette publique et des réserves de change, fournir également des services bancaires à l’appui des systèmes essentiels de paiement, de compensation et de règlement.
Dans la mise en œuvre de la politique monétaire en vue d’influer sur les taux d’intérêt à court terme, la Banque relève et abaisse le taux cible du financement à un jour sur le marché monétaire. La cible qu’elle fixe pour ce taux est ce qu’on appelle le taux directeur. Celui-ci constitue son principal outil de mise en œuvre de la politique monétaire, car il représente le taux d’intérêt moyen que la Banque souhaite voir réclamer par les grands établissements financiers les uns aux autres lorsqu’ils se prêtent des fonds pendant une journée.
Le taux directeur revêt une grande importance dans le maintien de l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible à moyen terme, une condition essentielle à une croissance durable de la production, de l’emploi et des revenus. À cette fin, la Banque vise un taux d’inflation de 2 % mesuré par l’indice des prix à la consommation (IPC). Cette médiane entre 1 % et 3 % est appelée la fourchette cible.
Non seulement les variations du taux directeur se répercutent-elles sur les autres taux d’intérêt (ex. : ceux des prêts personnels, commerciaux et hypothécaires), mais elles influent également sur le taux de change du dollar canadien, en d’autres mots sur la valeur de notre monnaie.
Il faut rappeler à cet égard que les conditions monétaires agissent sur la demande de biens et de services. En effet, une baisse des taux d’intérêt tend à engendrer une augmentation de la dépense et une diminution de l’épargne, tandis qu’une dépréciation du dollar peut stimuler les exportations et contenir les importations. Inversement, une hausse des taux d’intérêt contribue à freiner les dépenses, tandis qu’une appréciation du dollar concourt à réduire les exportations et à favoriser les importations.
La Banque assume aussi une responsabilité en matière de soldes non réclamés, c’est-à-dire de dépôts libellés en dollars canadiens ou d’instruments négociables émis ou détenus par des banques canadiennes, des sociétés de fiducie ou des sociétés de prêt canadiennes (ex. : comptes de dépôt, traites bancaires, chèques certifiés, récépissés de dépôt, mandats, certificats de placement garanti [CPG], dépôts à terme, soldes de carte de crédit, chèques de voyage).
Les soldes non réclamés de moins de 1000 $ des comptes inactifs depuis dix ans qui sont détenus dans des établissements financiers sont conservés par la Banque pendant trente ans, tandis que les soldes de 1000 $ ou plus transférés à la Banque sont gardés pendant cent ans. Si un solde n’est pas réclamé avant la fin de la période de garde pertinente, la Banque transfère les fonds au Receveur général du Canada. Les personnes qui le souhaitent peuvent effectuer une recherche de soldes non réclamés dans la base de données de la Banque (www.banqueducanada.ca).
Outre les responsabilités susmentionnées qui confirment son rôle prépondérant dans le bon fonctionnement de l’économie canadienne, la Banque joue un rôle de conseil stratégique auprès de l’État en matière de gestion de la dette. Elle est appelée à interagir non seulement avec les banques à charte, mais aussi avec d’autres acteurs à l’échelle planétaire (ex. : Fonds monétaire international, Banque des règlements internationaux, Banque internationale pour la reconstruction et le développement, etc.).
L’intérêt que lui portent les investisseurs devrait don être directement proportionnel à l’importance des fonctions et des responsabilités qu’elle assume et, surtout, de l’ampleur et de la portée des conséquences de ses décisions.