Survol des marchés financiers | Fiera Capital – Décembre 2022
Contexte économique
Durant le quatrième trimestre de 2022, les principales banques centrales du monde ont poursuivi leur combat contre l’inflation. Les conséquences des hausses de taux se font maintenant sentir. Le rythme de croissance de l’économie mondiale a donc continué de ralentir. Dans certains pays, l’économie s’est contractée et la récession est déjà commencée.
Aux États-Unis, le PIB s’était contracté durant la première moitié de 2022. Par la suite, on a connu un certain rebond de croissance. L’augmentation du nombre d’emplois a même surpris la plupart des économistes par sa vigueur. On a toutefois observé un certain essoufflement au quatrième trimestre, notamment du côté des ventes au détail. L’activité immobilière a également été affectée par la hausse des taux hypothécaires. Depuis leur sommet en avril 2022, les mises en chantier ont chuté de plus de 21 % et la revente de maisons d’environ 30 %. Mince consolation : la disponibilité des automobiles s’est améliorée et leurs ventes ont récemment progressé. De plus, le taux d’inflation a diminué plus rapidement que prévu par les économistes. Cette amélioration sur le front de l’inflation a incité la Réserve fédérale américaine (Fed) à ralentir le rythme de ses hausses de taux. En décembre, le président de la Fed a toutefois rappelé que des hausses supplémentaires sont à prévoir et que la partie n’est pas encore gagnée.
Au Canada, les données économiques ont dépassé les attentes. Après avoir connu un ralentissement au printemps et à l’été, l’économie canadienne a affiché une légère progression au cours de l’automne 2022, principalement causée par la hausse des exportations. Par ailleurs, le secteur immobilier est lourdement affecté par l’augmentation des taux d’intérêt : les ventes de résidences sont en chute libre et les prix se sont affaissés. Les régions qui avaient connu de très fortes progressions au cours des dernières années sont les plus touchées, notamment celles de Toronto et de Vancouver. L’inflation et les hausses de taux d’intérêt touchent l’ensemble de la population. Heureusement, les gouvernements ont mis en place certaines mesures visant à soutenir les contribuables les plus vulnérables, comme les personnes retraitées et les ménages à plus faible revenu.
L’économie européenne a été fragilisée par le conflit en Ukraine. Malgré la résilience du marché du travail, la croissance est presque nulle. Au cours des derniers mois, plusieurs indicateurs économiques ont commencé à pointer vers d’importantes contractions de l’activité économique. L’inflation est beaucoup plus élevée en Europe que dans d’autres régions du monde. Les hausses de taux seront donc nécessaires et risquent d’infliger un ralentissement plus important et durable qu’ailleurs.
Les problèmes d’approvisionnement, affectant le commerce mondial depuis le début de la pandémie, se sont nettement apaisés au cours des derniers mois. Le coût du transport maritime est revenu près du niveau prévalant en 2020. Deux obstacles majeurs ont nui à la croissance de l’économie chinoise en 2022 : le ralentissement important du secteur immobilier et le contrôle très strict de la COVID-19. Au quatrième trimestre, les autorités chinoises ont assoupli les contrôles liés à la pandémie. Cette décision a été bien perçue par les marchés financiers.
Dans l’ensemble, les marchés ont connu un quatrième trimestre positif. Les Bourses ont rebondi à la suite de la publication de statistiques encourageantes liées à l’évolution de l’inflation. Mentionnons tout de même que l’optimisme des investisseurs a été refroidi par les commentaires du président de la Réserve fédérale indiquant que les hausses de taux d’intérêt pourraient se poursuivre plus longtemps que prévu. Le prix du pétrole a fluctué dans une bande plus étroite qu’au trimestre précédent. Malgré l’incertitude liée aux exportations russes, l’offre et la demande mondiales semblent assez bien équilibrées.
Politique monétaire et titres à revenu fixe
Malgré le léger recul du taux d’inflation, les banques centrales nord-américaines ont poursuivi la hausse de leur taux directeur. Le marché de l’emploi préoccupe tout particulièrement les autorités monétaires. Elles craignent en effet que la rareté de main-d’œuvre provoque l’inflation des salaires qui se répercutera sur les prix des biens et des services. Malgré le ralentissement du rythme de croissance, le taux de chômage se situe encore à des niveaux proches des creux historiques, et ce, des deux côtés de la frontière.
Dans ce contexte, la Réserve fédérale américaine a haussé son taux directeur de 0,75 % en novembre, puis de 0,50 % en décembre. Pour l’ensemble de 2022, il est donc passé de 0,25 % à 4,50 %. Cette décision de ralentir le rythme des hausses de taux a été perçue par les marchés comme une bouffée d’air frais. Le président de la Fed, Jerome Powell, a toutefois rapidement remis les pendules à l’heure. Il a déclaré que les hausses de taux se poursuivraient de manière à refroidir le marché du travail et stopper l’inflation des salaires.
Pour sa part, la Banque du Canada a procédé durant le trimestre à deux hausses de 0,50 %. En décembre, le communiqué émis par la Banque du Canada mentionnait, pour la première fois, qu’elle « évaluera s’il est nécessaire de relever à nouveau le taux directeur ». Il faut dire que l’économie canadienne est particulièrement sensible aux hausses en raison de l’importance du secteur immobilier et du niveau d’endettement des consom-mateurs canadiens. Au total, le taux directeur a été majoré de 4,0 % en 2022. Cela devrait être suffisant pour freiner l’inflation et provoquer une récession de l’économie canadienne durant la première moitié de 2023.
En Europe, la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre ont haussé leur taux directeur à deux reprises pour un total de 1,25 %. Les pays européens font face à une situation plus complexe que la nôtre. Le conflit avec la Russie cause une forte inflation du prix de l’énergie, ce qui est particulièrement important en ce début d’hiver. La poursuite des hausses de taux devrait donc provoquer une récession qui pourrait être plus longue et plus profonde que le ralentissement prévu en Amérique du Nord.
Au Japon, les autorités monétaires ont emboîté le pas des autres banques centrales. La décision de la Banque du Japon de hausser le taux directeur a d’ailleurs causé toute une surprise sur les marchés. Depuis de nombreuses années, elle maintient une politique monétaire beaucoup plus accommodante que ses pairs.
En conséquence, les taux obligataires ont terminé le trimestre en hausse. À titre d’exemple, le taux d’une obligation du Canada d’échéance de 10 ans est passé de 3,17 % à 3,30 %. Il faut toutefois noter que ce taux a fluctué entre un creux de 2,71 % et un sommet de 3,76 %. Par ailleurs, la courbe de taux des obligations canadiennes a continué de s’inverser. En effet, les taux des obligations de plus courte échéance ont grimpé davantage puisqu’ils sont plus étroitement corrélés avec les taux directeurs. Cependant, les taux de long terme sont demeurés inférieurs aux taux de court terme. En fin d’année 2022, le taux d’une obligation du Canada d’échéance de 30 ans est de 0,77 % moins élevé que celui d’un titre de 2 ans.
Marchés boursiers
Dans l’ensemble, les résultats financiers trimestriels publiés en octobre et novembre ont été supérieurs aux attentes. Ces bons résultats ont été bien accueillis par les investisseurs boursiers. Parallèlement, l’inflation a évolué dans la bonne direction. Aux États-Unis, les baisses du taux d’inflation se sont avérées plus importantes que prévu par les économistes. En conséquence, les investisseurs ont été gonflés d’optimisme. Ils ont tenu pour acquis un certain relâchement du cycle de hausses de taux par la Réserve fédérale américaine.
Les marchés ont donc pogressé jusqu’au début de décembre. Les déclarations du président de la Fed ont toutefois changé le ton et sapé l’optimisme des investisseurs. M. Powell a parlé avec fermeté de la perspective de hausses de taux plus importantes et du maintien des taux à un niveau élevé pour une longue période. Dans l’ensemble, les principaux indices ont tout de même terminé le quatrième trimestre en hausse.
Les secteurs de l’énergie et des matériaux ont connu les meilleures progressions. La levée des restrictions relatives à la COVID-19 en Chine a soutenu le secteur des matériaux.
Par ailleurs, une majorité des sociétés du secteur de l’énergie a affiché des résultats supérieurs aux attentes. Les analystes sont unanimes : les sociétés ont démontré une plus grande rigueur que dans le passé pour la gestion de leur capital. En outre, plusieurs d’entre elles ont retourné du capital aux actionnaires par le biais de programmes de rachat d’actions ou de hausse des dividendes.
Sur les marchés outre-mer, les actions européennes se sont démarquées. Leur rebond de près de 15 % a permis de regagner le terrain perdu au trimestre précédent.
Au Japon, la tendance était similaire jusqu’à la décision surprise de la Banque du Japon de hausser le taux directeur. Entre la mi-décembre et la fin d’année, le marché boursier nippon a plongé, annulant tous les gains du trimestre.
Notons que les marchés émergents sont demeurés sous pression. La force du dollar américain et la poursuite des hausses de taux d’intérêt à travers le monde ont limité l’intérêt des investisseurs pour ces marchés.
Bien que l’ensemble des marchés ait connu un rebond au quatrième trimestre, les investisseurs ont préféré les titres de plus grande capitalisation. Durant le trimestre, les actions canadiennes de petite capitalisation ont donc affiché une progression un peu moins importante que celles des grandes sociétés.
À l’horizon
En cette fin d’année 2022, les indicateurs économiques pointent à peu près tous dans la même direction : la récession est à nos portes. Dans plusieurs pays, elle a déjà franchi le seuil. La conjoncture sera donc difficile pour l’année à venir.
L’économie mondiale sera affectée par les politiques monétaires restrictives visant à combattre l’inflation. Les risques énergétiques en Europe et le ralentissement de l’économie chinoise pèseront aussi sur l’économie mondiale.
L’ampleur et la durée de la récession dépendront de la ténacité de l’inflation. Les banques centrales pourraient poursuivre les hausses de taux au-delà des attentes actuelles des investisseurs. Le très faible taux de chômage en Amérique du Nord leur donne une certaine marge de manœuvre à cet égard. Un resserrement trop agressif et trop rapide pourrait aggraver la récession.
La probabilité d’une récession sévère nous incite donc à la prudence. Dans un tel scénario, les bénéfices des entreprises seront alors fortement touchés et le rendement des actifs traditionnels en souffrira. Les actions et les obligations pourraient subir un recul important.