Survol des marchés financiers | Fiera Capital – Mars 2022
Contexte économique
La croissance de l’économie mondiale s’est poursuivie durant le premier trimestre de 2022. Les perspectives économiques et politiques plus sombres ainsi que les nombreuses sources d’incertitude ont toutefois affecté les marchés financiers.
Au tout début du trimestre, les investisseurs affichaient un certain optimisme puisque le variant Omicron, bien que plus contagieux, semblait moins dangereux que ses prédécesseurs. Les pressions inflationnistes et l’incertitude relative au rythme des éventuelles hausses de taux de la Réserve fédérale américaine ont toutefois maintenu la nervosité des investisseurs. En conséquence, les marchés financiers ont affiché, dès le début du trimestre, une forte volatilité.
Déclenchée sur l’ordre du président Poutine le 24 février 2022, l’invasion du territoire ukrainien par les troupes russes, en plus d’être une tragédie humaine sans nom, a également affecté l’économie et les marchés mondiaux. Elle a notamment fait bondir les prix de l’énergie et d’autres matières premières. La hausse du prix de l’essence s’est fait sentir sur le prix de l’ensemble des biens de consommation, et ce, à travers le monde.
Au quatrième trimestre 2021, l’économie américaine a connu un fort gain de 7,0 % à un rythme annualisé. Cette croissance a été plus modeste au premier trimestre de 2022. Bien que les ventes d’automobiles aient bondi en début d’année, la confiance des consommateurs est particulièrement affectée par la hausse des prix des aliments et de l’essence. Heureusement, le marché du travail est sur un bon élan. À cet égard, le nombre d’emplois créés au cours des six derniers mois a dépassé les attentes. En février, le taux de chômage a baissé à 3,8 %, ce qui est très proche du niveau qui prévalait avant la pandémie. Notons que la hausse du prix du pétrole a incité les entreprises américaines de ce secteur à augmenter leurs investissements.
La croissance de l’économie européenne était relativement bonne en début d’année. Les perspectives se sont toutefois considérablement assombries depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. À mesure que le conflit se prolonge, les conséquences s’aggravent pour les pays européens. L’accueil des réfugiés ukrainiens constitue un défi pour de nombreux gouvernements voisins comme la Pologne, la Moldavie et la Roumanie. De plus, on peut s’attendre à une perte de confiance chez les consommateurs européens, puisque l’augmentation des prix du gaz naturel et de l’électricité minera leur pouvoir d’achat.
Le taux de croissance de l’économie chinoise a diminué à la fin de 2021. La détérioration du marché immobilier et les perturbations causées par les nombreuses éclosions de la COVID-19 ont restreint les dépenses de consommation. L’obstination des autorités chinoises à maintenir une tolérance zéro face aux éclosions cause des interruptions importantes de production. Cela pourrait peser sur le taux de croissance de 2022. En outre ces « fermetures » de villes ou de régions pour des raisons sanitaires affectent la confiance et les dépenses des consommateurs chinois. Pour contrebalancer ces politiques, les autorités ont assoupli la politique monétaire en abaissant les taux d’intérêt. On mise également sur une augmentation des dépenses de l’État en 2022.
Notons que depuis le début de l’année, le prix du baril de pétrole s’est fortement apprécié. Cela s’explique principalement par le conflit en Ukraine. En effet, les exportations pétrolières de la Russie sont menacées. Or, ce pays figure au troisième rang mondial en termes de volume de production de pétrole et au deuxième rang en ce qui a trait à la production de gaz naturel. Plusieurs pays membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, dépendent fortement des importations russes de gaz naturel et de pétrole pour leurs activités industrielles et la production d’électricité.
Politique monétaire et titres à revenu fixe
La forte hausse de l’inflation connue durant la deuxième moitié de 2021, en a fait le principal ennemi des banques centrales nord-américaines. Durant cette période, la Réserve fédérale américaine (la Fed) et la Banque du Canada ont mis fin à leurs programmes d’achats d’obligations sur les marchés. L’étape suivante, soit la hausse du taux directeur, a été franchie durant le premier trimestre de 2022. En effet, les 2 et 16 mars, le taux directeur a été haussé de 0,25 %, d’abord au Canada, puis aux États-Unis. Les autorités monétaires ont clairement indiqué leur intention de poursuivre cette série de hausses au cours des prochains trimestres. Le président de la Fed, Jerome Powell, a même ouvert la porte à des hausses plus importantes du taux directeur advenant que les indicateurs d’inflation demeurent trop élevés.
Au Canada, le taux directeur devrait connaître quatre hausses sup-plémentaires en 2022, pour une augmentation totale de 1,25 %.
En Europe, la Banque d’Angleterre a décrété deux hausses de 0,25 % de son taux directeur afin de mater les pressions inflationnistes. Pour sa part, devant l’incertitude causée par la guerre en Ukraine, la Banque centrale européenne a préféré maintenir son taux inchangé.
La forte poussée de l’inflation et l’intention claire de la Fed de la ramener près du niveau cible de 2 % ont provoqué une hausse des taux obligataires de court terme. Les taux des obligations gouvernementales de plus long terme ont moins augmenté puisqu’elles ont servi de valeur refuge durant cette période de forte volatilité. La courbe de taux d’intérêt s’est donc aplatie durant le trimestre. L’incertitude a également provoqué l’élargissement des écarts de taux, particulièrement pour les obligations de sociétés.
Marchés boursiers
L’incertitude engendrée par la guerre en Ukraine a amplifié la volatilité des marchés financiers. Elle a aussi provoqué une baisse généralisée des cours boursiers. Les marchés ont toutefois connu un certain rebond en fin de trimestre, alors que des espoirs de cessez-le-feu ont émané des négociations entre les belligérants.
Sans surprise, les marchés boursiers européens ont été davantage affectés par la guerre en Ukraine. D’ailleurs, leurs reculs ont été plus prononcés. Depuis le début de l’année, l’incertitude causée par ce conflit a entraîné une baisse d’environ 6 % des différents indices européens.
Aux États-Unis, le recul des indices boursiers a été concentré en janvier et février. L’incertitude relative à la conduite de la politique monétaire et au conflit en Europe a eu des conséquences sur l’évaluation des actions. Les marchés ont toutefois rebondi en mars puisque les investisseurs estimaient que les conséquences sur les entreprises américaines avaient été surévaluées. Ils ont également jugé que les sociétés du secteur de l’énergie pourraient tirer profit de la forte hausse des prix de l’énergie.
À cet égard, le marché boursier canadien se tire relativement bien d’affaire grâce à la hausse des prix des matières premières. Ainsi, le prix du pétrole a augmenté d’environ 40 % durant les trois premiers mois de 2022. Comme la Russie est un pays exportateur de métaux, le prix de plusieurs produits, comme le fer, l’aluminium et le zinc, a bondi durant le trimestre. Par ailleurs, les marchés agricoles se sont aussi démarqués, le prix du blé et du soja affichant des augmentations importantes.
En conséquence, au premier trimestre de 2022, les principaux indices boursiers canadiens affichent une légère hausse. L’indice S&P TSX composé a même touché un nouveau sommet.
À l’horizon
En cette fin de premier trimestre de 2022, les perspectives économiques et financières ne sont pas toutes claires.
Il est fort possible que la croissance économique se poursuive à un rythme qui, bien que moins rapide qu’en 2021, soit supérieur à la moyenne. Cette croissance devrait se maintenir malgré les éclosions sporadiques de nouveaux variants de la COVID-19. Plusieurs facteurs cycliques font que les pressions inflationnistes demeureront élevées, mais les hausses progressives des taux directeurs en Amérique du Nord devraient permettre de mater l’inflation sans nuire à la croissance. En Europe, au Japon et en Chine, les politiques monétaires devraient demeurer accommodantes afin de favoriser la croissance. Une telle transition en douceur d’un régime de politique monétaire accommodante vers une politique plus neutre devrait soutenir les marchés boursiers puisqu’elle offrira aux entreprises et aux gouvernements un cycle économique prolongé et une meilleure prévisibilité des perspectives économiques.
Il pourrait toutefois arriver, notamment si le conflit en Ukraine s’enlise, que les pressions inflationnistes restent plus élevées plus longtemps que prévu. Les hausses de taux d’intérêt de la part des banques centrales seraient alors plus importantes. En conséquence, cela pourrait entraîner un ralentissement de l’économie mondiale. De plus, l’intégration de perspectives inflationnistes aux salaires et aux prix risquerait de causer une spirale inflationniste. De plus, les entreprises pourraient continuer d’être affectées par la rareté de main-d’œuvre. Un tel scénario de stagflation serait néfaste pour les marchés financiers.
Quoi qu’il advienne, le contexte actuel demeure peu favorable aux obligations. La poursuite des hausses de taux directeur et la persistance des pressions inflationnistes devraient affecter l’ensemble des obligations, quelle que soit leur échéance.
Par ailleurs, la volatilité devrait demeurer élevée sur les marchés boursiers américains et européens. En contrepartie, le marché boursier canadien devrait bénéficier du contexte de reflation qui prévaut depuis quelques mois. La demande pour les matières premières demeure forte et l’offre limitée. Cela est particulièrement vrai pour le pétrole. Ce contexte est donc favorable aux entreprises du secteur énergétique canadien.