Survol des marchés financiers | Fiera Capital – Mars 2025
Contexte économique
L’arrivée du président Trump à la Maison-Blanche et la multitude de décrets signés au cours de ses premières semaines au pouvoir ont marqué l’imaginaire et bouleversé l’équilibre mondial. En moins de trois mois, les règles des relations diplomatiques, militaires et commerciales entre les États sont remises en question par les décisions du nouveau président.
L’incertitude causée par les menaces souvent modifiées ou temporairement suspendues, puis la mise en place de droits de douane sur les produits importés aux États-Unis ont perturbé le comportement des consommateurs et des entreprises à travers le monde. Il est encore difficile de mesurer les conséquences de la guerre tarifaire qui s’amorce. Les économistes s’accordent toutefois pour dire que les prochains mois seront marqués par un retour de l’inflation et un ralentissement de l’activité économique dans les pays industrialisés.
De l’aveu même du président Trump, la politique commerciale des États-Unis risque de provoquer une récession au cours des prochains mois. Les mesures visant à réduire l’immigration peuvent aussi impacter la croissance. En conséquence, les prévisions de croissance du PIB américain ont été revues à la baisse. Parallèlement, les baisses d’impôts promises pourraient accroître le déficit budgétaire du gouvernement central. Au premier trimestre, les indices de confiance des consommateurs américains ont chuté. Les marchés boursiers ont été particulièrement volatils. Les gains enregistrés en fin d’année 2024 ont été largement effacés au cours du premier trimestre.
Au Canada, le déclenchement de la guerre commerciale et l’allusion à l’annexion du territoire canadien ont provoqué une forte mobilisation d’un océan à l’autre. Des travaux visant à diminuer les barrières commerciales interprovinciales sont en marche. Par ailleurs, les provinces veulent aider les entreprises à absorber les chocs causés par la mise en place des droits de douane supplémentaires. À court terme, l’économie canadienne sera fortement affectée et la probabilité d’une courte récession est élevée. Malgré tout, au premier trimestre de 2025, le marché boursier canadien a subi un recul moins important que celui des États-Unis.
La situation économique en Europe est complexe. Bien que l’industrie automobile risque fort d’être affectée par les tarifs douaniers, la croissance économique pourrait connaître un essor. En effet, sous l’impulsion de l’Allemagne, la Commission européenne a dévoilé à la mi-mars, le plan ReArm Europe. Ce dernier prévoit des investissements dans la défense de 800 milliards d’euros d’ici 2030. Devant la menace russe et le désengagement des Américains à l’égard de l’OTAN, l’Europe vise à diminuer sa dépendance envers les États-Unis en ce qui a trait à la défense de son territoire.
La Chine a beaucoup à perdre d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Les autorités chinoises se montrent toutefois assez optimistes. Elles continuent à stimuler la croissance de
l’économie. Au cours des derniers mois, les indicateurs ont démontré une solide progression du secteur des services. Des défis importants sont toujours présents dans le secteur immobilier et celui des investissements privés.
Malgré les tensions persistantes au Moyen-Orient, le prix du pétrole a baissé durant le premier trimestre de 2025. Le prix du baril est ainsi passé de 71,72 $ à 70,25 $. Il a même touché un creux de 66,03 $ au début de mars. Cette tendance à la baisse est essentiellement attribuable au ralentissement de l’activité économique mondiale prévu pour les prochains mois.
En revanche, l’or a poursuivi sa progression durant le trimestre. Début mars, il a franchi la barre de 3 000 $ US l’once pour terminer le trimestre autour de 3150 $ US. Son prix a été soutenu par son statut de valeur refuge dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes et d’inquiétudes concernant les perspectives économiques.
Politique monétaire et titres à revenu fixe
Durant le premier trimestre, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur à deux reprises pour un total de 0,50 %. La Banque a décidé de continuer à réduire son taux directeur malgré une légère hausse des indices d’inflation et une croissance économique légèrement supérieure aux attentes. Elle a opté pour la prudence, devant l’imminence d’un ralentissement de l’activité économique.
Aux États-Unis, la Fed est dans l’expectative. À la rencontre de la fin janvier, comme celle de la mi-mars, le taux directeur a été maintenu inchangé. Les dirigeants de la Fed ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB américain pour 2025 de 2,1 % à 1,7 %. Parallèlement, leurs prévisions relatives à l’inflation sont passées de 2,5 % à 2,7 %. La Fed fait donc face à un dilemme : maintenir les taux élevés pour contrôler l’inflation ou les abaisser pour soutenir la croissance. À court terme, le président de la Fed, Jerome Powell, a réitéré qu’il n’était pas pressé d’ajuster la politique et préférait attendre davantage de clarté sur la situation. Les dirigeants de la Fed prévoient deux baisses de 0,25 % en 2025 et deux autres en 2026.
La guerre tarifaire n’a pas affecté le dollar canadien autant qu’on aurait pu craindre. Durant le premier trimestre, sa valeur a fluctué à l’intérieur d’une bande relativement étroite. Il a débuté l’année à 0,70 $ et a chuté sous la barre des 0,69 $ à la fin de janvier. Il a touché 0,705 $ le 20 février et a terminé le trimestre autour de 0,70 $.
Les taux obligataires nord-américains ont généralement baissé au cours du premier trimestre. Devant la forte volatilité et le climat d’incertitude qui prévalaient sur les Bourses, les investisseurs ont trouvé refuge dans les obligations gouvernementales. Durant le trimestre, le taux d’une obligation fédérale américaine de 10 ans est passé de 4,57 % à 4,21 %. Celui d’une obligation du gouvernement canadien à échéance de 10 ans est passé de 3,23 % à 2,96 %.
Au quatrième trimestre, plusieurs autres banques centrales ont poursuivi l’assouplissement de leur politique monétaire. La Banque centrale européenne a abaissé ses taux à deux reprises pour un total de 0,50 %. Pour sa part, la Banque d’Angleterre a réduit son taux de 0,25 % au début de février, mais a préféré maintenir le statu quo lors de sa rencontre du 20 mars.
Marchés boursiers
L’implantation des mesures protectionnistes du président Trump a provoqué une forte hausse de la volatilité sur les marchés boursiers américains et, par ricochet, sur l’ensemble des marchés mondiaux. L’indice VIX, qui mesure la volatilité du S&P 500, a connu une forte progression entre la mi-février et la mi-mars. Durant cette période, l’indice S&P 500 a perdu 4,6 %. L’indice NASDAQ, qui inclut une plus forte proportion de titres technologiques, a connu un recul deux fois plus important, soit 8,3 %.
Depuis le début de 2025, les investisseurs boursiers ont perdu leur enthousiasme. Ils sont devenus frileux. Les indices boursiers nord-américains ont donc terminé le trimestre en baisse. Dans un tel contexte de réduction du risque, les titres américains de petite capitalisation ont connu un recul deux fois plus important que ceux de grande capitalisation.
Au Canada, l’indice composé S&P/TSX des grandes capitalisations affiche un rendement trimestriel près de zéro. Les gains de l’indice S&P/TSX sont surtout concentrés dans les secteurs des matériaux et de la technologie de l’information. Les autres secteurs sont en recul, ce qui met en perspective la fragilité de l’économie canadienne face aux politiques protectionnistes du président Trump. Notons par ailleurs que les banques canadiennes, qui composent une part importante de l’indice, ont affiché de bons résultats malgré l’augmentation des provisions pour pertes comptabilisées en prévision du ralentissement de l’économie.
Les actions canadiennes de petite capitalisation ont généralement reculé. En effet, le contexte d’incertitude ne leur a pas été favorable. Il faut toutefois noter que la forte proportion de titres aurifères dans l’indice S&P/TSX des petites capitalisations a permis à l’indice d’afficher un rendement légèrement positif. Cela s’explique par la forte hausse du prix de l’or au cours des derniers mois.
Pour sa part, l’indice MSCI Marchés émergents a connu une bonne progression principalement grâce à l’apport du marché boursier chinois. Les actions chinoises ont profité de l’enthousiasme suscité par la technologie après la mise en marché du modèle d’intelligence artificielle à faible coût de la société chinoise DeepSeek.
À l’horizon
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis avait provoqué une réaction somme toute positive sur les marchés boursiers. On jugeait son approche favorable aux entreprises.
Cependant, l’avalanche de décrets du nouveau président, la nomination de son cabinet et la gestion des relations commerciales par l’imposition de tarifs douaniers ont miné la confiance des consommateurs, des entreprises et des investisseurs. Devant les perspectives économiques incertaines, on opte plutôt pour la prudence.
Les actions protectionnistes de la nouvelle administration américaine ont provoqué des réponses équivalentes de la part de leurs partenaires commerciaux. Le cumul de ces mesures et contre-mesures alimente les pressions inflationnistes.
Les décisions de l’équipe Trump ne sont pas la seule source de risque. L’inflation a fait de tels dommages chez les travailleurs qu’ils sont nombreux à souhaiter un rattrapage sur leur salaire. Alors qu’on avait vécu une longue période sans conflit de travail, les négociations de conventions collectives sont maintenant plus difficiles, et les demandes salariales dépassent le taux d’inflation. Selon les plus récentes données, les salaires des travailleurs américains ont augmenté de 4,2 % alors que le taux d’inflation s’établissait à 2,9 %. En outre, la diminution des cibles d’immigration au Canada comme aux États-Unis contribue à la rareté de la main-d’oeuvre et à la hausse des salaires.
À moyen terme, les mesures proposées par la nouvelle administration américaine, comme les baisses d’impôts, l’augmentation de la production pétrolière et l’assouplissement de la réglementation dans plusieurs secteurs, pourraient faire augmenter la croissance économique. Une hausse de l’inflation et de la croissance économique remettrait en question la capacité des banques centrales à réduire les taux directeurs dans les proportions actuellement escomptées par les marchés.
La hausse de la croissance et le resserrement du marché du travail pourraient déclencher une deuxième vague d’inflation. Les banques centrales pourraient alors décider de cesser les baisses de taux.
Par ailleurs, malgré l’implication récente du nouveau président des États-Unis, une escalade malvenue des conflits géopolitiques en Ukraine et au Moyen-Orient pourrait créer un choc pétrolier qui amplifierait les risques d’inflation.
Dans ce contexte, nous maintenons, dans les portefeuilles équilibrés qui le permettent, une exposition réduite aux obligations canadiennes et aux actions américaines et internationales. En contrepartie, notre exposition aux actions canadiennes est supérieure à la cible, et nous conservons une portion importante du portefeuille en liquidités. Au sein des classes d’actif traditionnelles, les actions canadiennes offrent un potentiel de rendement intéressant lors des périodes de hausse de l’inflation.