Vieillissement de la population : qui paiera la note de la santé ?
Bientôt, les fameux « baby-boomers » entreront dans le troisième âge, ce qui devrait se traduire par une progression phénoménale de la demande de soins de santé. Les générations suivantes, moins imposantes, pourront-elles en éponger les coûts ? Non, répondait catégoriquement Jacques Légaré, professeur de démographie à l’Université de Montréal, lors d’une conférence qu’il a prononcée en avril dernier dans le cadre des rencontres organisées par Les Fonds d’investissement FMOQ inc.
La situation démographique du Québec se distingue de celle de ses voisins d’Amérique et de celle des pays européens. En effet, le baby-boum, cette poussée de la natalité observée entre 1946 et 1966, a atteint chez nous des proportions spectaculaires, inégalées dans tout l’Occident. En revanche, le déclin des naissances qui a suivi, aussi appelé baby bust, a été plus rapide et plus prononcé au Québec que partout ailleurs dans les pays industrialisés, à l’exception cependant de l’Italie, où le taux de natalité est encore plus faible que le nôtre. Rappelons que ce taux, qui s’établit à 1,5 enfant par femme, demeure nettement inférieur à l’indice de remplacement de la population, fixé à 2 enfants par femme. Autrement dit, on dénombre ici moins de naissances que de décès.
Les baby-boomers forment donc au Québec le plus large segment de population. Et, bien sûr, ils vieillissent. Leur poids démographique est tel en regard des autres générations, et la natalité est si chétive, que dans les décennies à venir, le quart environ des citoyens du Québec seront des personnes de 65 ans et plus. Or, à l’heure actuelle, le troisième âge ne représente que 9 % de la population.
« Examinons l’évolution de l’âge médian au Québec, nous propose le professeur Jacques Légaré. De quoi s’agit-il ? D’un âge charnière, au-dessus duquel se trouve la moitié de la population et au-dessous duquel se situe l’autre moitié. Eh bien ! l’âge médian était de 20 ans seulement chez nous, au début du 20e siècle. En 2051, l’âge médian de la population sera passé à 50 ans. »
Et tandis que gonfle la cohorte de personnes âgées, la population active, elle, ne cesse de décroître. En fait, les experts prévoient qu’il y aura chaque année davantage de nouveaux retraités que de nouveaux arrivants sur le marché de la main-d’œuvre, si bien que dans un demi-siècle, on recensera un travailleur pour un pensionné !
Manquons-nous de prévoyance ?
Ainsi, le nombre de contribuables salariés tend à diminuer graduellement, mais le nombre de bénéficiaires potentiels de programmes gouvernementaux destinés aux aînés va, quant à lui, grimper. D’ores et déjà, on peut s’attendre à ce que nos baby-boomers, en avançant en âge, réclament des services accrus de maintien à domicile, de soins de longue durée et d’hébergement, d’autant plus qu’ils sont susceptibles de vivre encore plus longtemps que leurs parents ! « Les progrès de la médecine et de la science étant ce qu’ils sont, explique le professeur Légaré, l’espérance de vie allonge continuellement. Du coup, la proportion des grands vieillards, soit les personnes de 80 ans et plus, augmentera. Actuellement, ces grands vieillards constituent 15 % de la population âgée de 65 ans et plus. Bientôt, ils en formeront plus du tiers ! Le problème, c’est que les coûts sociaux grandissent avec l’âge. Par exemple, pour subvenir aux besoins d’un grand vieillard l’État doit dépenser jusqu’à 25 000 $ par année, soit 10 000 $ de plus que pour une personne de 65 ans. »
Les prochaines générations disposeront-elles des ressources nécessaires pour faire face à une croissance aussi forte et aussi durable de la demande de soins de santé ? Évidemment non, selon le professeur Jacques Légaré, car ceux qui remplaceront les baby-boomers sur le marché du travail ne seront pas suffisamment nombreux et ils ne consentiront jamais à voir s’envoler une bonne part de leur salaire en impôt au profit de leurs aînés.
« Pourtant, s’étonne le démographe Légaré, notre société a fait preuve de prévoyance en matière de revenus de retraite. Nous avons compris assez rapidement que les programmes de rentes des gouvernements ne permettraient pas d’assurer aux baby-boomers un revenu de retraite décent. Aussi, toute une série de mesures ont été prises : majoration du taux de cotisation au Régime de rentes du Québec dans le but de constituer une réserve, incitation à l’épargne-retraite individuelle, sous forme de REER, et collective, sous forme de caisse d’entreprise (ou, si vous préférez, de fonds de pension), afin de diversifier les sources de revenus de retraite et de réduire notre dépendance aux prestations de l’État. Pourquoi ne pas nous préparer de la même façon à la flambée prévisible des coûts de la santé ? »
D’après le professeur Légaré, il conviendrait dès maintenant de créer une « caisse santé », c’est-à-dire accumuler une réserve en vue des décennies à venir, comme le font plusieurs pays européens. La question est lancée. Tout le débat reste à faire…
La présentation de cette conférence est disponible dans notre site Internet à l’adresse www.fondsfmoq.com