Le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) vise à assurer la sécurité financière d’un bénéficiaire atteint d’une déficience grave et prolongée de ses fonctions physiques ou mentales. Avec le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), le REEI constitue fort probablement un des héritages les plus marquants laissés par l’ancien ministre des Finances du Canada, le regretté Jim Flaherty. Étant lui-même le père d’un enfant handicapé, monsieur Flaherty était particulièrement sensible à la question de protection financière des personnes vulnérables.

Les intervenants

Les principaux intervenants d’un REEI sont le titulaire et le bénéficiaire. Le titulaire met en place et administre le REEI, il effectue ou autorise des cotisations au régime. Le titulaire du REEI peut parfois en être le bénéficiaire. En effet, si ce dernier est majeur et apte, il pourra être titulaire ou cotitulaire du REEI. Le bénéficiaire est celui qui retirera des sommes du REEI; il doit remplir toutes les conditions suivantes :

  • être admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH);
  • détenir un numéro d’assurance sociale;
  • résider au Canada;
  • être âgé de 59 ans ou moins le 31 décembre de l’année dans laquelle le régime est ouvert.

Ces exigences doivent être satisfaites au moment d’ouvrir le REEI et chaque fois qu’une cotisation ou une subvention est déposée au régime. Un bénéficiaire ne peut détenir qu’un seul REEI à tout moment. Cependant, un REEI peut avoir plus d’un titulaire en même temps et au cours de son existence. Le bénéficiaire, ses parents, des membres de sa famille ou d’autres cotisants autorisés peuvent contribuer au régime.

Cotisations

Limitées à 200 000 $ à vie (sans maximum annuel), les cotisations peuvent être versées jusqu’à la fin de l’année où le bénéficiaire atteint 59 ans. Ce plafond inclut les cotisations en tant que telles et, le cas échéant, les roulements d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) d’un parent décédé ou d’un régime enregistré d’épargne-études (REEE).

Même si aucun plafond annuel n’est imposé, outre le plafond viager de 200 000 $, la subvention canadienne pour l’épargne-invalidité (SCEI) annuelle est, quant à elle, limitée, ce qui rend moins avantageux les versements annuels très importants. Comme c’est le cas pour le REEE, la cotisation au REEI n’est pas déductible.

Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité (SCEI)

Les cotisations à un REEI donnent droit aux SCEI au taux de 100 %, 200 % ou 300 %, selon le revenu familial net et le montant des cotisations.

  • Pour un bénéficiaire dont le revenu familial est inférieur ou égal au deuxième seuil d’imposition fédéral (93 208 $ en 2018), la SCEI représente 300 % sur les premiers 500 $ versés au régime et 200 % sur les cotisations suivantes allant jusqu’à 1 500 $.
  • Pour un bénéficiaire dont le revenu familial dépasse le seuil indiqué (93 208 $ en 2018), la SCEI égale 100 % des cotisations versées.

La SCEI est plafonnée à 10 500 $ par année et à 70 000 $ à vie. Les subventions sont versées jusqu’à la fin de l’année où le bénéficiaire atteint 49 ans.

Prenons un exemple d’un bénéficiaire dont le revenu familial s’élève à 75 000 $. En 2018, un montant de 1 500 $ est déposé dans son REEI. La première tranche de 500 $ de cotisations sera subventionnée à hauteur de 300 % (1 500 $). La tranche suivante de 1 000 $, quant à elle, donnera droit à une subvention de 200 % (2 000 $). Ainsi, la cotisation de 1 500 $ aura donc généré une subvention totale de 3 500 $.

Si, pendant 20 ans, le revenu familial du bénéficiaire ne dépasse pas le seuil donnant droit à la subvention maximale, il aura reçu, en 20 ans, 70 000 $ de subventions (3 500 $ par année), en ne cotisant au total que 30 000 $ (1 500 $ par année). Il s’agit d’un excellent retour sur l’investissement sans même considérer les rendements.

Bon canadien pour l’épargne-invalidité (BCEI)

Les familles à plus faible revenu (moins de 46 605 $ en 2018) sont admissibles à un BCEI pouvant aller jusqu’à 1 000 $ par année. Plafonnés à 20 000 $ à vie, les BCEI ne dépendent pas du montant cotisé à un REEI et peuvent être versés jusqu’à la fin de l’année où le bénéficiaire atteint l’âge de 49 ans.

Notons enfin que depuis le 1er janvier 2011, il est possible de réclamer les subventions et les bons inutilisés des dix dernières années. Pour ce faire, le bénéficiaire doit être admissible à la SCEI et au BCEI et être âgé, au moment de la demande, de 49 ans ou moins.

Crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH)

Le bénéficiaire du REEI doit se qualifier au CIPH, aussi connu comme le montant pour personnes handicapées. L’admissibilité doit être vérifiée en continu et non seulement à l’ouverture du REEI.

Il s’agit d’un crédit d’impôt non remboursable pour une personne ayant une déficience grave et prolongée. Pour y avoir droit, un médecin qualifié doit certifier que la personne visée répond aux critères définis dans la Loi de l’impôt sur le revenu. L’agence du revenu du Canada doit approuver la demande, laquelle se fait par le formulaire T2201 — Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées.

D’autres conditions doivent être respectées, à savoir :

  • La déficience des fonctions physiques ou mentales doit être grave et prolongée (il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle dure au moins 12 mois consécutifs);
  • La déficience doit restreindre toujours ou presque toujours (au moins 90 % du temps) le particulier;
  • La capacité à travailler n’est pas prise en compte lorsqu’on établit l’admissibilité au CIPH.

Retraits

Le bénéficiaire devra, au plus tard durant l’année de ses 60 ans, commencer à tirer un revenu du REEI.

Effets du REEI sur les autres prestations du gouvernement

Les sommes détenues dans le REEI ou qui en sont retirées n’ont pas de répercussion sur l’admissibilité aux prestations fédérales, comme l’allocation canadienne pour enfants, le crédit pour la taxe sur les produits et services, le crédit pour la taxe de vente harmonisée, le Supplément de revenu garanti, la pension de la Sécurité de la vieillesse ou les prestations d’assurance-emploi. Cependant, le fait de détenir un actif considérable dans un REEI peut rendre le bénéficiaire non admissible à certains programmes d’aide sociale du Québec.

Décès

Au décès du bénéficiaire, le solde du REEI (moins les montants de retenue à rembourser au gouvernement) est remis à la succession au plus tard à la fin de l’année civile suivant celle du décès, et toute portion imposable doit être incluse dans le revenu de la succession.

Roulement du REER vers le REEI

Au décès d’un particulier, il est possible de transférer, sans impact fiscal, son REER vers le REEI de son enfant ou petit-enfant à charge financière. Le montant du transfert ne doit toutefois pas dépasser le plafond cumulatif pour le REEI, soit 200 000 $ moins toute cotisation antérieure effectuée au REEI. Ce roulement ne donne pas droit aux SCEI. De plus, comme les sommes provenant du REER n’ont pas encore été imposées, elles le seront entre les mains du bénéficiaire au moment du retrait.

Roulement du REEE vers le REEI

Si le bénéficiaire d’un REEE ne fait pas d’études en raison d’une déficience physique ou intellectuelle le rendant admissible au CIPH, il est possible, sous certaines conditions, de transférer le revenu accumulé (à l’exclusion des subventions et des bons) du REEE à un REEI.

Le transfert se passe comme suit :

  • Les cotisations au REEE sont remises au cotisant du REEE (souvent le parent);
  • Les subventions canadiennes pour l’épargne-études, les bons canadiens pour l’épargne-études et les incitatifs québécois pour l’épargne-études déposés dans le cadre du REEE sont remboursés au gouvernement;
  • Le REEE devra être fermé au plus tard à la fin de février de l’année suivant celle où le roulement a lieu;
  • Le revenu de placement du REEE est remis au REEI; ce transfert réduit d’autant les droits de cotisation disponibles;
  • Le montant du transfert ne donne pas droit à la SCEI;
  • Au moment du retrait, le montant transféré est inclus dans la partie imposable du revenu versé au bénéficiaire.

En conclusion, pour une personne souffrant d’un handicap, le REEI constitue un véhicule de placement financièrement et fiscalement avantageux.

 

Au décès, beaucoup d’éléments relatifs au REER doivent être considérés. En voici un aperçu.

Qui héritera du REER?

À la question : À qui iront les REER au décès?, la réponse spontanée est fréquemment : Au conjoint. S’il est vrai que le transfert du REER au conjoint, en cas de décès, s’avère souvent une option très efficace, elle n’est pas la seule et pas nécessairement toujours la meilleure, et ne constitue jamais une obligation!

Au moment du décès, le REER du défunt ainsi que ses autres biens vont aux héritiers[1]. Il s’agit parfois des bénéficiaires désignés[2] ou des légataires nommés au testament. Des considérations fiscales devraient normalement entrer en ligne de compte au moment d’identifier un bénéficiaire ou un légataire. En effet, au décès, il y a disposition présumée des biens (incluant les REER), et le défunt pourrait se trouver imposé sur ses REER. Différentes options de transfert ou de roulement permettent de réduire ou de reporter l’imposition.

Les options de transfert

Le transfert du REER du défunt au conjoint s’effectue sans incidence fiscale, peu importe qu’il s’agisse de conjoints mariés ou vivant en union de fait. N’étant assujettie à aucun plafond, cette option s’offre même si le conjoint survivant ne détient pas de droits de cotisation au titre des REER (communément appelés « marge REER »). L’imposition surviendra quand le conjoint survivant effectuera des retraits de ses REER.

Le REER peut être versé à l’enfant (ou au petit-enfant) mineur, à la charge financière du défunt. Dans ce cas-là, cet enfant (ou petit-enfant) pourrait recevoir le solde du REER sous forme de rente à durée fixe dont les versements doivent commencer au plus tard un an après l’acquisition de ladite rente et se poursuivre généralement jusqu’à ses 18 ans. C’est l’enfant (ou le petit-enfant) qui paiera de l’impôt sur ces revenus, et ce, fort probablement à un taux d’imposition relativement faible.

Le REER peut être versé à l’enfant (ou au petit-enfant) souffrant d’un handicap physique ou intellectuel. Dans ce cas-là, le REER du défunt est transféré au REER de l’enfant, peu importe son âge et la « marge REER » dont il dispose. L’enfant paiera de l’impôt uniquement au retrait des sommes. C’est la seule option où le REER passe d’une génération à l’autre tout en conservant sa qualité de REER. Toutefois, ce roulement présente un inconvénient : le revenu que l’enfant tirera de ces sommes pourrait avoir un impact sur son admissibilité à des prestations sociales découlant de sa condition.

Dans le cas d’un enfant souffrant d’un handicap physique ou intellectuel, il est aussi possible de transférer le REER du défunt vers le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) de l’enfant (ou du petit-enfant) à charge, sans impact fiscal immédiat. L’enfant ne sera imposé qu’au retrait des sommes. On remarquera toutefois qu’un tel transfert est plafonné à 200 000 $ (moins toutes les cotisations antérieures effectuées au REEI de l’enfant) et ne donne pas droit aux généreuses subventions associées au REEI (comme subventions canadiennes à l’épargne-invalidité). Ce transfert n’a aucune incidence sur l’admissibilité de l’enfant à des prestations sociales découlant de sa condition.

Finalement, depuis 2013, il est possible d’utiliser le produit du REER au moment du décès pour financer l’acquisition d’une rente au profit d’une fiducie de prestations à vie (FPV). Le conjoint ou l’enfant recevraient ensuite des revenus de cette fiducie. Aucun plafond ne s’applique à cette option, mais elle est permise uniquement si le bénéficiaire était l’époux ou le conjoint de fait du défunt et avait une déficience intellectuelle; ou était l’enfant (ou le petit-enfant) à charge du défunt, en raison de sa déficience intellectuelle.

Forcément plus complexe et possiblement coûteuse, cette stratégie n’est pas disponible en cas d’une déficience strictement physique, la présence d’un handicap intellectuel étant nécessaire.

Enfin, il est à noter que si aucune des options précitées n’est utilisée, le défunt sera présumé avoir effectué, au décès, un retrait total de ses REER, un montant qui sera donc entièrement imposé entre ses mains.

Imposer le défunt?

Les options présentées ci-dessus permettent de diminuer ou de reporter l’impôt sur le REER. Il existe toutefois deux situations où il pourrait être avantageux de choisir d’imposer le REER, du moins en partie, entre les mains du défunt. Premièrement, si le décès survient très tôt dans l’année ou si le défunt a touché peu de revenus imposables durant l’année du décès, il serait possible de bénéficier d’un taux d’imposition marginal relativement faible sur la totalité ou une partie des REER. Deuxièmement, si le défunt possède des pertes en capital reportées d’années antérieures, il pourrait aussi être pertinent d’imposer celui-ci sur une portion des REER. En effet, normalement, des pertes en capital reportées peuvent effacer seulement des gains en capital. Toutefois, au décès, ces pertes peuvent être appliquées à d’autres revenus, notamment à des revenus provenant du REER. Une telle stratégie équivaudrait à effectuer des retraits du REER sans aucun impôt.

Cotisation après le décès

Après le décès, aucune cotisation au REER du défunt n’est permise. Toutefois, si le défunt détenait une « marge REER », il est possible de verser des cotisations au REER du conjoint survivant durant l’année du décès ou dans les 60 jours suivant la fin de cette année (comme pour les cotisations traditionnelles). Strictement réservée au conjoint survivant, cette cotisation post-mortem constitue la seule utilisation possible des droits de cotisation inutilisés du défunt.

Si le défunt participait au Régime d’accession à la propriété (RAP)

En général, si un participant au RAP décède, on doit inclure, aux fins fiscales, le solde du RAP du défunt dans son revenu imposable pour l’année du décès. Ce montant est égal au solde du RAP au moment du décès, moins toutes les cotisations versées à ses REER avant le décès, désignées comme remboursement dans le cadre du RAP pour l’année du décès.

Par exemple, un particulier décède en 2018. Son solde du RAP s’élève à 13 000 $ au moment du décès. Le représentant légal du défunt doit inclure 13 000 $ comme revenu dans la déclaration du défunt pour 2018.

Si, au moment de son décès, le participant avait un époux ou un conjoint de fait résidant au Canada, ce conjoint survivant pourrait décider, de concert avec le représentant légal du défunt, de continuer à effectuer les remboursements dans le cadre du RAP à la place du défunt. La règle d’inclusion du revenu précitée ne s’appliquerait donc pas au défunt. Le solde du RAP du défunt est alors considéré comme un montant retiré dans le cadre du RAP par le conjoint survivant et devra être remboursé par ce dernier à son propre REER.

Si, avant le décès, le conjoint survivant participait lui aussi au programme du RAP, sa décision de continuer à rembourser le solde du RAP du défunt n’entraînerait aucune conséquence fiscale négative, même si son nouveau solde devait dépasser 25 000 $.

Pour faire le choix de rembourser le solde du défunt, son conjoint et son représentant légal devront joindre une lettre signée à la déclaration de revenus du défunt. Cette lettre devra indiquer que le conjoint survivant a choisi de continuer de verser les remboursements dans le cadre du RAP, et que la règle d’inclusion du revenu ne doit pas s’appliquer au défunt. Finalement, si le conjoint survivant fait ce choix et que le défunt n’avait pas encore effectué de remboursement pour l’année du décès, aucun remboursement n’est requis pour le défunt pour cette année-là. Une règle semblable s’applique au régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP).

En conclusion

Avant et après le décès, une optimisation de l’usage du REER est possible… il suffit de connaître les règles!

[1] On notera que dans le cas d’une succession déficitaire, les REER pourraient être utilisés pour éponger les dettes de la succession.

[2] Possible uniquement lorsque le REER prend la forme d’un contrat de rente, comme un fonds distinct.

En 1992, les États-Unis, le Canada et le Mexique ont créé la plus vaste zone de libre-échange au monde, un territoire sur lequel on dénombre environ 480 millions d’habitants. En signant l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui est entré en vigueur deux ans plus tard, en 1994, les trois pays ont convenu de remplacer l’Accord de libre-échange (ALE) que les États-Unis et le Canada avaient conclu en 1987 et qui était en vigueur depuis 1989.

L’ALENA résultait en quelque sorte d’une extension de l’ALE dont les éléments clés portaient sur l’élimination des droits de douane et la réduction de nombreuses barrières non tarifaires. En plus d’être l’un des premiers accords multilatéraux à couvrir les échanges de services, l’ALE prévoyait un mécanisme de règlement équitable et « diligent » des différends.

L’entente conclue initialement par le premier ministre du Canada (Brian Mulroney), le président des États-Unis (George H. W. Bush) et le président du Mexique (Carlos Salinas de Gortari) a été renégociée en 1993, à la suite de l’élection du président Bill Clinton, avant d’être ratifiée par les élus canadiens, américains et mexicains.

Contrairement à l’Union européenne (UE) qui est une association politicoéconomique de 28 États membres, l’ALENA est une entente de libre-échange qui régit uniquement la circulation des biens et des services en franchise des droits de douane pour les pays membres.

Concrètement, l’ALENA vise à lever les obstacles au commerce des produits et services, tout en favorisant les investissements et la concurrence loyale dans le respect des droits de propriété intellectuelle. L’ALENA n’est donc pas une union douanière ni un marché commun.

Bon nombre de spécialistes en tracent un bilan global positif, en signalant entre autres que le produit intérieur brut (PIB) de chacun des trois pays signataires a connu une croissance notable et que le flux de leurs échanges commerciaux a quadruplé : au début de 2017, il se chiffrait à 1 100 milliards de dollars par année. Les échanges entre le Canada et les États-Unis ont triplé depuis l’entrée en vigueur de l’accord, tandis que le commerce de marchandises a plus que doublé depuis 1993. Entre le Canada et le Mexique, ce dernier s’est multiplié par neuf.

Par contre, d’autres spécialistes sont d’avis que ce bilan est mitigé et peu impressionnant sur les plans économique, social et environnemental. C’est notamment le cas des signataires de l’étude L’Accord de libre-échange nord-américain après un quart de siècle — Bilan provisoire rendue publique au début de juin par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). À leurs yeux, « près de 25 ans plus tard, (…) on peine à trouver les traces d’un développement économique soutenu que l’Accord aurait pu susciter. En fait, même l’impact brut sur le commerce semble incertain. En même temps, l’ALENA semble être à la source d’une désindustrialisation, et les salaires des travailleurs et des travailleuses n’ont guère augmenté pendant cette période ».

La disparité de ces jugements n’est pas anormale. Elle tient au fait que les grilles d’analyse des spécialistes et des organisations sont fortement influencées par les valeurs et les principes idéologiques, voire politiques qui les inspirent ou qu’ils promeuvent.

De l’avis de nombreux experts, l’ALENA ne mérite certainement pas les qualificatifs de « pire entente jamais négociée », de « plus désastreuse dans l’histoire du monde » ni d’« entente commerciale à sens unique qui a causé un carnage » que le président Trump répète à satiété pour le diaboliser. Bien que cette entente n’ait jamais fait l’unanimité, un état de situation exact quant à ses retombées et à ses impacts se situe entre les dithyrambes et les réquisitoires.

L’ALENA n’a certes pas empêché la montée du protectionnisme américain que l’actuel président des États-Unis a poussé à son paroxysme, d’abord en le brandissant comme un épouvantail durant les primaires présidentielles du Parti républicain et la dernière campagne électorale, puis en menaçant, depuis son installation à la Maison-Blanche, de le déchirer. Non sans raison, beaucoup de gens se demandent ce qu’il adviendrait si jamais le président Trump mettait ses semonces à exécution.

Dans une communication intitulée The NAFTA Renegotiation: What if the US Walks Away? et publiée en novembre 2017, l’Institut C. D. Howe a évalué que la fin de l’ALENA entraînerait une perte de 15 milliards de dollars pour l’économie canadienne, soit un recul de 0,6 point du PIB, de même que la perte de 25 000 à 50 000 emplois. Selon un ancien responsable des modèles informatiques d’Affaires mondiales Canada, M. Dan Ciuriak, les dommages causés par le ralentissement économique majeur en résultant seraient presque entièrement annulés si l’accord de libre-échange conclu entre le Canada et les États-Unis en 1987 était rétabli.

Selon M. Patrick Leblond, professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, l’ALE existe toujours. En veilleuse depuis la ratification de l’ALENA, elle reprendrait vie quasi automatiquement si celui-ci disparaissait. Son opinion n’est toutefois pas partagée par des experts (surtout américains) selon qui les Canadiens seraient mal avisés de penser que l’ALE, qui a prévalu de 1989 à 1994, constitue une police d’assurance advenant la disparition de l’ALENA. Si jamais ce point de vue s’avérait exact, toutes les barrières tarifaires et non tarifaires seraient rétablies entre le Canada et les États-Unis, en vertu des normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Dans un article intitulé « Protectionnisme américain : conséquences potentielles d’une guerre commerciale » et publié dans son édition numérique du 23 mars 2018, le mensuel financier français Le Revenu rapportait que le nouveau président de la Banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, était d’avis qu’une guerre commerciale menaçait les perspectives de développement économique, alors que son homologue de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, estimait que le protectionnisme mettait en danger la croissance potentielle de l’économie mondiale.

En pratique, le président Trump et son entourage font fi des multiples mises en garde du Fonds monétaire international (FMI) selon qui l’embellie planétaire est menacée par le protectionnisme américain, la croissance économique mondiale étant tributaire des échanges commerciaux à travers la planète.

En ce qui concerne plus particulièrement le Québec, le ministre des Finances, Carlos Leitão, a estimé, dans son dernier budget, que la fin de l’ALENA réduirait le PIB québécois de 0,5 % et entraînerait la disparition de près de 16 000 emplois. Il appert en effet que la forte concentration et la diversité de nos industries manufacturières nous rendent plus à risque que tout le reste du Canada, hormis l’Ontario.

On estime que 6,8 % de l’économie québécoise est menacée par le protectionnisme américain, comparativement à 8 % pour l’Ontario et 5,8 % pour la moyenne canadienne. Bien que notre économie soit l’une des plus exposées aux impacts de l’isolationnisme de nos voisins du sud, certaines études signalent que ceux-ci seraient probablement moins lourds que ce que la plupart des observateurs anticipent.

Le tumultueux dossier de l’ALENA est rempli de péripéties et tout indique que la situation n’ira pas en s’apaisant, étant donné l’impétuosité et l’imprévisibilité du 45e président des États-Unis.

Il n’en demeure pas moins que chaque jour, 400 000 personnes et plus de 2,4 milliards de dollars en biens et services traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis; que le Canada est le plus grand marché d’exportation pour les marchandises des États-Unis et l’un des trois plus importants pays de destination des produits de 48 États américains; et que près de 9 millions d’emplois aux États-Unis dépendent du commerce et de l’investissement avec le Canada.

Ces données sont le reflet d’une réalité économique implacable qui, tôt ou tard, devrait finir par rattraper ceux qui s’évertuent à la nier ou à minimiser son importance. En attendant, le plus important est de garder la tête froide et de ne pas se laisser distraire par des déclarations incendiaires et des gazouillis intempestifs, comme le Canada l’a fait jusqu’à maintenant.

Contexte historique

Lorsque des signaux inquiétants émanent du marché immobilier, il arrive que les autorités publiques interviennent dans le but d’éviter une surchauffe. En 2008, par exemple, le gouvernement fédéral a diminué la période maximale d’amortissement d’un emprunt hypothécaire de 40 à 35 ans avant de revenir à la charge en 2011 pour la réduire de 35 à 30 ans, puis en 2012 pour la faire passer de 30 à 25 ans.

La crise du crédit de 2008 ayant mis en lumière l’importance, pour les institutions financières, de s’assurer de leur capacité à gérer des situations d’urgence et à maintenir leur solvabilité en cas de grandes perturbations économiques, elles se sont vu imposer, notamment par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), des exigences de plus en plus strictes quant au type et à la gravité des scénarios de risque qu’elles doivent simuler chaque année.

Pratique exemplaire en matière de gestion des risques, la simulation de crise a été introduite pour limiter l’endettement des ménages canadiens en contrôlant leur niveau d’emprunt hypothécaire. Le test de simulation de crise pour prêts hypothécaires (mortgage stress test) s’est d’abord appliqué à certains prêts hypothécaires assurés assortis d’un taux variable ou fixe et d’une durée de moins de cinq (5) ans, non pas sur la base du taux d’intérêt réel, mais sur le taux de référence de la Banque du Canada.

Ainsi, un acheteur qui voulait emprunter pour acheter une propriété et qui ne disposait pas d’une mise de fonds équivalant à au moins 20 % de la valeur d’achat totale de la propriété convoitée devait faire une demande de prêt hypothécaire assorti d’une assurance qu’il pouvait souscrire, par exemple, auprès de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

En octobre 2016, cette exigence a été étendue à tous les prêts hypothécaires assurés, incluant ceux assortis de taux fixes de cinq (5) ans et plus. Cependant, cette mesure ne concernait pas les propriétaires d’une résidence qui détenaient alors une hypothèque assurée ni ceux qui renouvelaient un prêt hypothécaire assuré.

Il faut se rappeler que les marchés immobiliers de Vancouver et de Toronto étaient en surchauffe, que les prix explosaient et qu’un nombre de plus en plus grand d’emprunteurs affichait un niveau d’endettement élevé. Les autorités fédérales voulaient donc favoriser l’accès à la propriété responsable en s’assurant que les emprunteurs soient en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités financières en cas d’imprévus préjudiciables, par exemple une hausse des taux d’intérêt. En effet, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt risquait de placer beaucoup de ménages dans une situation périlleuse (une reprise de financement, par exemple).

Application des règles

En pratique, une simulation de crise n’est pas une épreuve visant à faire une prédiction ou une prévision. Elle sert à évaluer la capacité à surmonter des scénarios extrêmes dont les probabilités de se réaliser sont très faibles, et à faire des plans en conséquence. Ainsi, plutôt que d’appliquer à une demande de prêt le taux accordé, l’institution financière simule une « crise » et utilise le taux de qualification le plus élevé entre, d’une part, son taux offert pour souscrire le prêt hypothécaire majoré de 2 %, et, d’autre part, le taux de référence de cinq (5) ans[1] publié par la Banque du Canada.

C’est sur la base de cette conjecture alarmiste que l’institution prêteuse décide du montant qu’elle accepte de consentir[2]. La mensualité à verser est calculée non pas sur le taux de qualification, mais bel et bien sur le taux réellement négocié avec l’institution.

En octobre 2017, les autorités fédérales sont intervenues de nouveau et ont annoncé qu’à compter du 1er janvier 2018, tous les emprunteurs, incluant ceux qui ne sont pas tenus d’assurer leur financement hypothécaire (c’est-à-dire ceux dont la mise de fonds représente plus de 20 % de la valeur d’achat totale de la propriété), seraient assujettis au « test de résistance » susmentionné.

Ce resserrement des règles porte uniquement sur les nouveaux prêts hypothécaires et sur les refinancements. Il ne s’applique pas aux renouvellements hypothécaires, mais il concerne les emprunteurs qui souhaitent changer d’institution financière; le cas échéant, ces derniers doivent se requalifier et, conséquemment, se soumettre à une simulation de crise.

Répercussions

Contrairement au resserrement qui a été décrété en 2016 et qui touchait principalement les premiers acheteurs et les jeunes ménages ne disposant pas toujours d’une mise de fonds suffisante pour renoncer à contracter une assurance, celui de cette année affecte les acheteurs qui sont déjà propriétaires ou à la recherche de refinancement.

Selon les spécialistes, les nouvelles règles sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur les acheteurs de maisons haut de gamme, car elles réduisent l’accès à la propriété pour les gens financièrement à l’aise qui souhaitent acheter ce type de maisons. Même si le taux d’intérêt gonflé en vertu de la simulation n’est pas celui qui est effectivement appliqué au prêt hypothécaire consenti, il plombe substantiellement la capacité d’emprunt des acheteurs de même que la valeur des prêts. Comme le réflexe « normal » est de choisir une maison dont la valeur est moindre afin de se conformer aux nouvelles exigences, beaucoup d’acheteurs modèrent leurs ambitions, révisent leurs plans à la baisse et se contentent de propriétés moins coûteuses.

À cette conséquence se greffe celle des retombées de la hausse des taux d’intérêt directeurs sur la grille de taux hypothécaires. En janvier dernier, la Banque du Canada a décrété une troisième augmentation de ses taux directeurs en six (6) mois. Son taux cible à un (1) jour est passé à 1,25 %, mais des économistes prévoient qu’il devrait être supérieur à 2 % l’an prochain.

Pour le Québec, où le taux de propriété est inférieur à celui observé dans toutes les autres provinces canadiennes (61 % comparativement à 70 % ou plus), l’approche mur à mur des autorités (resserrement pancanadien) représente un enjeu sérieux.

Globalement, les nouvelles règles ont affecté les ventes de propriétés. Après une hausse en novembre et décembre 2017, le marché immobilier canadien a enregistré une baisse en janvier et en février 2018. De fait, il semble que les acheteurs aient devancé leurs décisions dans le but d’éviter les nouvelles règles hypothécaires.

Le Québec n’y a pas échappé, mais le recul du début de l’année est plus modeste que dans le reste du Canada, alors que le nombre de propriétés vendues ici en janvier 2018 par l’entremise d’un courtier immobilier s’est avéré le meilleur premier mois de l’année en 10 ans. Il semble toutefois que le dernier resserrement et la hausse des taux d’intérêt soient à l’origine d’un réajustement de la demande favorable à la propriété locative.

Et après…

Pour ce qui est de l’avenir, il ne faut pas perdre de vue qu’outre le ratio d’endettement moyen des ménages qui demeure très élevé, le vieillissement de la population est un autre phénomène qui pourrait avoir des conséquences majeures sur l’offre dans le marché immobilier résidentiel.

C’est ce qui incite les autorités publiques à demeurer vigilantes et à s’assurer que les acheteurs contractent des hypothèques non pas qu’ils croient pouvoir, mais qu’ils peuvent réellement assumer. Dans cette optique, leurs tours de vis occasionnels sont sans doute le meilleur exemple de ce qu’est « un mal nécessaire ».

[1]    Ce taux varie dans le temps.

[2]    L’institution ne peut pas prêter une somme qui ne passe pas ce « test de résistance ».

Comment le prix du pétrole est-il établi sur le marché?

D’entrée de jeu, il faut savoir qu’il n’y a pas « un » prix, mais « des » prix du pétrole. La distinction à faire est au niveau de la qualité qui entre dans un baril. Cela est important, car on trouve plus de 150 qualités de pétrole sur le marché.

Le gisement

Un baril de pétrole provient de puits qui ne sont pas tous identiques. La qualité du puits varie en fonction de la densité du pétrole et des impuretés qu’il contient, notamment le soufre. La qualité du gisement influence le coût qui devra être déboursé pour transformer ce pétrole en essence pour les voitures. Cela influence le prix que les producteurs réclameront pour vendre leurs barils à un raffineur.

Le pétrole c’est un marché énorme. Chaque jour, on produit plus de 95 millions de barils de pétrole dans le monde. Impossible de valider la qualité de chaque baril. Alors, comment s’y retrouver pour fixer un prix par baril?

Trois références mondiales

Les joueurs mondiaux du pétrole ont organisé leur système autour de trois repères qui déterminent le prix auquel ils s’échangent un baril de pétrole. Il s’agit du prix du Brent, du West Texas intermediate (WTI) et du Dubai light.

Le Brent, c’est le pétrole européen de la mer du Nord. C’est un pétrole léger naturellement contenu dans un réservoir rocheux étanche. Il est plus simple à produire que le pétrole lourd des sables bitumineux de l’Alberta qui est emprisonné dans un mélange de sable et d’argile. Un baril de Brent est en fait un mélange de près d’une vingtaine de types de pétrole issus de la mer du Nord.

Le WTI est également un pétrole de haute qualité qui provient des États-Unis. Un baril de WTI a une bonne densité et est pauvre en soufre, ce qui fait en sorte qu’il est possible de produire plus d’essence avec un baril de WTI que pour la plupart des autres pétroles bruts.

Quant au Dubai light, c’est le pétrole du golfe Persique extrait aux Émirats arabes unis. Il est plus lourd et plus riche en soufre que les deux autres, mais il est le repère utilisé par les marchés asiatiques.

Si le WTI est le prix de référence en Amérique du Nord, le Brent quant à lui est ce qui ressemble le plus à un prix « mondial » du pétrole. On peut livrer du Brent dans la presque totalité des ports pétroliers du monde. Le Brent a donc un grand accès au marché mondial.

L’évolution des prix

Les prix du Brent et du WTI évoluent à l’unisson, mais il existe quand même un écart entre les deux. La qualité du pétrole explique l’écart de base, mais ce n’est pas tout.

Par exemple, l’évolution de la demande intérieure aux États-Unis ou encore des événements climatiques, tels que les ouragans dans le golfe du Mexique, changent les choses. Ces phénomènes ont un impact sur le prix global du pétrole, mais, dans ces cas, l’effet sera plus important sur le WTI que sur le Brent compte tenu de la géographie.

Les coûts de transport et de stockage du pétrole diffèrent aussi entre le Brent et le WTI. Par exemple, il en coûte approximativement de 3 $ à 4 $ pour faire transiter un baril sur un pétrolier de l’Europe vers les États-Unis. En ce qui concerne le stockage, les coûts varient également entre l’Europe et les États-Unis. À titre de règle générale, l’écart du prix entre le Brent et le WTI, dans un marché normal, oscille autour d’une prime entre 2,50 $ et 4 $ par baril en faveur du WTI.

La géopolitique

Les facteurs géopolitiques peuvent produire des écarts importants entre le Brent et le WTI. Au début de l’année 2011, l’écart entre le Brent et le WTI était modeste (figure). Par la suite, cet écart a pris de l’ampleur. C’est l’incertitude liée au Printemps arabe de février 2011 qui en est responsable. Le marché craignait alors que le canal du Suez en Égypte puisse être fermé, ce qui aurait exercé une pression à la hausse considérable sur le prix du Brent en raison d’un accès plus difficile à ce type de pétrole. Au fur et à mesure que les tensions géopolitiques se sont estompées, le prix du Brent est revenu vers le prix du WTI.
Autre exemple, vers la fin de 2011, le gouvernement iranien a menacé de fermer le détroit d’Ormuz par lequel transite 20 % du flux pétrolier mondial. Le Brent s’est échangé à ce moment-là avec une prime d’environ 25 $ US par baril comparativement au prix du WTI. Ainsi, en matière de prix du pétrole, la géopolitique joue un rôle fondamental.

La production

Si les trois prix de référence mondiaux évoluent généralement dans le même sens, quels sont les facteurs qui influencent la direction générale du prix?

La production mondiale de pétrole est un facteur. Par exemple, depuis 1973, les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) limitent à environ 60 % leur contribution à la production mondiale. Toutefois, entre 2011 et 2014, la production américaine de pétrole de schiste (le pétrole non conventionnel) a doublé. Ce nouvel afflux de barils qui se poursuit a entraîné une baisse du prix du pétrole au cours des dernières années.

La différence entre les producteurs conventionnels et non conventionnels tourne beaucoup autour du coût de production d’un baril. En fait, l’OPEP cesse de faire de l’argent lorsque le prix du baril passe sous la barre de 20 $, alors que les producteurs non conventionnels ont besoin d’un prix oscillant entre 40 $ et 50 $ par baril pour financer leurs opérations. Un véritable bras de fer oppose ces deux joueurs du marché. Si l’OPEP souhaite voir baisser le prix du pétrole, elle choisira d’augmenter sa production. Si le prix devient trop élevé, les producteurs non conventionnels accapareront une part plus grande du marché. Un équilibre se forme en permanence entre ces deux intérêts.

Les réserves

Un autre facteur important est l’accès que le marché peut avoir au pétrole déjà produit. Cet accès est tributaire des réserves mondiales de pétrole.

Par exemple, les États-Unis ont constitué une réserve stratégique de pétrole. Ces barils sont donc en réserve et peuvent être rapidement déversés sur le marché si jamais les prix s’emballent. L’état des réserves de pétrole sur la planète participe donc à la fixation du prix du pétrole sur le marché mondial.

La demande

Finalement, il y a la demande mondiale de pétrole. Cette dernière dépend de divers facteurs. Il y a bien sûr une évolution fondée sur des facteurs saisonniers. En effet, il se consomme plus d’essence pour les voitures en période estivale et de vacances. La demande est aussi tributaire de facteurs météorologiques : des hivers plus rigoureux impliquent une consommation accrue de mazout, donc de barils de pétrole.

De manière plus fondamentale, l’état général de l’économie mondiale a une grande influence sur le prix du baril de pétrole. Plus l’économie tourne, plus les barils de pétrole sont consommés, et plus une pression à la hausse du côté de la demande s’exerce sur l’ensemble « des » prix du pétrole.

Sur ce point, la demande américaine est la clé du jeu. Les États-Unis (environ 4,5 % de la population mondiale) à eux seuls consomment un peu plus de 20 % du pétrole mondial. À titre de comparaison, la consommation de l’Inde (environ 17,5 % de la population mondiale) représente à peine 4,5 %; cela veut dire qu’il est encore important de regarder au sud de notre frontière pour comprendre le prix du pétrole.

Les outsiders

L’investissement influence les prix du pétrole en transitant par le marché à terme. Ce marché est un endroit bizarre où l’on ne livre jamais un baril de pétrole. Il sert à la gestion du risque pour les acheteurs et les producteurs. On y fixe à l’avance le prix d’une transaction future pour un baril de pétrole qui est souvent encore dans le sol. Ce marché est lorgné par de nombreux investisseurs qui y voient une opportunité de diversification de placements. Cet attrait engendre d’énormes mouvements de capitaux qui, pour des raisons parfois étrangères au domaine pétrolier, influencent la direction du prix du pétrole. Qui sont ces outsiders? Et bien, si vous possédez un pécule de retraite bien investi, il y a des chances pour que cet outsider soit vous!

En mars dernier, dans le cadre de notre programme de soirées-conférences, nous avons accueilli M. Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques et professeur auxiliaire à la Temple University, Japan Campus. Sa conférence sur la crise nucléaire en Corée du Nord ayant été grandement appréciée par l’auditoire présent, nous avons décidé de vous en faire bénéficier en vous présentant ci-dessous l’analyse de notre conférencier invité sur la situation en Corée du Nord. Voici donc, à l’intention de nos lecteurs, un texte dont le contenu n’engage que son auteur.

Dans un renversement de situation remarquable, le président américain Donald Trump annonçait le 8 mars dernier avoir accepté de rencontrer le leader nord-coréen Kim Jong-Un. La Corée du Nord promettait également de cesser tout essai nucléaire ou de missiles et de « s’engager envers la dénucléarisation ». Cette annonce suivait le rapprochement inattendu entre les deux Corées à l’occasion des Jeux Olympiques de Pyeongchang, en Corée du Sud, lors desquels les deux pays ont défilé sous une seule bannière.

Il s’agissait d’un revirement spectaculaire, après plus d’une année de tensions extrêmes qui avaient fait craindre l’éclatement d’un conflit armé entre les États-Unis et la Corée du Nord. En effet, la crise nucléaire a atteint son paroxysme en 2017, alors que les avancées rapides dans les programmes nucléaire et de missiles du régime de Kim ont poussé l’administration Trump à envisager sérieusement la possibilité d’effectuer des frappes préventives. Une offensive contre la Corée du Nord aurait presque certainement provoqué le déclenchement d’une guerre, avec des conséquences désastreuses pour la région.

Après plus de 70 ans de tensions et d’antagonisme entre la Corée du Nord, la Corée du Sud et les États-Unis, pouvons-nous envisager la résolution de l’un des conflits les plus durables et complexes de la planète ? Pour mieux comprendre les chances de mettre fin aux hostilités et de voir la Corée du Nord démanteler son arsenal nucléaire, nous devons mettre les derniers développements en perspective et revenir sur la nature du conflit sur la péninsule coréenne.

La division de la péninsule coréenne à la fin de la Seconde Guerre mondiale a donné lieu à une situation géopolitique hautement précaire et volatile, avec de fréquents épisodes de crises entrecoupés de périodes d’accalmie temporaire. La Corée du Nord, sous la gouverne de son fondateur Kim Il-Sung, le grand-père de l’actuel dirigeant, s’est engagée dès les années 1980 dans son programme d’armements nucléaires ; Kim croyait que l’arme nucléaire offrirait à son régime une garantie de survie face à la superpuissance américaine, en plus de lui permettre d’augmenter son prestige national face à son grand rival du sud.

Bien que le régime nord-coréen travaille depuis près de quatre décennies à bâtir son arsenal nucléaire, les extraordinaires avancées technologiques qu’il a réalisées dans les 12 derniers mois ont déjoué presque tous les pronostics et forcé les agences de renseignement à revoir leur évaluation des capacités de Pyongyang. Le sixième essai nucléaire de la Corée du Nord, effectué le 3 septembre dernier, a atteint une puissance d’environ 250 kilotonnes, soit 10 fois plus que son cinquième essai nucléaire, à peine un an auparavant. Encore plus préoccupant, moins de trois ans plus tard, Pyongyang a testé avec succès un missile balistique intercontinental pouvant atteindre la côte est de l’Amérique du Nord. Le lendemain du lancement, l’agence de presse officielle de la Corée du Nord déclarait en grande pompe que le pays avait complété sa « force nucléaire étatique ».

Plus que l’essai nucléaire du 3 septembre, le test réussi du missile intercontinental Hwasong-15 change la donne puisqu’il démontre que la Corée du Nord possède maintenant un véhicule de lancement pouvant selon toute vraisemblance atteindre son ennemi juré. Si le régime de Kim parvient à miniaturiser l’arme nucléaire afin de placer une ogive au sommet d’un missile—ce qui, selon le Pentagone, pourrait être chose faite—il aurait un programme nucléaire pratiquement opérationnel. Grâce à ces développements rapides, la Corée du Nord a largement effacé les doutes qui subsistaient quant à sa capacité de frapper le territoire américain et d’avoir un effet dissuasif crédible.

Voilà pourquoi, après quatre décennies à déployer d’importants efforts et ressources dans le but de développer son programme nucléaire, la nouvelle voulant que la Corée du Nord déclare être disposée à s’en départir a suscité la surprise chez tant d’observateurs. Qu’est-ce qui a pu provoquer ce virage extraordinaire ? Deux raisons principales peuvent l’expliquer.

En premier lieu, le régime de Kim a fait l’objet en 2017 d’une pression internationale sans précédent. Bien que le pays subisse des sanctions depuis plus d’une décennie, les nombreuses provocations de Kim Jong-Un depuis l’élection de Donald Trump ont poussé la communauté internationale à imposer des mesures encore plus strictes. L’administration Trump a réussi à rallier bon nombre de pays à sa campagne de « pression maximum », ce qui s’est traduit par l’adoption de sanctions particulièrement sévères au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Un pilier central de cette campagne menée par les États-Unis a été de faire pression sur la Chine afin qu’elle mette en application ces sanctions de manière rigoureuse. Depuis plusieurs années, Beijing faisait preuve de laxisme dans la mise en œuvre des sanctions, craignant qu’une pression excessive sur la Corée du Nord provoque l’effondrement du régime, ce qui, aux yeux de la Chine, aurait des conséquences néfastes pour sa propre stabilité. Toutefois, fort préoccupé par le discours guerrier de Trump et la possibilité qu’il ordonne des frappes préventives sur la Corée du Nord, le gouvernement chinois a fait le pari de serrer la vis à Pyongyang. Par conséquent, en 2017, la Corée du Nord, qui a toujours été très habile à contourner les sanctions internationales, a commencé à souffrir de ces mesures, comme en fait foi le déclin important de ses exportations vers la Chine dans la dernière année.

En second lieu, les récents succès dans les programmes nucléaire et de missiles placent Pyongyang dans une bonne position en cas de pourparlers avec les États-Unis. Ayant atteint ses objectifs en novembre dernier suite au lancement du missile balistique intercontinental, le régime nord-coréen pense pouvoir dialoguer d’égal à égal avec Washington. Fort d’une capacité de dissuasion légitime, il compte entamer les négociations sans devoir offrir des concessions excessives aux États-Unis.

Si les deux pays surmontent les embûches qui se dressent devant eux et s’assoient à la table de négociations, la question primordiale est de savoir si le régime de Kim est prêt à négocier de bonne foi avec les États-Unis. Encore une fois, l’histoire des relations entre Washington et Pyongyang est éclairante, puisqu’il ne s’agit pas de la première fois que la Corée du Nord dit être prête à dénucléariser.

En 1994, suite à une entente conclue avec les États-Unis, Pyongyang avait accepté de cesser l’exploitation de ses réacteurs nucléaires, soupçonnés d’être utilisés pour un programme secret d’armements, alors que Washington promettait en retour de fournir des réacteurs visant à combler les besoins énergétiques de la Corée du Nord. Cependant, la méfiance mutuelle a tôt fait de dérailler le fragile équilibre, et tant Pyongyang que Washington n’ont pas respecté leurs engagements, menant au début années 2000 à la rupture de l’entente. Entretemps, le régime nord-coréen avait entrepris secrètement un programme d’enrichissement de l’uranium.

Sous la pression internationale, la Corée du Nord a accepté entre 2003 et 2009 de s’engager dans des pourparlers multilatéraux sur la dénucléarisation avec la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis, le Japon et la Russie. En 2005 et 2007, les six parties ont conclu deux ententes sur la fin du nucléaire, mais celles-ci n’ont jamais abouti en raison du non-respect par la Corée du Nord de ses engagements. Six cycles de négociations n’ayant rien donné, Pyongyang arrêtera ce processus diplomatique en 2009.

En outre, compte tenu de la place prépondérante qu’occupe le nucléaire dans la politique, la défense, la propagande et l’identité nord-coréennes, il serait trop risqué pour Kim Jong-Un de laisser tomber son seul avantage stratégique. L’arme nucléaire est présentée par le régime de Kim comme l’unique salut face aux États-Unis. Sans le nucléaire, selon les médias nord-coréens, le pays est destiné à subir le même sort que la Libye de Mouammar Kadhafi. Ce dernier avait abandonné son programme nucléaire naissant en retour d’un rapprochement de l’Occident avant de subir des frappes de l’OTAN. De plus, la propagande célèbre en grande pompe le statut nucléaire du pays et son appartenance à ce club sélect ne comprenant que neuf membres.

Et si Kim Jong-Un était sincère dans sa volonté d’engager le dialogue sur le nucléaire ? Durant les pourparlers, les discussions risquent fort d’achopper sur de nombreux éléments contentieux tels que les garanties de sécurité exigées par la Corée du Nord afin de dénucléariser. Quelles garanties pourraient être considérées comme satisfaisantes par Kim, surtout lorsque l’on se souvient que des garanties avaient déjà été offertes par le président Bill Clinton ? Les garanties offertes par le président Trump, un leader considéré comme imprévisible tant par les alliés que les ennemis des États-Unis, risquent d’être jugées insuffisantes par son interlocuteur. Pyongyang pourrait notamment exiger un retrait complet ou partiel des troupes américaines en Corée du Sud, une option difficilement acceptable à Washington.

Même en cas d’un sommet réussi entre Trump et Kim, il est donc loin d’être acquis que les pourparlers subséquents mènent à la terre promise. Malgré le rapprochement récent, la lumière est encore très faible au bout de ce long tunnel.

En 2006, le Québec était la province canadienne la plus endettée. La dette publique brute totale mesurée en pourcentage du produit intérieur brut (ratio dette totale/PIB) s’élevait à près de 43 %, alors que la moyenne canadienne était de 25 %.

Comme près des trois quarts (75 %) de cette dette avaient servi à payer l’épicerie, c’est-à-dire les dépenses courantes, le Québec plaçait sur les épaules des générations futures le lourd fardeau de rembourser cette « mauvaise dette » pour laquelle elles n’allaient retirer aucun bénéfice.

De plus, comme le niveau de la dette s’aggravait de façon inquiétante, les dépenses en frais d’intérêt (le service de la dette) accaparaient une part importante du budget de l’État, tout en plombant la cote de crédit du gouvernement.

C’est donc pour mettre un terme à la spirale de l’endettement et pour résoudre un problème d’équité intergénérationnelle que le Fonds des générations a été créé en vertu de Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations.

Financement du Fonds

Comme il était exclu de recourir à des augmentations d’impôts ou de taxes pour financer le Fonds, sept sources de revenus sans effet négatif ont été identifiées, soit :

  1. les redevances hydrauliques versées par Hydro-Québec et par les producteurs privés d’hydroélectricité;
  2. une partie des bénéfices d’Hydro-Québec résultant de la vente d’électricité à l’extérieur du Québec et provenant de ses nouvelles capacités de production;
  3. les redevances sur l’eau captée;
  4. la vente d’actifs;
  5. les dons, legs et autres contributions reçus par le ministère des Finances;
  6. les biens non réclamés du Revenu Québec;
  7. les revenus provenant du placement des sommes constituant le Fonds.

Ces versements dédiés au Fonds ont été modifiés au cours des années de sorte qu’ils émanent aujourd’hui de huit sources, soit :

  1. les redevances hydrauliques d’Hydro-Québec et des producteurs privés;
  2. les revenus d’Hydro-Québec liés à l’indexation du prix du bloc patrimonial[1];
  3. une contribution additionnelle de 215 millions de dollars d’Hydro-Québec;
  4. les revenus miniers;
  5. un montant de 500 millions de dollars de la taxe spécifique sur les boissons alcooliques;
  6. les biens non réclamés du Revenu Québec;
  7. les dons, legs et autres contributions reçus par le ministère des Finances;
  8. les revenus de placement du Fonds.

Trois sources identifiées dans la loi nécessitent cependant l’adoption d’un décret ministériel pour fixer la partie des sommes auxquelles elles donnent lieu et qui doivent être affectées au Fonds :

  1. une partie des bénéfices d’Hydro-Québec résultant de la vente d’électricité à l’extérieur du Québec et provenant de ses nouvelles capacités de production;
  2. les redevances sur l’eau captée;
  3. la vente d’actifs, de droits ou de titres du gouvernement.

Aucun décret n’ayant été adopté à ce jour, ces sources ne génèrent aucun versement à l’heure actuelle.

Les sommes consacrées au Fonds sont déposées à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et gérées conformément à une politique de placement déterminée par le ministre des Finances, de concert avec la Caisse.

Objectifs du Fonds

Afin de ramener, en 2026, son endettement au niveau de la moyenne des provinces canadiennes, le gouvernement a inscrit dans la loi deux grandes cibles de réduction pour 2025-2026.

La première concerne la dette brute qui devra représenter 45 % du PIB au 31 mars 2026. Cette dette se calcule en additionnant la dette consolidée (celle émise sur les marchés financiers) et les passifs nets au titre des régimes de retraite et des avantages sociaux futurs des employés des secteurs public et parapublic, et en soustrayant le solde du Fonds de cette somme.

La seconde porte sur la dette représentant les déficits cumulés qui devra équivaloir à 17  % du PIB au 31 mars 2026. Cette dette correspond à la somme de tous les déficits gouvernementaux à laquelle s’ajoute la réserve de stabilisation, c’est-à-dire l’argent que le gouvernement met de côté pour assurer le maintien de l’équilibre budgétaire advenant que ses états financiers affichent un déficit.

En pratique, cette dette est la différence entre les passifs du gouvernement du Québec et l’ensemble de ses actifs, financiers et non financiers. Elle se calcule en soustrayant de la dette brute les actifs financiers (nets des autres éléments de passif) ainsi que les actifs non financiers, puis en additionnant la réserve de stabilisation et la somme obtenue.

Résultats du Fonds

Au 31 mars 2017, la dette brute correspondait à 51,9 % du PIB, et celle représentant les déficits cumulés, à 29,9 % du PIB.

Dans une étude qu’elle a rendue publique en novembre 2017, la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a noté que le gouvernement est en bonne voie d’atteindre ses objectifs à l’échéance qu’il s’est fixée, voire plus tôt pour ce qui est de la dette brute.

Sur la base des hypothèses retenues par les auteurs de l’étude, les projections font état d’un ratio de la dette brute au PIB de 41,8 % pour 2016 et d’un ratio de la dette représentant les déficits cumulés de 15,8 % pour la même année. Selon eux, le Fonds devrait totaliser un peu plus de 26 milliards de dollars en 2022 et 47 milliards de dollars en 2026, comparativement à un peu plus de 10 milliards de dollars aujourd’hui.

Dans la mise à jour de novembre 2017 du Plan économique du Québec, le ministre des Finances a estimé que les revenus découlant du placement des sommes constituant le Fonds des générations seraient de :

  • 529 millions de dollars en 2017-2018;
  • 706 millions de dollars en 2018-2019;
  • 917 millions de dollars en 2019-2020;
  • 1,2 milliard de dollars en 2020-2021;
  • 1,5 milliard de dollars en 2021-2022.

Ces revenus de placement contribuent à faire fructifier le Fonds et à accélérer la réduction de la dette.

La prudence est l’intelligence du courage

Si la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke est d’avis que « le gouvernement a fait le bon choix en créant le Fonds des générations », elle précise toutefois que « compte tenu des sommes de plus en plus importantes accumulées dans le Fonds, des questionnements, des critiques et des remises en question reviennent régulièrement hanter le pouvoir politique ».

Lucidement, les auteurs de l’étude signalent également que l’embellie de la situation financière du gouvernement « risque de susciter de forts débats pour l’utilisation des surplus qui s’annoncent, d’autant plus que la situation économique s’améliore. Dans un tel contexte, les sommes accumulées dans le Fonds feront l’objet de convoitise ».

Aussi, expriment-ils l’opinion que « le gouvernement devrait continuer de laisser les sommes s’accumuler de la même façon qu’au cours des dernières années ». À leurs yeux, « la meilleure option demeure toujours de poursuivre les opérations sans aucun décaissement avant 2025-2026 », car tous les scénarios étudiés concluent à une atteinte plus ardue des objectifs de réduction de la dette advenant une crise financière ou une récession.

En juin dernier, Standard & Poor’s a haussé de A+ à AA- la cote de crédit du Québec qui est depuis lors meilleure que celle de l’Ontario, une première en plus d’un demi-siècle, soit depuis que des données sont disponibles (1966).

En dépit de ce progrès notable, le Québec demeure toutefois la province la plus endettée du Canada. Céder aux chants des sirènes électoralistes serait une erreur grave et coûteuse.

En d’autres mots, il faut que tout un chacun, sans exception, entende et respecte le message lancé en octobre dernier par l’Institut du Québec dans son étude intitulée Réalité des finances publiques du Québec et du Canada : le Fonds des générations est une stratégie payante et elle ne fait que commencer à l’être; ce n’est certes pas au moment où l’on commence à en voir les bénéfices qu’il faut dévier du plan de réduction de notre dette publique.

[1]     Le bloc patrimonial d’électricité désigne l’énergie produite à partir du parc d’équipements en service en 1998, soit un volume maximal annuel de référence de 165 TWh (térawatts-heures) pour le marché québécois, et pour lequel un tarif patrimonial plus bas est appliqué. Les centrales « patrimoniales » d’Hydro-Québec comprennent les centrales du Complexe La Grande, de la rivière Manicouagan, de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent (Source : Thésaurus de l’activité gouvernementale – Portail Québec – Services Québec).

Depuis plusieurs décennies, les déficits gouvernementaux et l’endettement public alimentent au sein de la société, en particulier parmi les experts et les élus, des réflexions, des discussions et des débats qui s’intensifient.

Déjà en 1996, un document du ministère des Finances du Québec (L’évolution des finances publiques au Québec, au Canada et dans les pays de l’OCDE) signalait que la situation financière des provinces canadiennes et du gouvernement fédéral s’était détériorée au fil des ans. Depuis le début des années 1980, la dette de l’ensemble des provinces en proportion de leur produit intérieur brut (PIB) avait plus que doublé, passant de 12,7 % à 30,6 % en 1996.

Durant cette période, la dette du Québec par rapport au PIB avait plus que doublé, tandis que celle du gouvernement fédéral était passée de 27,4 % à 74 %.

L’endettement public est intimement lié aux déficits budgétaires. Au Québec, ceux-ci alimentent la dette de la province depuis le milieu des années 1970. Or, plus ils se creusent, plus les besoins de financement augmentent, plus les emprunts sur les marchés financiers sont utilisés, plus les intérêts à payer sont élevés et plus la dette prend de l’importance. La capacité d’emprunter sur les marchés financiers est tributaire de la solidité financière qu’évaluent régulièrement les agences de notation. Dès lors que sa capacité de remboursement est affaiblie, l’État voit sa cote de crédit abaissée et le coût de sa dette (intérêts) augmenté.

Les avis sont nombreux et variés sur les déficits et l’endettement public. Certains affirment que la dette n’est pas en soi une mauvaise chose si elle est maintenue dans une proportion raisonnable et contrôlée; d’autres estiment au contraire que l’État doit cesser de payer ses dépenses d’épicerie avec une carte de crédit afin de ne pas compromettre davantage l’avenir des générations futures.

Peu importe l’école de pensée, force est de reconnaître qu’un endettement excessif dépasse la juste mesure et qu’il faut s’en préoccuper. Même s’il y a un « certain consensus » sur le fait que l’état des finances publiques fédérales et provinciales est loin d’être paniquant, les différents gouvernements ont finalement décidé de s’y attaquer, chacun à sa façon et à sa vitesse.

Le Québec l’a fait d’une façon très marquée, il y a 22 ans maintenant, en imposant le déficit zéro dans une loi adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale. Cependant, cette loi antidéficit a dû être modifiée afin de permettre au gouvernement de déposer un budget lourdement déficitaire en 2009-2010 et d’afficher temporairement des déficits jusqu’en 2013, compte tenu de la crise économique qui sévissait. En clair, la loi qui oblige l’État à alléger le poids de sa dette (afin qu’il représente 45 % du PIB en mars 2026) n’a pas empêché le gouvernement de faire des déficits à 12 reprises depuis son adoption jusqu’en 2013-2014.

C’est pour mettre un terme à la spirale de l’endettement et pour résoudre un problème d’équité intergénérationnelle que le Québec a adopté, en 2006, la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations (article sur le sujet à paraître dans le prochain numéro).

De 2009 à 2015, la dette du Québec a progressé plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB), principalement en raison de la dégradation des infrastructures qui a contraint le gouvernement à mettre en œuvre un plan de réfection titanesque de 70 milliards de dollars. Depuis 2015, alors que la dette accaparait 55 % du PIB (un sommet), le gouvernement a réalisé deux surplus budgétaires qui ont totalisé 8 milliards de dollars en 2015-2016 et 2016-2017. Dans son budget 2017-2018, il a confirmé son intention d’accumuler des surplus de 36 milliards de dollars au cours des neuf prochaines années.

Du côté fédéral, où une loi antidéficit est également en vigueur, la plus récente Mise à jour des projections économiques et budgétaires à long terme du ministre des Finances signale que le Canada pourrait afficher des déficits annuels pendant encore au moins      35 ans, jusqu’en 2050-2051. Le cas échéant, la dette pourrait doubler d’ici 2050-2051 et dépasser les 1 500 milliards de dollars.

Les projections des auteurs font état de déficits de 25 milliards de dollars en 2025-2026, de 36,4 milliards de dollars en 2030-2031, de 38,8 milliards de dollars en 2035-2036, de 33,9 milliards de dollars en 2040-2041, de 21,6 milliards de dollars en 2045-2046, et de 2,2 milliards de dollars en 2050-2051. Selon eux, un surplus budgétaire de 26,5 milliards de dollars pourrait être réalisé en 2055-2056.

Dans sa dernière mise à jour économique, le ministre des Finances du Canada a fait état d’un déficit de 25,1 milliards de dollars en 2017 et de déficits annuels décroissants par la suite pour atteindre 14,6 milliards de dollars en 2021-2022.

Aux fins de l’information budgétaire et financière qu’il produit et publie, le gouvernement du Québec utilise la dette brute, la dette représentant les déficits cumulés (la « mauvaise dette »), la dette nette et la dette de l’ensemble du secteur public. Ailleurs au Canada, plusieurs concepts de dette sont utilisés par les gouvernements pour mesurer l’endettement.

Dans la section du Plan économique du Québec de mars 2017, le ministère des Finances signale que « l’analyse des documents budgétaires des gouvernements fédéral et provinciaux montre que les concepts de dette retenus pour évaluer la situation financière varient beaucoup ».

De son côté, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), dans son portail d’information Le Québec économique, mentionne qu’« en raison d’une réforme de la comptabilité gouvernementale du Québec, les données antérieures à 1997-1998, à 2006-2007 et à 2009-2010 ne peuvent être comparées directement avec celles des années suivantes (ministère des Finances du Québec) ».

Ces remarques constituent un appel à la prudence lorsqu’il s’agit de comparer les performances des gouvernements entre eux, et ce, d’autant plus qu’il faut tenir compte non seulement des différences entre leurs méthodes comptables, mais aussi des explications d’ordre conjoncturel ou structurel pour justifier leurs déficits respectifs.

Il n’en reste pas moins que le niveau d’endettement public demeure préoccupant. Le ministre des Finances du Québec l’a d’ailleurs reconnu dans son dernier plan économique : « Sur la base de la dette brute et en pourcentage du PIB, le Québec est la deuxième province la plus endettée après Terre-Neuve-et-Labrador. Le Québec est cependant la province la plus endettée sur la base de la dette représentant les déficits cumulés ».

Cette situation commande des mesures énergiques appliquées avec détermination et persévérance, car des perturbations démographiques et économiques majeures pourraient compromettre les progrès réalisés à ce jour.

Sur le plan démographique, le vieillissement de la population se poursuit alors que le Canada compte, pour la première fois de son histoire, davantage de personnes âgées de 65 ans et plus que d’enfants âgés de 15 ans et moins. Les besoins accrus en santé des baby-boomers à la retraite ou sur le point de la prendre génèrent des dépenses susceptibles d’exploser, compte tenu de la courbe démographique du Québec. Outre ce phénomène qui risque d’ailleurs d’être plus important ici que dans le reste du Canada, l’éducation va requérir des investissements publics massifs, tout comme les infrastructures dont la mise à niveau ou le remplacement sont loin d’être complétés.

Sur le plan économique, le niveau de l’endettement mondial dépasse actuellement, selon le chroniqueur Gérard Bérubé, « son niveau d’avant-crise alors que les banques centrales ont, en définitive, poussé leur assouplissement monétaire à la limite de leur capacité d‘intervention. La montée du populisme et du repli sur soi augmente le risque d’un choc de plus forte ampleur que la Grande Récession[1] ». Au Québec comme ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Europe, « le populisme est toujours un brin tentant. Il est comme de la drogue pour le cerveau. Il simplifie tout[2] ». Qu’il soit de droite ou de gauche, ses slogans sont sans nuances et ses solutions, réductrices.

Des experts ont conclu que, depuis la fin de la crise économique mondiale des années 2007-2012, l’endettement combiné des ménages, des entreprises non financières et des gouvernements ne s’est pas résorbé. Un risque important pèse donc sur la croissance économique future, compte tenu de la capacité limitée de beaucoup de gouvernements à répondre à une nouvelle crise.

Dans un contexte d’endettement excessif, toutes sortes de mesures peuvent certes être prises pour corriger la situation. Le hic, c’est qu’elles ont généralement des effets secondaires néfastes à court terme. Il vaut donc mieux prévenir que guérir.

[1] BÉRUBÉ, Gérard. « Endettement excessif et montée du populisme, un cocktail explosif », Le Devoir,           20 décembre 2016.

[2] BEAULIEU, Carole. « Les pièges du populisme », L’actualité, 5 novembre 2010.

Cela fait maintenant neuf ans que le bitcoin existe à titre de monnaie virtuelle que l’on désigne aussi comme cryptomonnaie. Sa valeur fluctue sans cesse en fonction des résultats de complexes calculs informatisés qui recensent en continu chacune des transactions dont il fait l’objet. C’est ce qu’on appelle un système de pair à pair, totalement indépendant qui ne relève d’aucune autorité monétaire ou gouvernementale.

Au départ, le bitcoin était l’affaire de quelques initiés qui étaient les seuls à comprendre l’intérêt et la pertinence de créer une monnaie d’échange dont la valeur allait être réactualisée à tout moment par des programmes informatiques en fonction de l’offre et de la demande.

La forte et folle valorisation que cette nouvelle monnaie virtuelle a enregistrée au cours de la dernière année a toutefois amené de nombreux investisseurs de partout dans le monde à s’intéresser au bitcoin, mais aussi à vouloir s’enrichir avec cet actif dont la valeur a été multipliée par 19 fois en l’espace d’un an, en passant de 1 000 $US au début de 2017 à 19 000 $US en décembre de la même année.

La création du bitcoin

Il faut préciser ici que l’intention derrière la création du bitcoin relève de la vision du monde que défendent les adeptes du libertarianisme, c’est-à-dire des gens qui aspirent à obtenir le maximum de libertés individuelles et qui militent pour l’absence totale, sinon le moins d’interventions régulatrices possibles des autorités gouvernementales ou paragouvernementales.

L’idée derrière le bitcoin était donc de créer une monnaie d’échange libre de toute contrainte réglementaire, une monnaie qui échapperait au contrôle des banques centrales et dont la valeur serait le reflet du consensus de ses utilisateurs, en fonction de l’offre et de la demande, le tout calculé à partir de chacune des transactions réalisées grâce à la technologie des chaînes de blocs.

Cette technologie informatique est à la base du système du bitcoin. Chaque transaction réalisée en bitcoin est vérifiée, sécurisée et enregistrée par des systèmes disséminés partout à travers la planète et qui fonctionnent en parallèle pour assurer la transparence du système et mettre sans cesse à jour la valeur de la devise.

Ce sont les utilisateurs du bitcoin qui mettent à contribution leurs systèmes informatiques pour assurer les mises à jour de la valeur de la devise et ils sont rémunérés en bitcoins (en fractions de bitcoin, plus précisément) nouvellement créés lorsque leur arsenal informatique a été mis à contribution.

Il faut comprendre ici que les partisans du bitcoin s’opposent farouchement à ce que ce soit les banques centrales qui utilisent leurs pouvoirs pour imposer leur agenda sur l’ensemble de l’activité économique.

Depuis la crise financière de 2007, la Réserve fédérale américaine a joué un rôle capital et déterminant pour sortir les États-Unis de la pire crise à survenir depuis la grande dépression des années 30.

En réduisant à zéro les taux d’intérêt, la Fed a fait marcher à fond de train la planche à imprimer des billets verts et a injecté des milliards de liquidités dans le système pour que les Américains dépensent plus et que les entreprises réinvestissent pour remettre l’économie sur les rails.

Lorsqu’un pays affiche une trop forte activité économique qui risque de faire augmenter l’inflation, la banque centrale va alors hausser les taux d’intérêt pour réduire l’accès au crédit et forcer le refroidissement de l’activité économique.

Investir dans les bitcoins

Il n’en reste pas moins qu’une catégorie d’actifs qui réussit en l’espace de quelques mois à multiplier par 17 sa valeur sur le marché ne peut faire autrement que susciter l’envie de tous ceux qui rêvent d’améliorer leurs vieux jours…

Devant un phénomène financier aussi spectaculaire, le premier réflexe de beaucoup d’investisseurs sera de se poser la question si ça ne vaudrait pas la peine de consacrer une portion de la partie plus à risque de son portefeuille dans ce qui semble être une véritable mine d’or. La question est légitime, mais la démarche en vaut-elle vraiment le coup pour autant?

La spectaculaire valorisation récente du bitcoin contient en elle tous les éléments que l’on a associés dans le passé à la création de bulles spéculatives. À chaque fois, il s’agissait d’un nouveau concept ou produit pour lequel tout le monde était prêt à payer plus cher que la veille.

Cela fut le cas au 17e siècle lorsqu’éclata la crise des tulipes hollandaises. On a vu un phénomène semblable se reproduire lors du grand krach de 1929, lorsque beaucoup de petits investisseurs se sont rués pour acheter des titres boursiers, convaincus d’un enrichissement rapide et automatique.

Plus récemment, la bulle des titres technologiques de la fin des années 90 a elle aussi été nourrie par la cupidité et l’exubérance irrationnelle. Tout le monde achetait des actions d’entreprises de la nouvelle économie parce qu’elles enregistraient des valorisations phénoménales en un temps record et tout le monde était convaincu qu’il s’agissait d’un mouvement qui allait durer.

Ce qui s’est avéré jusqu’au moment du retentissant krach d’avril 2000, qu’on a décrit avec raison comme l’éclatement de la bulle technologique, qui a fait chuter l’indice Nasdaq — à prédominance technologique — de 78 % sur deux ans. Il faudra attendre 16 ans avant que l’indice Nasdaq ne retrouve son niveau d’avant krach de mars 2000 à 5130 points.

Un développement non durable

Il est difficile de préciser où se situe exactement le bitcoin dans la chaîne de développement de ce qu’on définit comme une bulle spéculative, mais une chose est certaine, lorsqu’un actif qui valait moins d’un dollar américain lors de sa création, en 2009, se transige, neuf ans plus tard, à plus de 19 000 $US, on convient qu’une telle valorisation arrive en fin de parcours.

La limite physique d’émission de nouvelles pièces de monnaie virtuelle à 21 millions d’exemplaires a avantagé la forte progression du bitcoin, en favorisant l’effet de rareté et la surenchère qui s’en est suivie. Il y a présentement 18 millions de bitcoins en circulation et c’est à coup de millièmes de fractions de pièces que l’on émet de nouveaux exemplaires, essentiellement pour rétribuer les participants qui mettent leur puissance informatique à la disposition de la monnaie virtuelle.

L’idée maîtresse derrière le bitcoin, c’est qu’il s’agit d’une monnaie sécuritaire puisque tous les participants à la chaîne de blocs valident chacune des transactions qui s’ajoutent à la chaîne. Plus la chaîne allonge plus la validation de chacune des transactions se complexifie et c’est pourquoi des spéculateurs construisent d’immenses fermes de serveurs pour les mettre à la disposition du calcul en vue de sans cesse actualiser la valeur du bitcoin, 24 heures par jour, sept jours par semaine.

La consommation d’énergie requise par la mobilisation des millions d’ordinateurs qui servent exclusivement à la mise à jour des transactions du bitcoin est tout simplement effarante et tout à fait contraire aux promesses de développement durable que sous-tendait l’avènement de l’économie numérique.

Construire des mines d’or et les exploiter quotidiennement aux quatre coins du monde coûte une fortune aux sociétés qui font l’exploitation de cette ressource naturelle qui joue encore son rôle de valeur refuge. Les ordinateurs qui maintiennent en vie le réseau bitcoin consomment chaque jour une quantité phénoménale d’électricité. Une étude récente du Forum économique mondial nous apprend qu’au rythme de croissance actuel, ce n’est rien de moins que l’équivalent de toute la production annuelle d’électricité aux États-Unis qui ira aux bitcoins d’ici la fin de 2019.

En maintenant toujours le même rythme de croissance, c’est l’équivalent de la consommation mondiale d’électricité qui pourrait être requise pour soutenir les transactions quotidiennes du bitcoin, et ce, dès 2020. On le voit, malgré ses promesses, le bitcoin n’est pas en soi un modèle de développement durable. Il porte en lui les limites évidentes de son expansion future.

D’ailleurs, on recense aujourd’hui plus de 1 300 cryptomonnaies qui cherchent à se tailler une place équivalant à celle du bitcoin. Est-ce que la planète a les moyens de servir de telles ambitions? La question mérite d’être posée.

 

Le 2 novembre dernier, le ministre des Finances, Carlos Leitão, déposait le projet de loi no 149. Essentiellement, dans ledit document, il est proposé d’appliquer au Régime de rentes du Québec (RRQ) les modifications annoncées plus tôt au Régime de pensions du Canada (RPC). Quoique les effets de ces propositions ne se feront pas sentir immédiatement, elles toucheront tant l’employé que l’employeur.

Un peu d’histoire

Instauré en 1966, le RRQ a, au fil des années, subi de nombreuses modifications. Plus récemment, entre 2012 et 2017, on a vu l’augmentation du taux de cotisation et de la pénalité pour retraite anticipée (avant 65 ans), ainsi que la bonification du régime pour retraite reportée (après 65 ans). La nouvelle mouture de propositions représente fort probablement la plus grande transformation depuis la création du régime.

Actuellement, le RRQ prévoit un remplacement maximal de 25 % du salaire jusqu’au maximum des gains admissibles (MGA), lequel est fixé à 55 900 $ en 2018. La prestation de retraite maximale, payable à 65 ans, s’élève actuellement à 13 610 $ par année (pour 2018). On notera que le montant de 13 610 $ est égal à 25 % du MGA moyen des cinq dernières années.

Résumé des améliorations proposées

La proposition consiste à créer un régime supplémentaire au RRQ qui, en deux étapes, bonifierait les prestations de retraite :

Dans un premier temps, dès 2019, on prévoit de majorer graduellement le taux de remplacement de revenu, qui passera de 25 % à 33 % du salaire admissible. Cette amélioration correspond à la section gris pâle du graphique (figure).

Dans un deuxième temps, dès 2024, on envisage d’augmenter, sur deux ans, le maximum des gains admissibles, lequel passera de 55 900 $ (en 2018) à 63 700 $ (en dollars de 2018). Ce MGA bonifié sera désigné « maximum supplémentaire des gains admissibles (MSGA) ». La section verte reflète ce changement (figure).

Toutefois, ces modifications se feront graduellement, à raison de 1/40 de la bonification par année. Aussi, seuls les participants qui auront cumulé 40 ans de cotisations au régime supplémentaire, donc après les années précitées, profiteront de la pleine augmentation des prestations. Par exemple, celui qui n’aura cotisé que 15 ans au régime supplémentaire ne pourra toucher que 15/40 de la bonification.

Figure : Illustration des améliorations proposées

figure-Modification
MGA : Maximum des gains admissibles
MSGA : Maximum supplémentaire des gains admissibles

La section bleue représente le régime actuel et les sections gris pâle et gris foncé illustrent les améliorations proposées et leur période de mise en place (figure). On devrait donc passer d’un régime qui remplace actuellement 25 % d’un salaire admissible sujet à un maximum de 55 900 $ à un régime qui remplacerait 33 % d’un salaire admissible sujet à un maximum de 63 700 $ (en dollars de 2018). Il s’agit bel et bien, à terme (40 ans après l’application des modifications), d’une augmentation substantielle.

Impact sur les prestations de retraite

Tel qu’indiqué précédemment, ces changements visent à bonifier les prestations de retraite du régime. À terme, soit 40 ans après la mise en œuvre des modifications, la prestation de retraite maximale du régime à 65 ans, exprimée en dollars de 2018, passerait :

  • de 13 610 $ à 18 147 $ en raison du 1er volet;
  • de 18 147 $ à 20 679 $ en raison du 2e volet.

Pour le travailleur dont le salaire est égal au MGA (55 900 $ en 2018), la prestation maximale aura augmenté, en fin de compte, de 33 %. Pour celui dont le salaire est supérieur au MSGA (63 700 $ en dollars de 2018), la rente aura été bonifiée, à terme, de 52 %. Ces majorations profiteront évidemment aux plus jeunes travailleurs (ceux nés en 2000, auront 25 ans en 2025). Mais qu’en est-il pour le travailleur plus expérimenté?

Imaginons un travailleur né en 1970 dont le salaire est supérieur au MSGA. À 65 ans (en 2035), au moment de toucher sa rente du RRQ, il aura donc cotisé 15 ans au 1er volet du régime supplémentaire et 10 ans au 2e volet du régime supplémentaire. Sa prestation de retraite maximale du régime, exprimée en dollars de 2018, passerait :

  • de 13 610 $ à 15 311 $ en raison du 1er volet;
  • de 15 311 $ à 15 845 $ en raison du 2e volet.

Sa prestation maximale aura donc augmenté de 16 %.

Impact sur les coûts du régime

Le RRQ est financé à parts égales par l’employé et l’employeur. Le taux de cotisation actuel au régime est fixé, pour 2018, à 5,4 % pour l’employé et à 5,4 % pour l’employeur. On cotise au RRQ sur les gains dépassant l’exemption annuelle de 3 500 $ jusqu’au MGA (55 900 $ en 2018). Les deux volets du processus de mise en place entraîneront des cotisations supplémentaires :

  • Durant le 1er volet, on augmentera progressivement la cotisation de 1 % sur cinq années, de 2019 à 2023, pour le salaire en deçà du MGA;
  • Durant le 2e volet, on cotisera 4 % sur la tranche de revenus située entre le MGA et le MSGA. Le passage du MGA (55 900 $ en 2018) au MSGA (63 700 $ en dollars de 2018) se fera progressivement, sur deux ans.

Le tableau suivant présente, pour l’employé dont le salaire dépasse le MSGA, l’augmentation des cotisations (en dollars de 2018) au cours des prochaines années (tableau). Les cotisations de l’employeur augmenteront du même montant.

Année 1er volet 2e volet Total des cotisations supplémentaires
$
MGA
$
Cotisation supplémentaire MSGA
$
Cotisation supplémentaire
% $ % $
2019 55 900 0,15 79 79
2020 55 900 0,30 157 157
2021 55 900 0,50 262 262
2022 55 900 0,75 393 393
2023 55 900 1,00 524 524
2024 55 900 1,00 524 59 800 4,00 156 680
2025 55 900 1,00 524 63 700 4,00 312 836

Une fois la phase de transition terminée, en 2025, ces modifications nécessiteront donc une cotisation annuelle supplémentaire d’un maximum de 836 $ (en dollars de 2018). Ce montant s’ajoutera aux cotisations déjà établies pour le régime actuel. En 2018, la cotisation maximale s’élève à 2 830 $ tant pour l’employé que pour l’employeur. Toujours en dollars de 2018, la cotisation maximale passera donc de 2 830 $ à 3 666$, une hausse de 30 %. Cette augmentation maximale de 30 % des coûts permettra toutefois de toucher une prestation maximale majorée de 52 %!

À la lueur de ces nouvelles données, pour les médecins ayant incorporé leur pratique, il sera fort probablement pertinent de revisiter leur stratégie de rémunération (salaire/dividende) avant 2019.

Impact sur la pérennité du régime

Il est prévu que le nouveau régime supplémentaire se financera pleinement de manière distincte du régime actuellement en place. Autrement dit, il le sera comme un régime de retraite privé. Cet ajout au RRQ ne devra donc pas nuire à la situation financière du régime actuel et ne constituera pas non plus un transfert intergénérationnel.

Conclusion

Il est clair que ces ajustements augmenteront un coût. Toutefois, dans la majorité des cas, cela devrait être vu comme une épargne forcée, mais une épargne quand même. Enfin, cette mesure aura pour effet d’augmenter la proportion assurée des revenus de retraite des travailleurs québécois, ce qui n’est pas rien!